François Louvegnies fait partie des quatre maires de l'Avesnois qui maintiennent leur arrêté anti-pesticides malgré l'ultimatum du sous-préfet. Il explique pourquoi il assume d'être "hors-la-loi".
"Les nuages de produits phytosanitaires utilisés s’échappent dans la nature. Vous êtes là, dehors, avec vos enfants, et vous le recevez", justifie François Louvegnies, maire UDI de Trélon, petite commune de 2915 habitants, située à l'est du département du Nord. "On a pris les devants. Nous, maires, avons décidé d’interdire à 100 mètres des maisons l’utilisation des produits. Au-delà, on l’utilise, je ne vais pas les gêner ailleurs. Je ne mets pas en cause les traitements. Ce que je mets en cause, c’est la façon de les appliquer. Il faut que l’agriculteur travaille. Il faut qu’il gagne sa vie. Mais il faut aussi qu’on respecte complètement les habitants."
"C'est pas demain que vous serez malade". François Louvegnies fait partie des 4 maires de l'Avesnois qui maintiennent leur arrêté anti-pesticides malgré l'ultimatum du sous-préfet. Il explique pourquoi il assume d'être "hors-la-loi".
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"Le développement de la commune a fait qu’un certain nombre d’habitations ont été faites en bordure de cultures", ajoute-t-il. "Cette protection de 5 mètres est beaucoup trop faible. 5 mètres. Ça veut dire que le nuage allait faire 4,90 mètres et se dire : "Oh là ! Y a une maison, j’arrête". C’est insensé. Moi je rappelle toujours comme boutade, lorsqu’il y a eu Tchernobyl. Le nuage de Tchernobyl est arrivé en France, le nuage a vu la frontière française et a dit : "Ah ! Je ne peux pas y aller, donc je m’en vais". Tant qu’on ne bouge pas, l’Etat ne va pas légiférer. Il n’y a pas d’obligation. Je ne me représente pas au mois de mars. Ici, c’est une des dernières actions que je mène."
"Je suis en contradiction avec la loi, c’est vrai", assume-t-il. "Je suis prêt à aller en justice. Sauf si demain on nous dit : "Attention, ce que vous dîtes là c’est très bien, on l’accepte". 5 mètres, c’est illusoire. 100 mètres, c’est le paradis. La vérité est entre les deux."
Début juillet, le sous-préfet d'Avesnes-sur-Helpe a jugé illégaux ces arrêtés municipaux anti-pesticides et donné deux mois aux maires pour les retirer, afin d'éviter d'aller devant le tribunal administratif.
Consultation
Le gouvernement a annoncé ce samedi la mise en consultation, à partir de lundi, d'un projet de décret proposant des distances de protection de 5 mètres pour les cultures dites basses comme les légumes et de 10 mètres pour les cultures hautes, telles que les céréales, s'appuyant sur les recommandations de l'Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail (Anses).La loi instaure à partir du 1er janvier 2020 des "mesures de protection" pour limiter l'exposition des riverains et des personnes présentes pendant ou après la pulvérisation de pesticides. Dans son avis rendu le 14 juin, l'Anses recommande la mise en place de "distances de sécurité" allant de 3 mètres pour les grandes cultures à 10 mètres pour les vergers et vignes. Ces distances de sécurité peuvent être "supérieures, par mesure de précaution en particulier pour les produits classés cancérogène, mutagène ou toxique pour la reproduction", précise l'agence.
[Fongicides #SDHI] l’@Anses_fr a lancé dès janvier 2019 un appel européen et international à la vigilance et poursuit ses travaux sur les #SDHI.
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Elle recommande aussi "la généralisation des dispositifs limitant la dérive" des pesticides, comme des buses. Elle insiste aussi sur "l'importance des programmes de formation des agriculteurs aux bonnes pratiques". Concernant les "autres dispositifs susceptibles d'atténuer les expositions" aux pesticides, comme des haies, "aucune méthodologie validée ne permet de les prendre en compte" dans l'évaluation des risques, selon l'Anses.
Une loi de 2014 réglemente déjà l'utilisation des pesticides à proximité des espaces sensibles, comme des lieux fréquentés par des enfants, des hôpitaux ou des EHPAD. L'utilisation des produits phytopharmaceutiques à proximité de ces lieux est subordonnée à des mesures de protection telles que des haies, des équipements pour le traitement, ou le respect de dates et horaires de traitement, selon l'Anses. Des associations écologistes dénoncent cependant l'inefficacité de ces mesures.
Jusqu'à 50 mètres en Wallonie
Dans trois pays étudiés par l'Anses, les mesures de protection reposent principalement sur des distances de sécurité allant de 2,50 à 50 mètres, sur l'utilisation de dispositifs antidérive et l'interdiction de l'épandage au-delà d'une certaine vitesse du vent (20 km/h en Wallonie). La Slovénie a instauré en 2014 des distances de sécurité allant de 2,50 mètres (pour des grandes cultures arrosées avec des dispositifs limitant la dérive) à 20 mètres pour de plus petites cultures arrosées sans ces dispositifs. Les autorités recommandent également des haies protectrices de même hauteur que les cultures.
En Wallonie, il est interdit de pulvériser des pesticides "à moins de 50 mètres des bords de toute parcelle jouxtant une cour de récréation, un internat, une école ou une crèche, durant les heures de fréquentation de ceux-ci".
En Allemagne, les produits phytosanitaires sont évalués pour une pulvérisation à deux mètres de zones habitées pour des cultures basses et cinq mètres pour des cultures hautes, selon l'Anses.
Des études en cours
L'Anses précise dans son avis que l'évaluation de l'exposition des personnes présentes et des résidents "repose sur des données limitées issues d'études effectuées dans les années 1980" et des données de l'Agence américaine de protection de l'environnement.
A ce titre, la méthodologie d'évaluation des risques est en cours d'actualisation, sous le pilotage de l'Autorité européenne de sécurité des aliments. "La finalisation de ces travaux est prévue pour 2021", souligne l'Anses. "Sur la base de ces travaux et de nouvelles données, une nouvelle saisine de l'Anses pourra être considérée".