Hébergement d'urgence ou aide financière : Valenciennes à la pointe dans la lutte contre les violences conjugales

Le 5 mai, plusieurs acteurs territoriaux du Valenciennois ont signé une convention pour mieux travailler ensemble contre les violences conjugales. Dans l'arrondissement, plusieurs dispositifs ont été mis en place pour accueillir et protéger les victimes, mais aussi pour encadrer les auteurs.

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En 2022, la police de Valenciennes a enregistré 1053 plaintes pour violences conjugales. Le chiffre a augmenté de 49% depuis 2019. Un chiffre comparable à celui enregistré à Lille, malgré une population bien moins nombreuse. Le tribunal judiciaire de Valenciennes constate dans le même temps "un nombre tout aussi élevé de violations de contrôle judiciaire" des auteurs de violences.

Travailler ensemble pour mieux aider les victimes

Alors, la même année, le parquet de Valenciennes, la sous-préfecture et les agglomérations de Valenciennes et de la Porte du Hainaut ont entrepris de monter un laboratoire de lutte contre les violences conjugales au niveau local. 

Il vise à mobiliser plus efficacement la collaboration entre les différentes entités qui luttent contre ce fléau social. En plus de recenser les acteurs locaux, le laboratoire se donne également pour mission d'étalir un profil criminologique des auteurs de violences conjugales et d'élaborer un guide des bonnes pratiques à destination des institutions. 

Le 5 mai 2023, après un an de travail, les quatre partenaires locaux, rejoints par la préfecture, ont signé la convention qui formalise cet effort conjoint. Une étape importante car, malgré l'investissement de l'arrondissement, le manque de lisibilité de ce millefeuille territorial complique la tâche des victimes.

Une aide d'urgence contre la dépendance financière

Pourtant, le Valenciennois a développé de nombreux dispositifs pour pallier l'urgence. Depuis 2021, la conseillère départementale Valérie Létard a initié l'expérimentation d'un dispositif d'aide d'urgence pour les victimes de violences conjugales qui sont financièrement dépendantes de leur conjoint. 

Cette dépendance économique rend la tâche encore plus difficile pour la victime quand il s'agit de s'extraire de l'emprise d'un conjoint violent. Certaines sont également dans une situation de dépendance administrative avec par exemple un accès limité à leurs comptes en banque. 

En octobre 2022, le département a donc présenté des pistes pour expérimenter un accompagnement global et immédiat : prise en charge de la mise à l'abri jusqu'à l'insertion professionnelle, traitement prioritaire à la CAF, aide alimentaire, aide d'urgence pouvant être versée à un tiers identifié... 

Au 3 mai 2023, 27 victimes ont bénéficié de ce dispositif d'expérimentation. Entre-temps, le succès de l'opération a abouti à une loi d'aide universelle d'urgence pour les victimes de violences conjugales, publiée au journal officiel le 1er mars 2023.

"Anonymisé, sécurisé, à proximité du commissariat"

A Valenciennes, les femmes victimes de violences ont aussi accès à un hébergement d'urgence grâce au dispositif "Une Aile pour Elles" piloté par l'association Soliha. En septembre 2021, grâce au concours d'un bailleur social, un établissement de cinq chambres a pu être inauguré. 

"L’immeuble est anonymisé, sécurisé, à proximité du commissariat de police, du Service d'Aide aux Victimes d'Urgence (SAVU) mais aussi de la mairie, de la CAF, du centre des impôts et des transports en commun" détaille l'association dans un bilan transmis à la presse.

Une situation géographique pensée pour éviter que les victimes n'aient à recroiser par hasard leur bourreau. L'accueil est assuré 7/7 et 24/24 après une orientation par le 115, le SAVU, la police ou la gendarmerie. Des intervenants sociaux formés à l'accueil des victimes sont désormais présents dans les commissariats et les casernes.

En 2022, 24 femmes ont été orientées et accueillies dans ce lieu de répit après avoir subi de nombreuses violences : physiques, psychologiques, sexuelles, économiques... Certaines étaient également séquestrées par leur conjoint violent. 40% des victimes avaient entre 18 et 24 ans.

Marie-Thérèse, elle, s'apprête à emménager dans son propre appartemment après y avoir passé deux mois. "Je me suis enfuie du domicile conjugal après des années de violences. J'avais le couteau sous la gorge. Ou je partais, ou je terminais entre quatre planches", témoigne-t-elle.

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Marie-Thérèse a été accueillie en hébergement d'urgence après des années de violences ©Jean-Marc Vasco / France Télévisions

Placer les auteurs, donner du temps aux victimes

Enfin, Valenciennes a également travaillé sur le placement des auteurs de violences, pour les extraire du domicile familial. La ville a inauguré en 2021 le deuxième Centre d'Observation Judiciaire (COJ) du département, "un lieu de placement provisoire de tout auteur de violences conjugales ou intra-familiales lorsqu’aucune autre solution d’hébergement ne peut être trouvée."

Avec l'engorgement de la justice, un tel dispositif permet au moins de prévenir la récidive. Le COJ de Valenciennes est une mini-structure, qui compte seulement sept places. Et cette échelle modeste n'est pas dûe à un manque de moyen, c'est un choix stratégique qui permet d'éviter les effets de "clan", avec des auteurs qui se renforcent entre eux dans leurs travers violents.

Selon le Sijadis, l'association conventionnée Justice qui gère ce lieu de transit, les admissions au COJ Valenciennes "se sont multipliées à partir de mars 2022". Si certains auteurs de violences saisissent cette chance pour conscientiser et modifier leur comportement, la gestion du lieu de vie n'a pas été aisée pour le Sijadis. 

L'association constate en effet que certains prévenus "ne sont pas compatibles avec ce type de structure, en particulier, les profils de type psychotiques, les personnes à tendance suicidaire, les personnes déjà très marginalisées qui témoignent d’un passé institutionnel en échec". Ces publics "mettent en échec le séjour au COJ de façon très rapide, parfois dès la première nuit."

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Fabrice, conjoint violent, vit au COJ depuis mi-avril en attendant sa convocation judiciaire ©Jean-Marc Vasco / France Télévisions

Ainsi, en 2022, 4 évictions définitives ont été prononcées à l'encontre des résidents "mettant directement en jeu la sécurité des biens et des personnes". Attention, les conjoints violents évincés du COJ ne sont pas simplement remis dans la nature : la victime est d'abord contactée pour des vérifications, des conseils et l'attribution d'équipements permettant d'éviter le retour au domicile.

Le Sijadis appelle ainsi à une amélioration du processus des admissions, faille majeure du dispositif. En dehors de cette problématique, l'association juge que le COJ a un bilan très positif. Cet hébergement des auteurs donne en effet aux victimes une respiration, un temps pour se détacher de l'emprise. 

Parmi les 23 résidents passés au COJ de Valenciennes, seuls six d’entre eux ont repris la vie commune avec la victime.

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