Déjà l'objet de remarques en 2017, la prison de Beauvais a de nouveau été épinglée par la contrôleure générale des lieux de privation de liberté dans un rapport publié en cette fin février 2022. Dominique Simonnot déplore notamment le manque d'expérience des surveillants et des fouilles humiliantes pour les détenus.
Dominique Simonnot a visité de nombreuses prisons, mais elle semble garder un souvenir ému de sa venue à Beauvais. "Elle ne s'en sort pas bien, la violence y atteint un niveau anormal," résume la contrôleure générale des lieux de privation de liberté (CGLPL). Le centre pénitentiaire de Beauvais fut l'une des premières prisons qu'elle inspectait, en décembre 2020, après avoir été destinataire "de plaintes innombrables" faisant état de violences. De cette visite, la CGLPL en a tiré un rapport, rendu public en cette fin février.
"Pour avoir un repère, on atteint un niveau de violence deux fois plus important qu'à la prison des Baumettes [à Marseille, NDLR] qui possède pourtant le double de détenus," assène Dominique Simonnot.
Dans son rapport, elle détaille les fouilles systématiques et humiliantes réalisées par les surveillants. Ces comportements, attestés par la vidéosurveillance et la concordance de témoignages, sont "générateurs de violence tant pour le personnel que pour les personnes détenues".
On demande par exemple aux femmes d'enlever leurs tampons hygiéniques, on braque longuement des lampes dans les anus des hommes.
Dominique Simonnot, contrôleure générale des lieux de privation de liberté
Selon le rapport de la CGLPL, le personnel n'opère pas de désescalade en cas de violence. "Lorsqu'un agent est insulté par un détenu - ce qui est bien sûr intolérable - celui-ci ne devrait pas l'insulter en retour mais lui opposer une sanction disciplinaire. Or, on remarque sur la vidéosurveillance que les surveillants répondent. Parfois, ils passent beaucoup trop de temps hors caméra en compagnie d'un prisonnier, ce qui est inquiétant," regrette l'ancienne journaliste, nommée contrôleure en 2020 par le président de la République.
Autre fait préoccupant à la prison beauvaisienne : l'explosion du nombre de "projections" de colis, à savoir des jets d'objets (cannabis, armes blanches, portables, etc.) depuis l'extérieur de la prison à destination des personnes incarcérées. Environ 5 200 projections ont été dénombrées en 2020, et ce nombre double chaque année, augmentant les risques pour les agents, la fréquence des fouilles des cellules, et donc participant pleinement à ce climat de tension entre agents et détenus.
Peu de leçons tirées de la précédente visite
Ce niveau de violence préoccupant à la prison de Beauvais avait déjà été relevé en 2017 par Delphine Hazan, prédécesseure de Dominique Simonnot. Cette dernière regrette que "les recommandations de 2017 n’ont pas fait l’objet de prise en compte particulière. Sur cinquante-deux recommandations rédigées en 2017, seules douze ont été prises en compte au moins partiellement."
Beauvais est un centre pénitentiaire qui se caractérise par un renouvellement fréquent des personnels, malheureusement "peu expérimentés, peu contrôlés et peu évalués". "Je viens tout juste de contrôler une prison de centre-ville à l'envergure comparable à celle de Beauvais, raconte Dominique Simonnot. Le bâtiment historique est vétuste, le taux d'occupation est de 200%, alors que Beauvais ne souffre pas de surpopulation. Eh bien l'ambiance y est sereine entre les détenus et l'équipe de surveillance, qui y travaille depuis longtemps."
Pour la contrôleure, le problème réside plus généralement dans la tendance actuelle d'édifier les nouvelles prisons hors des villes : celles-ci ont plus de mal à pérenniser leurs salariés et moins accessible pour les familles des prisonniers souhaitant se rendre aux parloirs, surtout celles ne disposant pas de véhicule personnel.