Des parents donnent le prénom M à leur enfant : on vous explique pourquoi le juge aux affaires familiales est saisi

Un enfant né à Beauvais en février dernier, porte la lettre M en guise de second prénom. Le juge aux affaires familiales de Beauvais a été saisi par le procureur de la République de Beauvais vendredi 26 janvier pour évaluer si ce prénom porte atteinte à l'intérêt du nouveau-né.

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Le 26 janvier dernier, le procureur de la République de Beauvais, prévenu par un officier d'état civil, a décidé de saisir le juge aux affaires familiales (JAF) pour déterminer si les parents d'un enfant né en février dernier ont le droit de l'appeler M. Le magistrat explique : "En l’espèce, « M » se rapportant à une lettre de l’alphabet, nous considérons qu’il ne peut permettre la qualification d’une personne qui est la fonction dévolue au prénom."

C'est seulement en tant que second prénom que ce couple de l'Oise avait choisi le nom de scène du chanteur Mathieu Chedid, mais pour la justice ça ne fait aucune différence. N'importe lequel des prénoms peut être utilisé au quotidien.

Pour justifier la saisine du juge, le procureur de Beauvais prend un autre exemple : "La cour d’appel d’Amiens avait jugé, en 2012, contraire à l’intérêt de l’enfant un prénom uniquement composé de deux lettres : MJ."

Ce que dit la loi

Lorsque les prénoms d'un enfant, seuls ou associés aux autres prénoms ou au nom, ou à un membre de la famille, semblent contraires à l'intérêt de l'enfant, l'officier de l'état civil peut aviser le procureur de la République. Celui-ci peut saisir le juge aux affaires familiales et c'est lui qui tranche.

L'article 57 du Code civil, issu de la loi du 8 janvier 1993, a consacré le principe du libre choix du prénom par les parents puisque depuis cette date, le législateur n’impose plus aux parents le choix de prénoms calendaires ou connus de l’histoire ancienne. Dans les faits, l'obligation de choisir son prénom historique n'était plus appliquée depuis longtemps.

C'est sur cette loi que s'appuie le procureur et notamment sur la circulaire du 3 mars 1993 qui précise comment elle doit être appliquée. Cette circulaire précise que doivent être refusés "les prénoms ayant une apparence ou une consonance péjorative ou grossière, ceux difficiles à porter en raison de leur complexité ou de la référence à un personnage déconsidéré dans l'histoire".

La loi a cessé d'être directive et c'est désormais a posteriori que les prénoms sont contestés et éventuellement modifiés. Le délai du jugement, parfois long, laisse le temps aux parents et aux enfants de s'habituer aux prénoms insolites.

En 2009, un couple de l'Oise a nommé son fils Titeuf en référence au héros de la bande dessinée homonyme. Le 15 février 2012, soit trois ans après, la Cour de cassation a estimé qu’appeler son enfant Titeuf était contraire à son intérêt, rappelant ainsi que le choix d’un prénom doit être réfléchi et apprécié en fonction de l’intérêt supérieur de l’enfant. L'affaire a fait jurisprudence.

D'autres exemples marquants

Les limites d'un nom acceptable ou pas sont floues. On peut désormais autoriser un nom inventé, mais le fait qu'il soit historique ou même inscrit dans le calendrier ne garantit pas sa validité. Le prénom Aude dans une famille Vaisselle a par exemple été refusé puisqu'il pose problème accolé à son nom de famille. Les prénoms Babord et Tribord ont aussi été effacés de l'état civil de jumeaux au motif qu'associés, ils portaient atteinte aux enfants. Pourtant, la petite Mégane Renaud, née en 1999, a, elle, été autorisée à garder son nom par la cour d'appel de Rennes.

Moins sujets à débat, les prénoms Assedic et Babar ont, eux aussi, été supprimés de l'état civil par des juges aux affaires familiales.

Que se passera-t-il si le prénom est refusé ?

Si le juge estime que le prénom n'est pas conforme à l'intérêt de l'enfant, il peut en ordonner la suppression sur les registres de l'état civil. Il attribue, le cas échéant, à l'enfant un autre prénom qu'il détermine lui-même si les parents ne font pas d'autre choix conforme.

Le procureur de la République de Beauvais précise : "Le débat avec les parents se fera devant le juge aux affaires familiales qui rendra sa décision courant mars sur cette question."

Quelle que soit la décision du juge, la justice ne peut pas contraindre les parents à appeler leur enfant par le nom qui sera enregistré à l'état civil. Malgré une décision de justice en sa défaveur en 2012, la famille Pieux utiliserait toujours le prénom Titeuf comme nom d'usage pour son fils, aujourd’hui âgé de 14 ans.

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