Après une agression début juin, une seconde agression a eu lieu au même endroit début juillet à Denain (Nord). Deux hommes victimes qui pensaient se rendre à un rendez-vous, après avoir échangé sur Grindr, une application de rencontre LGBTQ. Selon une source policière, 6 agressions auraient eu lieu ces dernières semaines dans plusieurs communes du Valenciennois.
Deux agressions au même endroit, à un mois d’intervalle, avec le même mode opératoire. Le 7 juin dernier, en début de soirée, un homme d’une trentaine d’années se présente rue de l’Ecluse à Denain. C’est à cet endroit qu’il a rendez-vous avec un autre homme, avec qui il a discuté sur l’application de rencontre LGBTQ Grindr.
Une rencontre qui va se transformer en guet-apens d’une violence inouïe. La suite est racontée par nos confrères de la Voix du Nord : une dizaine de jeunes, cachés dans les buissons, se jettent sur lui, le frappent, l’insultent et affirment qu’ils vont le jeter dans l’Escaut ; le tout sous la menace d’un couteau. Un déchaînement de violence qui s’arrête lorsqu’un riverain, alerté par les cris, s’approche. La victime, blessée, est ensuite prise en charge par les pompiers.
Lire l'article de la Voix du Nord > Encore une violente agression, à Denain, via une application de rencontre LGBTQ
Jeudi 4 juillet 2024, au même endroit, un homme d’une vingtaine d’années est lui aussi tombé dans un guet-apens. Les premiers échanges avec la personne qu'il devait rencontrer avaient eu lieu sur Grindr, le rendez-vous fixé dans la soirée à l’abri des regards, au bord de l’Ecluse de Denain. Lorsqu’il s’est présenté, 3 hommes l’ont attrapé et l’ont menacé de le jeter dans l’Escaut, avant de lui voler une partie de ses effets personnels.
"Coupe-gorge"
Deux enquêtes distinctes ont été ouvertes. Une source policière nous confirme toutefois que le process est identique entre les agressions du 7 juin et du 4 juillet : même application utilisée, même lieu de rencontre fixé. Toutefois, "étant donné la sensibilité de ces deux affaires, seul le parquet peut communiquer", indique cette même source. Parquet qui n’a, pour le moment, pas répondu à nos sollicitations.
Dans l’entourage de la maire de la commune, ces agressions sont prises très au sérieux. "Nous apportons tout notre soutien à la communauté homosexuelle", explique un proche d’Anne-Lise Dufour-Tonini. Les images de vidéosurveillance captées par les caméras de la ville ont été transmises à la police nationale, la justice effectue désormais son travail.
Les abords de l’écluse de Denain ne sont pourtant pas "connus pour de la délinquance", nous précise la mairie, mais "le lieu est excentré, reculé, dépourvu d’éclairage public".
L’entourage de la maire appelle à la prudence : "que ce soit sur Grindr ou tout autre site de rencontre, homo ou hétéro, il faut avoir en tête que la rue de l’Ecluse est un coupe-gorge. La nuit, c’est un no man’s land. La prudence demande de ne pas accepter un rendez-vous nocturne à cet endroit-là avec un inconnu".
Six guets-apens dans le Valenciennois
Deux agressions, que les services de police prennent très au sérieux. D’autant plus que ces guets-apens se multiplieraient dans le Valenciennois ces dernières semaines. Selon une source policière proche des dossiers, six agressions distinctes auraient eu lieu à Denain, Lourches et Douchy ces dernières semaines, commises par "trois groupes différents (qui) agiraient dans le secteur".
Six dossiers qui "ont été regroupés car il y a des similitudes, ajoute cette même source, sans pouvoir affirmer pour autant qu'il s'agit à chaque fois d'agressions à caractère homophobe. "Les dossiers sont en cours de recoupement, dont un bien avancé avec quelques identifications, quelques noms. C’est en cours".
Peut-on parler d’une recrudescence de guet-apens visant des personnes homosexuelles ? "C’est un vrai sujet de société, et ce n’est malheureusement pas une surprise de voir ces affaires se multiplier", déclare Vianney Robert, co-délégué de l’association SOS Homophobie dans le Nord Pas-de-Calais.
Selon lui, "les victimes parlent peu et c’est notamment pour ça qu’elles sont choisies par les agresseurs". Impossible pour autant de quantifier à l’échelle régionale ces agressions, les données n’existent pas. Dans le documentaire "Guet-Apens, des crimes invisibles" réalisé par Médiapart en 2023, plusieurs victimes prennent la parole et racontent leurs agressions. Une enquête qui avance un chiffre édifiant : plus de 300 guets-apens anti-LGBT ont été recensés en France entre 2018 et 2023 selon Mediapart.
L’association SOS Homophobie a créé une ligne d’écoute nationale pour les victimes, joignable au 01 48 06 42 41. Vianney Robert rappelle les règles de prudence. "Il faut essayer de connaître la personne avec qui on a rendez-vous, au minimum l’appeler pour entendre la voix. Avant d’admettre que dans certains cas, cela ne suffit pas".