L'histoire du dimanche - Jeanne Hachette, l’héroïne de Beauvais qui a défendu la ville contre l’assaut des Bourguignons en 1472

Née au XVe siècle comme Jeanne d'Arc, Jeanne Laisné est devenue le symbole de la mobilisation des femmes de Beauvais contre l’assaut des Bourguignons en 1472. On lui donne le surnom de Jeanne Hachette à compter du XVIIe, en raison de la petite hache dont elle se serait servie pour repousser les troupes du duc de Bourgogne, Charles le Téméraire.

Une place, une rue, un lycée, des œuvres d’art, le nom de Jeanne Hachette apparaît un peu partout dans la ville de Beauvais. Il fallait au moins cela pour rendre hommage à cette jeune héroïne qui a fait preuve de hardiesse et de courage pour défendre sa ville, en son temps. Elle avait alors à peine 18 ans.

Un nom, un acte, on n’en sait pas tellement plus sur cette libératrice. Certains diront même qu’elle n’est qu’un personnage de légende. Fausse rumeur. La découverte d’originaux des Lettres-patentes de Louis XI confirment son existence et son exploit.

Elle serait née dans l’actuelle rue qui porte son nom, entre 1452 et 1455. Quant à la date de son décès, mystère.

Mais remontons le temps. Nous sommes en juin 1472. Le duc de Bourgogne, Charles le Téméraire est en lutte contre son cousin Louis XI, le roi de France. La rivalité entre la France et les Bourguignons avait officiellement cessé lors de la signature du Traité de Péronne en 1465. Traité qui fut rompu par les deux parties au cours de l’année 1471. À partir de ce moment-là, Charles le Téméraire prend les armes et ravage la Picardie jusqu’au jour où il arrive aux portes de Beauvais. Le siège va durer 24 jours.

Beauvais assiégée

L’enjeu est important. Si la ville tombe entre les mains du duc de Normandie, celui-ci risque de s’allier au duc de Bretagne et si les deux s’allient contre la couronne de France, Paris sera menacée.

Le scénario est d’autant plus réaliste que le duc de Bourgogne dispose d’une solide armée. Face à lui, Beauvais ne fait pas le poids. La réputation de Charles le Téméraire le précède. On a eu vent des massacres qui ont eu lieu à Roye ou à Nesle. Ce 10 juin 1472, il est même entré à cheval dans l’église, et "après avoir fait le signe de croix et jeté un œil sur les victimes qu’il foulait aux pieds, il proféra ces paroles : j’ai de bons bouchers avec moi qui me donnent un beau spectacle", relate Jacques Grévin au XVIe siècle, dans un ouvrage, constitué de pièces d’archives sur ces événements historiques. Charles le terrible mérite bien son surnom.

Le voilà maintenant qui marche sur Beauvais avec derrière lui, 80 000 assaillants. Il sait que la ville n’a pas de garnison. Pour lui, la victoire est assurée. C’est compter sans les Beauvaisiens.

Le matin du 27 juin, des ouvriers couvreurs qui réparaient la toiture de la cathédrale aperçoivent les premiers les lueurs des armes ducales. Aussitôt ils sonnent l’alarme. Un héraut bourguignon se présente. Il lit la proclamation du duc de Bourgogne adressée au gouverneur de Beauvais, dans laquelle il lui somme de se rendre. Les habitants refusent de parlementer. Ils décident de prendre les armes, arcs, arbalètes et couleuvrines.

Le seigneur des Cordes ordonne l’attaque-sur-le-champ. Les Bourguignons donnent l’assaut sur deux points d’entrée de la ville. À l’ouest, contre la porte du Limaçon et au nord-est, à la porte de Bresles. La bataille est violente. Les ennemis dressent des échelles le long des murailles. Dans les maisons les femmes allument des fagots qui sont ensuite jetés au visage des assaillants. Ils en jettent une si grande quantité que la porte de Bresles prend feu et oblige les Bourguignons à se retirer.

Selon la tradition orale, c’est dans ce terrible assaut qu’une jeune fille dénommée Jeanne Laisné, aurait encouragé les Beauvaisiens à se porter à la défense de leur "bonne ville". Comme toujours lors des sièges et des guerres, les reliques de la sainte protectrice de la ville, sainte Angadrême, sont amenées sur les lieux. Alors que la châsse est portée en procession sur les remparts, Jeanne et ses compagnes organisent la défense.

Les Bourguignons dressent les échelles et montent sur la muraille, la jeune fille "sans autre bâton ou aide, prit et arracha à l’un des Bourguignons, l’étendard qu’il tenait, et le porta en l’église des Jacobins". [Discours du siège de Beauvais, G. Valet].

Cet acte héroïque ajouté à la présence de la relique de Sainte Angadrême ranime les cœurs des Beauvaisiens qui viennent à bout de l’assaut des Bourguignons.

La reconnaissance du roi Louis XI

Le geste de bravoure revient aux oreilles du roi de France. Dans ses lettres-patentes, Louis XI fait preuve de générosité. Il dispense les Beauvaisiens d’impôts pour dix ans et en exempte à vie Jeanne Laisné et son époux, Colin Pilon : "par ces présentes, que lesdits Colin Pilon et Jeanne la femme, chacun d’eux soient et demeurent leur vie durant francs, quittes et exempts de toutes les tailles qui sont et seront dorénavant mises sus, et imposées de par nous en notre."

En mémoire du siège, il institue la procession solennelle de l’Assaut. À cette occasion, les femmes précèdent dorénavant les hommes. Par ailleurs, elles ont aussi le droit d’organiser une grande procession le jour de leurs noces et de se parer d’ornements et de joyaux, privilège jusque-là accordé aux femmes nobles. Cette fête traditionnelle se poursuit encore aujourd’hui. Elles sont organisées par l’association Les Amis des Fêtes Jeanne Hachette tous les derniers week-ends de juin.

Une héroïne discrète

Au final, on ne sait rien de précis sur la vie de l’héroïne si ce n'est qu'elle est la fille de Mathieu Laisné et qu'elle est cardeuse de laine. "L’histoire n’a pas même conservé son nom véritable", remarque Jacques Grévin. Louis XI la nomme Jeanne Laisné dans ses lettres-patentes datées de 1474 et la même année, Le Discours du siège de Beauvais la cite sous le nom de Jeanne Fourquet.

Elle est surnommée Hachette à cause de l’arme dont Jeanne s’est servie pour repousser le Bourguignon auquel elle a enlevé l’étendard. Mais ce surnom apparaît bien plus tard, au moment de la révolution française, à l’occasion de la restauration d’un tableau de Jean-Jacques-François Le Barbier. Sur une esquisse, on voit la jeune femme tenir dans sa main droite une massue à pointes. Dans la version définitive, détruite durant la Seconde Guerre mondiale, une retouche de la massue en hachette avait été effectuée par le peintre beauvaisien Charles-Auguste van den Berghe.

Exécutée en 1780, cette œuvre a été installée à l’hôtel de ville de Beauvais le 11 décembre 1788. Elle est la première à avoir traité l’épisode de la défense de la ville par Jeanne Hachette.

La ville aussi lui rend de nombreux hommages. Une statue de bronze du sculpteur Vital-Dubray, est inaugurée sur la place du même nom, le 6 juillet 1851 par le prince Louis-Napoléon Bonaparte, président de la République.

Deux toiles sont également exposées, l’une dans l’hôtel de ville. Elle est réalisée par Roger Bréval en 1953 et l’autre dans la chapelle Sainte-Angadrême de la cathédrale Saint-Pierre, par Alexandre Grellet en 1869.

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