Ce 20 février, le Conseil d'Administration de l'association Louise Michel a décidé de procéder à sa dissolution. Un choc pour les salariées du collectif, qui pendant des années durant ont accompagné sans relâche les victimes de violences conjugales.
L'association Louise Michel était devenue une référence dans la métropole lilloise. Basée à Villeneuve d'Ascq, la structure s'était spécialisées dans l'aide aux femmes victimes de violences au sein de leur foyer. En 2024, cette réussite associative devait fêter ses 40 ans. Pourtant, le 20 février, les membres du Conseil d'Administration ont décidé de procéder à sa dissolution.
Un malaise entre les salariés et la direction
Cette décision intervient après plusieurs mois de crise entre les salariées et la direction. Un ancien membre du Conseil regrette une directrice qui "en trente ans, n'avait pas fait évoluer ses pratiques."
Le management est décrit par plusieurs sources comme "autoritaire", même si aucun incident grave n'est à recenser. "Une salariée part cinq minutes avant l'heure et ça crée un immense conflit alors que c'est quelqu'un qui faisait volontiers des heures supplémentaires", illustre cet ancien collaborateur qui a souhaité rester anonyme.
Le mal-être grandissant finit par créer une situation de blocage. Depuis le début de l'année 2023, les arrêts maladie s'enchaînent et le turnover des salariés s'intensifie. Plusieurs membres du conseil d'administration, dont l'ancienne présidente, démissionnent également.
Une crise qui a atteint son point culminant avec la dissolution de l'association et la mise au chômage de tous les salariés. "Nous pensions que le CA chercherait des personnes pour compléter ses effectifs mais sur place, nous avons finalement appris qu'ils avaient démissionné dans leur ensemble. De ce fait, l'association a dû être dissoute automatiquement." Le conseil d'administration n'a pas non plus souhaité mettre en cause la direction dans sa décision finale.
"Entre la colère, la tristesse, la surprise"
Pour résumer la situation, cet ancien cadre parle tout simplement d'un "gâchis". "J'ai vu dans cette association des gens qui travaillaient d'une façon admirable, des filles passionnées et attentionnées vis-à-vis des dames qui venaient, qui essayaient sans cesse de trouver des solutions. Entre les salariées, il y avait une entraide incroyable."
L'association proposait en effet un dispositif complet, bien au-delà de l'hébergement d'urgence : accompagnement psy enfant ou adulte, accompagnement juridique, accompagnement social ou lié au logement...
Sylvie Liottard, travailleuse sociale qui oeuvrait depuis 3 ans au sein de l'association, était présente avec ses collègues devant les locaux, ce 20 février, jusque tard dans la nuit. Elle a assisté à l'annonce de la dissolution et parle d'un véritable choc.
"On est entre la colère, la tristesse, la surprise et l'incompréhension. C'est absurde, on avait des solutions ! Des gens se tenaient prêt à occuper les postes manquants ! On a les sous, on a le public, on a des salariés qualifiés, on avait tout. C'est incroyable que ça se termine comme ça."
Pourtant, en 2022, les salariés avaient largement atteint les objectifs demandés par le département. "Moi, en 2022, je suis à 130% sur l'objectif, qui est de 100 personnes accompagnées par mois", revendique la travailleuse. "On avait vraiment l'espoir que ça se termine autrement. Il aurait suffi que chacun fasse un pas vers l'autre."
Trois familles toujours hébergées par l'association
L'an dernier, l'association Louise Michel avait accompagné plus de 1700 femmes. Trois familles, dont six enfants, sont actuellement hébergées dans les locaux de l'association et devraient être prises en charge par le CCAS.
Mais la dissolution de l'association dénote aussi dans le paysage militant, où l'on réclame depuis des années plus de moyens et plus de structures pour l'accompagnement des femmes victimes de violences. Au moins 17 femmes ont été tuées par leur compagnon ou ex-compagnon depuis le début de l'année 2023. En 2022, le nombre de victimes de la violence sexiste est porté à au moins 106.
Sylvie Liottard et ses anciennes consoeurs espèrent pouvoir, un jour, oeuvrer de nouveau aux côtés des victimes. "Reconstruire quelque chose nous tient vraiment à coeur. Il y a tellement de besoins qu'on ne peut pas imaginer qu'on ait juste cette structure fermée. On est au chômage, on a le temps de construire un projet et de convaincre les financeurs qu'on était bons avant et qu'on sera toujours aussi bons !"