Une cinquantaine d'avocats sont allés ce samedi dans la "Jungle" de Calais "donner aux exilés des conseils pour qu'ils connaissent et exercent leurs droits", à l'approche du démantèlement de ce campement insalubre.
En milieu de journée, les avocats, venus pour certains de l'autre bout de la France, ont commencé à aller à la rencontre des migrants pour les aider à remplir des formulaires et les conseiller sur la marche à suivre, au cas où ils se feraient interpeller. "On est bien conscients que la "Jungle" est un lieu où les conditions de vie sont indignes et inhumaines et que ça ne peut pas durer. Mais on annonce des délais de démantèlement tellement courts qu'on ne peut pas penser que les droits seront respectés", a déclaré Flor Tercero, présidente de l'Association des avocats pour la défense des droits des étrangers (ADDE).
"Tout le monde ne veut pas aller en CAO"
Le gouvernement n'a pas officiellement annoncé de date pour ce démantèlement, qu'il souhaite rapide, et la date du 17 octobre, un temps évoquée, aurait été repoussée d'une semaine au moins, selon des sources proches du dossier. En préparation de cette évacuation, les pouvoirs publics sont en train de constituer un "stock" de 9 000 places supplémentaires en centres d'accueil et d'orientation (CAO), afin d'inciter les migrants à réfléchir à une demande d'asile. "Mais tout le monde ne veut pas aller en CAO", a souligné Mme Tercero, en expliquant que, pour ceux qui ne monteront pas dans les bus, le but de l'opération des avocats est "de garantir que les droits soient respectés au moment de l'interpellation".
Reportage de Marie-Noëlle Grimaldi et Sergio Rosenstrauch.
Cette opération, nommée "Jungle Lawyers", qui devait durer tout le week-end, est organisée à l'appel du Conseil national des barreaux. Vendredi, il s'était attiré des remarques agacées du ministre de l'Intérieur Bernard Cazeneuve pour ses critiques virulentes des conditions du démantèlement et pour l'emploi, dans une adresse mail, du terme "anti-rafle". Les avocats ont notamment pour mission de munir les migrants d'un formulaire à remettre aux policiers en cas d'interpellation, précisant leur identité, ainsi que leur volonté de bénéficier d'un avocat, d'un interprète et d'un examen médical. "Si 500 personnes présentent" ce formulaire, "elles seront très difficiles à gérer pour la police", a expliqué Norbert Clément, membre de l'Adde, ce samedi matin, lors d'une réunion des avocats, avant de dénoncer des "menaces d'arrestations massives pour remplir les CRA" (centres de rétention administrative).
Aidés de bénévoles, les avocats se sont ensuite dispersés sur le campement pour aller à la rencontre des migrants. "Vous avez des papiers ? Un problème médical ?" Les premiers à défiler - Soudanais ou Afghans - affirment n'avoir aucun document avec eux. "Ils se méfient", soupire Me Xavier Loiré, avocat à Paris. D'autres ont déjà engagé une demande d'asile en France : "Vous faites ce que vous voulez, mais dans votre cas c'est mieux d'aller en CAO parce que vous avez déjà engagé des démarches", affirme l'avocat à l'un d'eux. Malgré le peu de temps, la séance d'information glisse parfois vers la consultation personnalisée. "Quand vous aurez votre entretien en vue du statut de réfugié, il faut bien que vous expliquiez d'où vous venez, que vous décriviez la ville, les rivières, les distances...", lance-t-il à un Soudanais de l'ethnie Berthi. "Et ça, il faut bien le dire parce que cette ethnie est particulièrement persécutée."