Moussa Recham, 108 ans, a reçu la plus haute distinction de la Fédération nationale des combattants volontaires à Roubaix. Une consécration après une carrière militaire riche.
"Mon grand-père est une force de la nature". Au bout du fil, Nordine, petit-fils de Moussa Recham, est fier.
Et il a de quoi. Son grand-père vient de recevoir la médaille d'or de la Fédération nationale des combattants volontaires au stade Avelghem à Roubaix ce dimanche 19 mars 2023.
Plusieurs mobilisations
Moussa Recham est né en 1915 à Aïn Errich en Algérie. "Il a été mobilisé en 1939 et a fait ses classes à Oran, raconte Nordine. Il a fait un débarquement dans le sud de la France, a été démobilisé ensuite avec Pétain".
Mais quand les Américains débarquent en Algérie, il est de nouveau mobilisé à la fin de l'année 1942. "Il a fait un débarquement dans le Sud de l'Italie jusqu'à Berlin où il est resté 8 mois, jusqu'en septembre 1945".
A la fin de la guerre, il rentre en Algérie avant de revenir en Alsace où il travaille quatre ans dans la sidérurgie. "Quand les événements de l'indépendance d'Algérie ont eu lieu, il a été obligé de revenir car les partisans du FLN obligeaient les travailleurs à partir en Algérie sous peine de représailles".
Une vie à Roubaix
La grand-mère de Nordine, décédée, disait que Moussa n'avait jamais parlé de la guerre. "Pendant un an et demi, il faisait des cauchemars et hurlait la nuit".
Moussa est ensuite revenu en 1964, à Roubaix cette fois, "grâce à des facilités par rapport à sa carrière militaire". Il a travaillé à La Sima (actuellement New Holland) dans la construction de tracteurs. "Il a ramené son épouse, donc ma grand-mère, et a fait sa vie ici jusqu'à la retraite".
Il y a 6 ans, après une fracture du col du fémur, le vétéran s'est installé chez Nordine à Wattrelos. Il s'est alors davantage ouvert sur ce qu'il a vu et vécu pendant les combats. "Ils se sont retrouvés à marcher sur des cadavres en Italie", raconte l'homme de 46 ans.
Une médaille pour la postérité
Mais comment en est-il arrivé à recevoir une médaille ? "On savait qu'il avait fait la campagne d'Italie, d'Allemagne, qu'il avait fait un débarquement dans le sud de la France, rappelle Nordine, qui a découvert avec ses proches que son grand-père avait "eu plusieurs médailles dont une pour une blessure lors d'un combat".
Mais ils avaient besoin de plus de réponses. Alors Nordine a décidé de faire des recherches sur son passé militaire car ils n'avaient que des traces orales. "C'était très difficile mais je suis allé vers la Fédération dont mon grand-père est adhérent, j'ai eu le vice-président de Wattrelos qui est venu à la maison et un mois après, j'ai eu son livret militaire".
Au même moment, la Fédération nationale des combattants volontaires annonce qu'il serait décoré de la médaille d'or, leur plus haute distinction, pour ses services militaires. C'est désormais chose faite.
"Tant qu'il y avait un toit et un frigo plein, il ne s'inquiétait pas"
On a beau demander à Nordine quel est le secret de la longévité de son grand-père, lui même avoue ne pas avoir la recette précise. "Il n'a jamais été stressé, il travaillait et ne se souciait pas de ce que les autres faisaient, explique-t-il. Sa priorité, c'était de manger. Comme il avait connu la famine, tant qu'il y avait un toit et un frigo plein, il ne s'inquiétait pas".
Il n'a d'ailleurs jamais fait de vélo et ne prenait pas la voiture car il faisait tout à pied. Moussa mangeait aussi sainement. "Aujourd'hui, il est en fauteuil roulant, parle encore, même s'il a quelques difficultés mais il n'a aucun problème de santé particulier". Sa santé est si bonne qu'en attrapant le Covid, "il n'a eu aucun symptôme, le médecin n'en revenait pas. Il avait attrapé le variant anglais".
Enfin, ce qui lui permet de tenir, "c'est d'être dehors. On sort à 14 heures et on rentre à 19 heures. De fin avril à octobre, on va 3 jours par semaine à Bellewaerde, le personnel le connait".
Nordine et Moussa possèdent un lien très fort. Fusionnel serait le mot exact. Pour lui, accueillir et s'occuper de son grand-père était une évidence. "Il a toujours été présent, doux, gentil. On ne voulait pas le laisser aller en maison de retraite. C'était hors de question", conclut-il.