Depuis le début du mois de novembre, une équipe de France Télévisions a installé sa caméra au centre hospitalier de Valenciennes pour appréhender la deuxième vague de Covid-19 au plus près des soignants. Immersion.
La seconde vague de l’épidémie de Covid-19 déferle actuellement sur la France entière, et particulièrement dans la région des Hauts-de-France. Dans le Nord, le virus circule activement et le nombre d’hospitalisations et de lits de réanimations occupé par des patients Covid dépasse les pics enregistrés au printemps dernier, lors de la première vague.
Les hôpitaux de la métropole lilloise accueillent la majorité des patients atteints de la Covid dans le département, mais tous les territoires sont désormais touchés, à l’image de Valenciennes et de sa métropole.Ce dimanche 8 novembre, un patient hospitalisé à Valenciennes a d’ailleurs été transféré dans un hôpital de München, en Allemagne. C’est la première fois qu’un tel transfert est réalisé depuis les Hauts-de-France depuis le début de la crise sanitaire en mars dernier.D’ordinaire doté de 23 lits de réanimation, l'hôpital Jean Bernard de Valenciennes en compte aujourd’hui 38, dont 23 réservés aux patients Covid. Tous sont actuellement occupés. Mais derrière les chiffres, il y a des vies. Des hommes et des femmes qui se battent pour survivre dans les hôpitaux, accompagnés par les soignants dévoués.
Une équipe de France Télévisions a passé une semaine en immersion dans l’hôpital de Valenciennes, au plus près des soignants et des patients, pour mettre des visages sur cette guerre sanitaire que nous traversons depuis des mois. Quatre épisodes pour comprendre la tension dans les services de réanimation, l’adaptabilité quotidienne des soignants, les histoires personnelles des patients. Une manière de "partager, sans concession, le quotidien de nos équipes qui, sans relâche, font face à la maladie et soutiennent les patients en détresse", a souligné le directeur du centre hospitalier Rodolphe Bourret.
Immersion avec Margaux Subra-Gomez et Annie Triboire, journalistes à France 2.
Lundi 2 novembre : le plan blanc vient d’être activé mais cela ne suffit pas
Valenciennes est l’une des villes les plus peuplées du département du Nord, derrière Lille, Roubaix ou Tourcoing. Capitale du Hainaut, sa métropole compte près de 200 000 habitants. Fin octobre, l’Agence Régionale de Santé (ARS) a demandé à l’hôpital d’activer le plan blanc, permettant de s’organiser et de déprogrammer les opérations non-essentielles. Face à l’afflux de patients, 7 opération sur 10 ont été déprogrammées.Au 2 novembre, 150 patients atteints du Covid sont hospitalisés ici, soit une augmentation de 160% en deux semaines. Dans ce premier épisode, on rencontre la gynécologue Jeanne Zaoui. Elle qui n’avait pas assisté à la première vague s’est portée volontaire pour venir en renfort dans le service de réanimation de l’hôpital cette fois-ci.En parallèle, une unité de soins palliatifs dédiée aux patients de la Covid vient d’être ouverte, 5 lits sur 8 sont déjà occupés. C’était souhait du docteur Antoine Lemaire, chef de pôle cancérologie et spécialités médicales à Valenciennes. Une manière selon lui de permettre aux patients atteints de la Covid 19 et impossibles à soigner de partir dignement.Mardi 3 novembre : "On était déjà fatigués de la première vague et ça commence à peser psychologiquement"
Dans ce second épisode, nous rencontrons André Boullinguier, 68 ans. Après 10 jours de coma artificiel, sa respiration est redevenue autonome et ce patient a pu être extubé. Pour la toute première fois, il peut échanger quelques mots avec sa femme par téléphone, très émue. Il n’a aujourd’hui qu’une hâte : retrouver sa famille. Des moments heureux bons à prendre pour les soignants, confrontés à la mort chaque jour dans les services de réanimation. Gabrielle Musolot, 23 ans, est infirmière dans le service. Déjà présente au printemps dernier, elle prend la deuxième vague de plein fouet. "On était déjà fatigués de la première vague et ça commence à peser psychologiquement", raconte-t-elle.Mercredi 4 novembre : après 8 mois d’hospitalisation, le dernier patient de la première vague quitte l’hôpital de Valenciennes
Au-delà du nombre de patients positifs à la Covid-19 accueillis chaque jour à l’hôpital de Valenciennes, les soignants observent scrupuleusement les statistiques : combien de respirateurs sont utilisés, reste-t-il des lits disponibles pour transférer les patients développant des formes graves, y a-t-il assez de médicaments ?Les ressources humaines et matérielles sont le nerf de cette guerre. Chaque matin, la cellule de crise pilotée par le directeur de l’hôpital permet aux chefs de secteurs d’exposer leurs besoins les plus urgents.L’épidémie consomme les ressources de l’hôpital dans la durée, car certains malades nécessitent une prise en charge très longue. Nous rencontrons en ce troisième jour un miraculé. Dony Ionni, 46 ans, a été contaminé au début de la première vague et occupe un lit à l’hôpital de Valenciennes depuis 8 mois. Il a perdu l’usage de son bras. Mais ce mercredi 4 novembre marque pour lui le début d’une nouvelle vie : le patient quitte enfin l’hôpital pour retrouver les siens. Le dernier patient de la première vague vient de quitter l’hôpital de Valenciennes.
Jeudi 5 novembre : l’hôpital, seul lieu où se croisent ceux qui arrivent dans ce monde et ceux qui le quittent
Le service de réanimation de l’hôpital est le centre de toutes les attentions des soignants. Mais la Covid-19 a bouleversé le fonctionnement de l’hôpital tout entier. En ce quatrième jour de tournage, une jeune femme enceinte vient d’arriver à la maternité, elle a perdue les eaux quelques heures plus tôt. À ses côtés, Mélanie Serpaud, sage-femme, est masquée et prend toutes ses précautions : la future maman a été testée positive la semaine dernière. "J'ai pleuré, j'étais en larmes, je pensais à mon bébé, (…). J’avais peur, mais on m'a rassurée, on m'a dit qu'il n'y avait pas de risque pour le bébé", témoigne-t-elle.Comme elle, toutes les futures mamans posent les mêmes questions dans cette situation anxiogène, et les soignants n’ont pas toujours les réponses. Des protocoles stricts ont d’ailleurs été mis en place : si le père est testé positif, il ne peut pas se rendre à l’hôpital.À l’étage inférieur, la chambre funéraire fonctionne également au rythme de l’épidémie de Covid-19. Depuis la première vague, un décret a été publié et ordonne la mise en bière immédiate des défunts. "Vous savez qu’il n’y a personne qui pourra venir voir le défunt (…). On les accompagne jusqu’au bout mais c’est compliqué pour nous", explique Marie-Elisabeth Bouquet, agent de la chambre funéraire. Les soignants prennent des photos, à la demande des familles, pour garder une dernière image des proches décédés. "Ça pourrait être notre grand-père ou notre grand-mère… Il faut en prendre soin comme si c’était notre famille", conclut Sylvain Lucidarme, 23 ans, aide-soignant appelé en renfort dans ce service.
Le pic de la deuxième vague à Valenciennes et dans les hôpitaux du Nord est attendu autour du 15 novembre. D'ici là, d'autres transferts de patients vont être effectués vers l'Allemagne pour soulager les services de réanimation des Hauts-de-France.
Depuis mars, 1144 personnes sont décédées de la Covid-19 dans les hôpitaux du Nord. Grâce au travail sans relâche des soignants, 4864 patients ont pu rentrer chez eux après une hospitalisation pour Covid-19 dans le département.