Dans l'Oise et l'Aisne, les agriculteurs inquiets du - trop - beau temps

Depuis plusieurs semaines, le soleil brille sur la Picardie. Un soleil et des températures estivales qui assèchent les sols, déjà fragilisés par des périodes de vent froid. Le peu de pluie qui tombe ne pénètre pas. De quoi inquiéter les agriculteurs de l'Aisne et de l'Oise.

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"Dans un même champ, j'ai des betteraves de différentes tailles parce que les semis ont poussé en trois fois. Aujourd'hui, je n'ai 30% de betteraves qui sont levées. Alors que, normalement, fin mai, elles devraient être toutes levées." Jean Lefevre est agriculteur à Ognes dans l'Oise. 14 cultures se partagent les 350 hectares de son exploitation : colza, blé, orge de printemps, maïs, quinoa. Et depuis plusieurs semaines, la météo n'est pas son amie.

Des semis qui n'ont pas pris


Alternance désordonnée de chaleurs, de vents d'est froid et de pluie ont fragilisé les sols aujourd'hui très secs : "on a du mal à les préparer pour les semis : on n'arrivait pas à faire de la terre fine tellement c'était sec. Et quand on a semé, les graines ont eu du mal à germer parce qu'elles n'étaient pas bien rentrées dans le sol. Beaucoup n'ont pas germé du tout.", explique Jean Lefevre.

Et la situation ne s'est pas améliorée avec l'arrivée du printemps. S'il a plu abondamment fin avril, l'eau n'a pas pénétré la terre et a ruisselé. "Les plantes qui ont poussé avaient besoin d'eau et ont pompé en profondeur. Les nappes avaient un bon niveau mais elles ont baissé à cause de ça, confie l'agriculteur. Tout ce qui pleut aujourd'hui, c'est pris tout de suite par les plantes. Si ça part dans les nappes, c'est seulement sur quelques centimètres."

Des pluies peu efficaces


Selon Luc Smessaert, agriculteur à Roy-Boyssy dans l'Oise et vice-président de la FNSEA, "on a eu beaucoup beaucoup d'eau cet hiver. Et depuis, plus rien d'efficace : il faudrait des débit de 20 millimètres par jour. Et le peu qui est tombé ne représente pas plus de 2 millimètres. On a l'impression qu'il pleut mais en fait il ne reste pas grand chose dans la terre. Depuis 15 jours, c'est sec. Et on est à un moment des cultures où il faut beaucoup d'eau."

Même constat pour Charlotte Vassant, secrétaire générale de l'Union des Syndicats Agricoles de l'Aisne. Elle fait des céréales, des pommes de terre et du maraîchage à Attily : "on a une sécheresse de surface et de l'eau en profondeur mais les cultures n'arrivent à prendre racine. Et pour que la plante trouve l'eau en sous-sol, il faut qu'elle soit haute de 15 à 20 centimètres. Du coup, c'est un cercle vicieux." 

Des cultures de moins bonne qualité 

La chance de Charlotte Vassant, c'est qu'elle fait de l'irrigation. "On est obligés d'irriguer pour que ça germe : j'ai du irriguer deux fois les carottes pour que ça prenne. Et si on irrigue pas, il faut attendre la pluie pour faire démarrer les cultures. J'ai pas mal de collègues qui font la danse de la pluie tous les jours", s'attriste-t-elle. Dans les Hauts-de-France, seuls 10% des exploitants agricoles irriguent.

Tout ça n'est pas très bon pour la qualité des cultures qui, en plus, ont deux bonnes semaines d'avance dans leur développement. Un développement perturbé par la météo. "Les plantes montent vite en graine mais elles ne sont pas épaisses, explique Luc Smessaert. Par exemple, le blé est déjà en épis mais il n'y en a pas plus que 2 à 3 par grain alors qu'il faudrait 4 à 5 plutôt. Du coup les grains vont être plus petits et donc le rendement pas terrible."

Les pâtures des éleveurs touchées


Les éleveurs aussi pâtissent de cette météo. Les pâtures posent problème, "la difficulté, c'est qu'on a eu un hiver très humide. Donc les pâturages ont eu du mal à démarrer. Et avec le soleil et le vent froid qu'on a eu, ça a considérablement gêné les pousses d'herbe", raconte Didier Halleux. Éleveur de vaches laitières à Hauthion dans la Thiérache axonaise, il dit que son père, éleveur avant lui, n'a jamais vécu ça : "on a eu déjà plusieurs fauches de faites. Le temps était propice sur les premières donc la qualité est très bonne. Mais en deuxième coupe, les rendements sont moins bon. Une fois que les pâtures ont été fauchées, ça devient tout de suite jaune et ça a du mal à pousser."

Didier Halleux change ses vaches de pâture tous les 20 jours. Mais en ce moment, l'herbe n'a pas le temps de repousser. Il n'a pas d'autre choix que de mettre ses 180 bêtes dans des pâtures qui sont exclusivement destinées à la production de foin pour l'hiver. "J'en connais qui sont obligés de compléter à l'auge avec du grain. Mais dans les deux cas, on entame les stocks plus tôt que d'habitude. Le printemps, c'est la période pendant laquelle on constitue les stocks pour l'hiver suivant. Et cette année, nos stocks sont inférieurs à ceux des années précédentes. Si ça continue comme ça, ça va être forcément plus compliqué."

La crainte des feux de champ cet été


L'éleveur est le président du syndicat des producteurs laitiers de l'Aisne. Il connait bien la situation de ses collègues : "il y a des stocks donc il n'y a pas péril en la demeure mais c'est fragile depuis 2016. Mais on sent l'inquiétude des éleveurs. En Thiérache, on a de la chance : c'est une région plutôt verte. Ailleurs dans le département, c'est beaucoup plus compliqué, comme dans le Laonnois. Il ne faudrait pas que ça continue comme ça tout l'été."

C'est pourtant ce qui semble se profiler au regard des prévisions de Météo France pour l'été : de fortes chaleurs sont annoncées.

Ce qui, pour Jean Lefevre, accentue une autre menace : "ce qui m'inquiète beaucoup plus, c'est que les sols soient trop secs et qu'au moment des moissons, il y ait encore des incendies comme on en a eu l'année dernière."


 
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