Ancienne terre de labeur, le bassin minier est aujourd'hui prisé des réalisateurs de cinéma, de Netflix et plus largement du monde de la culture. Son inscription au patrimoine mondial de l'Unesco, il y a dix ans, atteste et encourage ce grand renouveau.
Que serait devenu le bassin minier, avec ses terrils abandonnés et ses corons délaissés, si Claude Berri n'y avait jamais tourné Germinal ? Quand, dans les années 1980-90, les cités minières ne se projetaient pas au-delà des puits de charbon. "On ne savait pas bien où on allait, se rappelle Salvatore Castiglione, alors conseiller municipal à Wallers, où est située la fosse d'Arenberg, théâtre du film sorti en 1993. Mais la venue de Claude Berri a été un déclencheur."
Patrimoine mondial de l'Unesco
Près de 20 ans plus tard, en 2012, le bassin minier entrait au patrimoine mondial de l'Unesco. Un label, voire un sésame, qui redorait le blason de ce territoire qui s'étend sur 120 kilomètres de long, de Béthune à Valenciennes, en passant par Lens et Douai. "On a surfé sur la vague Germinal pour devenir un pôle image d'excellence", se félicite aujourd'hui l'élu, devenu maire de la commune.
Pour fêter les 10 ans de cette inscription au patrimoine mondial, l'association Mission bassin minier a organisé un voyage de presse à destination des journalistes, ce jeudi 10 mars 2022. Une visite guidée entre le site d'Arenberg, réhabilité en lieu de tournage, et l'ancienne mine de Oignies, réaménagée en centre culturel dédié à la musique actuelle (le 9-9 bis).
Arenberg, des mines au studio de cinéma
Le site d'Arenberg est peut-être le meilleur exemple de reconfiguration réussie d'un ancien lieu d'extraction minière. L'Arenberg creative mine, nom donné à ce pôle d'excellence en image et médias numériques inauguré en 2015 par le réalisateur Costa Gavras, porte aujourd'hui une envergure internationale. Il abrite, entre autres, un studio de cinéma, avec le plus grand fond vert dans le nord de Paris.
Qui pouvait imaginer qu'un jour les terres noires d'Arenberg brilleraient à la lumière des projecteurs de cinéma ? Ceux de Claude Berri d'abord, puis ceux de David Hourrègue ensuite, le réalisateur de la série Germinal diffusée sur France 2 et Salto, en 2021. "On ne pensait pas l'avoir cette série", avoue Salvatore Castiglione. Bientôt, c'est Netflix qui prendra ses quartiers dans le studio de tournage, durant trois jours, pour filmer des scènes de la série Braqueurs.
Arenberg est passé de l'ombre à la lumière pour un coût de 31 millions d'euros d'investissement. Au-delà du studio de tournage, le site compte une salle de projection de 350 places, un plateau-télé et de multiples salles de réunion pour accueillir des chercheurs, des universitaires ou encore des étudiants du monde entier.
D'ailleurs, en ce mois de mars, Arenberg creative mine fait office de lieu de résidence pour les étudiants de plusieurs écoles d'animation européenne. Car la Région Hauts-de-France veut devenir un pôle d'excellence dans la filière mapping (ces images animées projetées sur des décors). Les bâtiments de l'ancienne fosse d'Arenberg en font un terrain de jeu idéal pour cette pratique. Le vidéo mapping festival s'y est d'ailleurs déroulé en octobre 2021.
La valorisation de l'héritage industriel
L'innovation et la technologie de pointe n'ont pas pour autant effacé l'héritage des mineurs, au nombre de 2.000 sur la fosse d'Arenberg. Les berlines de charbon jonchant la pelouse, les rails en fer et en acier, les chevalets hauts de 60 mètres... sont autant de reliques du passé. La preuve matérielle que le patrimoine des gueules noires est compatible, voire même profitable au développement économique et culturel du territoire.
C'est au cœur de ce décor post charbon que Les Hauts en Seine - le rendez-vous musical France 3 Hauts-de-France - a fait une halte en février dernier, avec le concert du duo Lillois Weekend Affair (voir le replay ci-dessous).
Le combat des élus pour l'avenir de leur territoire
Pourtant, rien n'était gagné d'avance à la fermeture des mines dans les années 1980-90. Un rapport publié en 1986 par l'ingénieur Jean-Paul Lacaze (missionné par le ministère de l’industrie) préconisait même de faire table rase du bassin minier. Ce rapport développait la théorie dite du "resserrement urbain", c’est-à-dire l’abandon des cités minières excentrées au profit de pôles urbains.
Face à un futur promis sans issue, les élus locaux ont alors élevé la voix pour défendre l'avenir de leur territoire. En 1996, ils portent leurs propositions lors de la Conférence permanente du bassin minier. Aujourd'hui, ils sont rassemblés autour de l'association Mission bassin minier, présidée par la sénatrice du Pas-de-Calais, Cathy Apourceau-Poly.
À Oignies, le charbon laisse place à la musique
À une quarantaine de kilomètres de Wallers-Arenberg, la cité de Oignies (Pas-de-Calais) présente un autre exemple emblématique de la métamorphose de ce bassin minier. Fermé le 21 décembre 1980, le site est devenu aujourd'hui un centre culturel dédié aux musiques actuelles, intitulé le 9-9 bis. Le Métaphone, salle de concert et de spectacle de 1.500 places, a été construit entre un des puits d'extraction et son terril annexe.
Les anciens locaux de la mine (douches, vestiaires, ateliers, chaufferie...) hébergent également six studios d'enregistrement, une salle de danse, un auditorium de 80 places, une salle d'exposition et plusieurs salles de réunion. Ce qui en fait un lieu d'exception dans le département. Un travail de médiation culturel et musical auprès des écoles est aussi au cœur de ses missions.
De ce renouveau du bassin minier, estampillé patrimoine mondial, les élus et habitants tirent une fierté. "Il y a la Tour Eiffel, il y a la pyramide d'Egypte, oui, mais il y a aussi nos cités minières", se targue Salvatore Castiglione. Reste à se demander, demain, quel autre projet germera de cette terre de mineurs.