Ce jeudi 7 mars marque la journée mondiale contre l'endométriose. Cette maladie concernerait environ 10% des femmes dans le monde et reste encore difficile à diagnostiquer. En France, une start-up vient de développer un test salivaire. Une avancée prometteuse pour un certain nombre de femmes.
L'endométriose provoque de fortes douleurs pelviennes, menstruelles ou non selon les stades, et peut aller jusqu'à causer l'infertilité. En France, une femme sur dix souffre d'endométriose, or, diagnostiquer cette maladie gynécologique peut prendre jusqu'à sept ans.
En réponse à cette errance médicale et traiter la maladie de manière plus efficace, une start-up lyonnaise, Ziwig, a lancé un test salivaire, l'Endotest®. Ce dispositif permet de repérer des biomarqueurs associés à l'endométriose, dans la salive, chez les personnes menstruées, âgées de 18 à 43 ans. Le diagnostic repose ensuite sur la technologie du séquençage à haut débit et fait appel à l'intelligence artificielle.
"Parfois, on est amené à faire des cœlioscopies, observe le professeur Sofiane Bendfallah, gynécologue, créateur de l'Endotest®, c'est-à-dire faire une intervention chirurgicale pour répondre à une jeune fille ou une jeune femme à la question si elle a ou pas de l'endométriose. Ça, c'est le caractère invasif que ça peut revêtir. Et en amont de cette étape-là, qui est globalement la dernière étape avant qu'on puisse donner un diagnostic définitif, vous avez des examens d'imagerie, vous avez des rencontres avec des médecins, vous avez des échographies, des IRM et on sait que le parcours d'une jeune femme avec des douleurs de règles est marqué par une dizaine de rendez-vous, par trois à quatre échographies, deux à trois IRM et ces résultats-là viennent de la vraie vie. Ce sont les résultats d'une étude d'EndoFrance qui met bien en évidence que le parcours d'une patiente avec des douleurs de règles est un parcours du combattant auquel on doit mettre fin."
Testé avec succès il y a un an sur 200 femmes, l'Endotest est commercialisé dans 17 pays d'Europe et du Moyen-Orient, mais n'est pas encore disponible à la vente en France, car ses inventeurs espèrent obtenir son remboursement par la Sécurité sociale. Or, pour que cette prise en charge soit accordée, la Haute Autorité de Santé (HAS) doit donner son agrément.
"Si le diagnostic est clair, il n'y a pas besoin de test"
Dans un rapport rendu en janvier 2024, cette dernière a validé l'efficacité de ce test, fiable à 95%, mais elle précise vouloir faire des études complémentaires dans le cadre du forfait innovation, car elle a un doute quant à l'étude du fabricant Ziwig. Selon elle, il ne s'agit pas de remettre en cause le droit aux femmes de savoir, mais "l’utilité clinique d’Endotest® n’est pas encore démontrée. En effet, les données transmises par le fabricant ne permettent pas de démontrer l’impact favorable d’Endotest® dans la prise en charge des patientes."
"Je pense qu'il faut valider des indications de test, réagit Aurore Marx, gynécologue-obstétricienne à Amiens, il ne faut absolument pas que ce soit un test grand public. Si on a un test, il faut pouvoir en faire quelque chose derrière. Il faut faire le test en cas de doute de diagnostic. Si le diagnostic est clair, il n'y a pas besoin de test. Ce n'est pas grave d'avoir de test formel. Ça ne change rien au traitement qu'on va proposer. Que le test soit positif ou négatif, s'il y a des douleurs au moment des règles, on va bloquer les règles. Il faut vraiment savoir à qui on le propose. Et je ne suis pas sûre que ça va changer beaucoup nos prises en charge sauf en cas de doute. En fait, on n'a pas de traitement qui éradique l'endométriose. Le traitement qu'on met en route pour limiter la progression de la maladie est de soulager les symptômes liés au fonctionnement du cycle menstruel. Mais c'est sûr que si un jour, on découvre quelque chose qui protège de l'endométriose, ça peut valoir le coup de faire le test à tout le monde et que si on a une prédisposition, qu'on est étiqueté endométriose, pouvoir apporter une prévention, oui, carrément, mais ce n'est pas le cas."
L'Endotest ne s'adresse pas à toutes les femmes, seulement à celles chez qui les examens cliniques ou l'imagerie médicale ne permettent pas d'expliquer les douleurs persistantes.
Un test à près de 800 euros
Depuis juin 2022, le test est accessible à la vente en ligne à près de 800 euros. Une somme expliquée par le recours aux machines NGS (new generation sequencing). "Lorsqu'on compare le coût du test, explique le professeur Sofiane Bendfallah, et le parcours de soins en France, on a démontré avec des publications scientifiques que le fait de l’utiliser très tôt rendait service aux patientes et faisait faire des économies à la société sur l’ensemble du parcours, car il réduisait le nombre d’IRM, il réduisait le nombre d’échographies, il réduisait le nombre de rendez-vous associés à la question du diagnostic. Et vous évitez une chirurgie. Et pour la question du test, il faut avoir un ordre d'idée que ce test est actuellement unique dans le monde. Vous n'avez pas de technologie équivalente. Donc le coût de l'innovation supporte très largement le bénéfice qu'il peut avoir pour les malades et à mon avis, c'est la priorité".
Pour l'heure, la HAS propose dans un premier temps un accès précoce au test, qualifié de "prometteur" dans le cadre d'un forfait dit "innovation". Si son avis est suivi par le gouvernement, et selon les résultats des études complémentaires, des femmes de plus de 18 ans, pour lesquelles une endométriose est "fortement suspectée", pourront réaliser gratuitement ce test.