Éborgné par un tir de policier à Paris, un gilet jaune de Valenciennes perçoit 30 000 euros d'indemnisation provisoire

18 mois après avoir perdu son œil gauche suite à un tir de projectile lors d’une manifestation des gilets jaunes à Paris, Manuel Coisne a reçu 30 000 euros d’indemnisation provisoire. Une première victoire pour lui, qui souhaite surtout voir le policier auteur du tir condamné.

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Il se dit toujours gilet jaune et a même manifesté de nouveau à Paris le 1er mai dernier. Manuel Coisne a aujourd’hui repris un travail en intérim chez un sous-traitant de l’usine Toyota à Onnaing. Chaque jour, ce Valenciennois de 43 ans débâche les semi-remorques remplis de pièces détachées, destinées à la construction des voitures de la marque japonaise.

Père de quatre enfants, il a retrouvé une vie quasi-normale, ou presque. "C’est beaucoup plus compliqué de débâcher des camions pour moi avec un œil plutôt que pour celui qui en a deux. Je me concentre davantage pour travailler, je suis plus vite fatigué le soir, raconte-t-il. Je dois dire que ça m’épuise beaucoup plus qu’avant. Quand je prends ma voiture par exemple, je fais beaucoup plus attention. Ça m’arrive aussi de perdre l’équilibre".

Lors d’une manifestation des gilets jaunes à Paris en novembre 2019, il a perdu l’usage de son œil gauche après avoir reçu une grenade lacrymogène tirée par la police.

Une indemnisation provisoire de 30 000 euros

Des séquelles physiques, mais aussi psychologiques. Après de longs mois d’enquête, la commission d’indemnisation des victimes d’infraction (Civi) du tribunal judiciaire de Paris vient d’accorder 30 000 euros d’indemnisation provisoire au gilet jaune valenciennois éborgné. Dans sa décision, la Civi caractérise les violences d’incontestables : "aucune faute ne peut être relevée à l'encontre (de Manuel Coisne) dans la mesure où, comme en témoigne l'examen des faits filmés par plusieurs caméras, il était en train de discuter calmement".

Cette indemnisation provisoire doit être complétée par une expertise médicale prévue à l’automne. La somme définitive sera "probablement très importante", prévient l’avocat de la victime, Maître Arié Alimi.

"C’est une mini-victoire, admet l’intéressé, mais ce n’est pas encore ce que je souhaite au plus profond de moi. Je ne suis pas quelqu’un qui attend les aides, je me suis toujours investi, j’ai toujours travaillé. Bien sûr que ça va m’aider à me reconstruire, mais c’est plutôt la condamnation du tireur qui m’a gâché la vie que je souhaite, tout comme une condamnation des donneurs d’ordre dont le préfet Lallemant qui a tout fait pour que cette journée se passe très mal".

"Je veux que l'auteur du tir soit condamné comme si c’était moi qui avait éborgné un policier"

L’objectif de Manuel Coisne désormais, retrouver le policier à l’origine du tir de grenade lacrymogène. Et la justice y travaille actuellement puisqu’une enquête pour "violences volontaires par une personne dépositaire de l'autorité publique suivies de mutilation ou infirmité permanente" a été ouverte et confiée à un juge d’instruction.

Un travail minutieux qui s’appuie notamment sur une longue enquête vidéo de nos confrères du Monde parue en décembre 2019. Après avoir collecté et analysé plusieurs heures de vidéos de particuliers mais également de professionnels, les journalistes ont réussi à identifier un tireur potentiel. "Heureusement qu’il y avait cette vidéo pour montrer que je ne suis pas un black bloc. Au niveau de l’enquête, les experts sont en train d’éplucher les vidéos pour identifier le tireur. C’est impossible qu’ils ne le trouvent pas, toutes les preuves sont là", affirme Manuel Coisne.

"Les experts sont en train d’éplucher les vidéos pour identifier le tireur. C’est impossible qu’ils ne le trouvent pas, toutes les preuves sont là".

Manuel Coisne

Si l’auteur du tir parvient à être identifié, le gilet jaune espère un procès. "Je veux que l'auteur du tir soit condamné comme si c’était moi qui avait éborgné un policier. J’espère une sanction qui soit à la hauteur. Si j’avais été l’auteur du tir, je l’aurai reconnu sans contrainte et j’aurai accepté ma peine".

Une manière pour lui de tourner la page et de rendre hommage à tous les autres manifestants blessés. "On en a eu que deux qui ont obtenu cette mini-victoire. C’est aussi ça mon combat, conclut Manuel Coisne. Il ne faut pas oublier tous ces gens qui ont été mutilés, c'est des blessures de guerre qui resteront à vie". Selon le décompte du journaliste indépendant David Dufresne, au moins 24 gilets jaunes ont été éborgnés depuis le début des manifestations en novembre 2018.

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