À l'école primaire de Gaudechart dans l'Oise, les apprentissages des vendredis sont organisés en groupes de 5. Certains revoient des notions de maths ou de français, les autres font du sport ou de l'art. Une initiative appréciée des enfants comme des enseignants.
La classe de Catherine Quille est étonnamment calme pour un vendredi après-midi. Des fenêtres ouvertes pour laisser passer l'air frais, on entend des cris et des rires en provenance de la cour. Ce n'est pourtant pas le moment de la récréation. Dans la classe, assis au premier rang face au bureau de l'enseignante, 5 élèves.
Plus de calme pour les élèves
Ils sont en CM1 ou en CM2. Et cette semaine, c'est leur vendredi. Dans cette petite école primaire du village de Gaudechart dans l'Oise, depuis la rentrée de septembre, chaque vendredi, les 90 élèves travaillent en atelier de 5 à 6. Maths, français pour certains, sport et art pour les autres.
Cette semaine, Ethan est en classe pour revoir la grammaire. Sur sa table, des mots écrits sur des étiquettes qu'il met dans un pot pour le sujet ou dans un autre pour le verbe. "La maîtresse peut mieux nous expliquer, être plus avec nous, selon le petit garçon de 11 ans, parce que quand on est en groupe de 20, elle a tout le monde à gérer du coup, c'est compliqué. C'est comme si on avait plus d'espace. On peut mieux travailler. C'est plus calme, tout le monde peut participer, on peut bien faire son travail parce que personne ne vient t'embêter. Moi, je comprends mieux à 5 parce qu'à 20, c'est pas facile de poser une question mais à 5, tu peux facilement poser des questions."
Une plus grande attention aux difficultés de chacun
Pour Catherine Quille, professeur des écoles, cette organisation n'a que des avantages : "le fait d'avoir des petits groupes, ça permet de faire des activités qu'on ne peut pas faire en grand groupe parce que je ne peux pas voir leur façon de fonctionner à chacun. Là, je vois ceux qui cherchent, ceux qui hésitent. Ça me donne quelque chose sur quoi m'appuyer pour reprendre après. Donc je fais des activités différentes ce jour-là."
À l'origine de cette initiative, Nathalie Heu, la directrice de l'école d'enseignement catholique. "Avec le premier confinement, on a réfléchi à proposer un enseignement sur-mesure pour chaque enfant, explique-t-elle. On a lancé ce projet qui a démarré en septembre : trois ateliers dans la journée du vendredi. On repère le jeudi soir trois profils d'enfants : des enfants à haut potentiel, des enfants qui ont besoin d'entraînement et des enfants qui ont besoin d'une pédagogie adaptée."
Jusqu'à la Toussaint, le vendredi des enfants de toutes les classes était organisé de cette façon. Chaque atelier accueillait des élèves de tous niveaux d'âge confondus, y compris les 7 enfants de la classe d'Ulis que compte l'école : "c'était un échange entre les différents niveaux d'âge, raconte Nathalie Heu. Après la Toussaint, on a du temporairement arrêté parce qu'on ne pouvait plus mélanger les élèves de classes différentes. Mais en janvier, on s'est dit qu'on devait reprendre les vendredis. On a organisé le temps des ateliers par classe : un vendredi, ce sont les CE1/CE2, le suivant, ce sont les CM1/CM2. Les petits n'ont plus d'ateliers, mais leurs enseignants aménagent quand même leur temps de classe ce jour-là : en maternelle par exemple, il y a un atelier langage et un atelier concentration".
Découvrir d'autres univers
Dans la cour de récréation, une partie des camarades de classe d'Ethan font sport. Ce vendredi, c'est tir à l'arc. Entre manque de matériel et sécurité difficile à assurer avec 20 enfants, cette activité aurait été impossible à proposer à une classe entière. "5, c'est l'idéal : en petit effectif, ils travaillent plus, mentionne Christopher Coge, le professeur de sport. Une classe de 20 déjà, il faut faire de la discipline, il faut surveiller les élèves tout en faisant cours. Alors que là, on fait que de la pédagogie à 100 %."
Une organisation qui permet aussi de découvrir plein de sports : "on fait de la pétanque, de l'escalade, du rugby, de la course d'orientation. Plein d'activités qu'ils vont découvrir au collège donc on leur apporte ce petit plus."
Le troisième groupe est installé dans une classe, tablier sur les épaules et mains pleines de couleurs. À Gaudechart, village de campagne de 350 habitants, il y a peu d'événements ou d'activités culturelles, cette initiation à l'art permet aux enfants d'appréhender un monde et un environnement dont ils ne sont pas forcément familiers.
C'est Enilec, peintre à la galerie The Art Cycle qui anime l'atelier : "c'est une belle initiative pour que les enfants puissent toucher à tout, s'exprimer sans qu'on leur impose quoi que ce soit. On a commencé à faire des mélanges de peinture pour leur montrer comment on fait les différentes couleurs. On prend du temps avec chacun. Ce qui est important, d'avoir un échange, d'essayer de les écouter individuellement. Même moi, j'apprends ! Quand je peins, je le fais par instinct. Les enfants ont une forme de simplicité par rapport à l'art. Donc moi aussi, j'apprends à leur contact."
Mettre en place ce projet original a été possible grâce à un partenariat entre la fondation des apprentis d'Auteuil, à laquelle est rattachée l'école de Gaudechart, et la fondation Foujita qui oeuvre pour la promotion de la pratique de l'art chez les enfants en difficulté scolaire, sociale et familiale.
Repérer des aptitudes
Un atelier art qui a une autre vertu que faire découvrir un univers aux élèves : celle de peut-être révéler si ce n'est une vocation, au moins des aptitudes. "On a choisi la peinture parce qu'on se dit que les enfants, s'ils ont quelques soucis scolaires, ils peuvent avoir un don, s'enthousiasme Nathalie Heu. L'année prochaine, on va faire venir un sculpteur sur pierre et une dame qui va leur donner des cours de chant."
Valoriser les capacités des uns et des autres passe aussi par le faire-savoir : une exposition des productions artistiques des enfants est prévue dans l'école fin juin :
Cette nouvelle organisation du travail semble avoir déjà fait ses preuves sur le comportement des enfants et sur leur travail : "je vois beaucoup d'amélioration, avoue Catherine Quille. Le vendredi, c'est une journée tout à fait particulière : ils sont bien dans leur corps, bien dans leur tête. Le fait de participer au sport, à l'art, ils arrivent, ils sont tout à fait détendus. Ils n'ont pas la même attitude que les jours ordinaires. Donc ils s'investissent différemment dans le travail."
Moins de pression. Moins d'anxiété. D'agitation. Plus d'autonomie et d'intérêt quant aux apprentissages... L'impact des vendredis en petits groupes se fait même ressentir à la maison.
"Vu ma longue carrière, je sais que quand on a de gros effectifs d'élèves, même si on fait tout ce qu'on peut, on en laisse quand même un petit peu de côté, conclut Catherine Quille. On ne peut pas toujours être avec eux individuellement. Il y a une sensation de non-abouti quand on quitte sa classe."
Le vendredi en petits groupes apparaît comme une expérience bénéfique pour les enfants, leurs parents et pour les enseignants. Une façon peut-être plus satisfaisante de faire l'école et d'apprendre.