Fin octobre, le Thérain est touché par une pollution majeure sur des dizaines de kilomètres. Depuis, la fédération de pêche, les associations et les autorités réalisent des pêches électriques pour constater les dégâts. Les résultats sont catastrophiques et les pêcheurs s'inquiètent. Ils sont une centaine sur Beauvais.
Depuis 3 semaines, la fédération de pêche de l'Oise, accompagnée par les techniciens de la rivière du SIVT (Syndicat intercommunal de la vallée du Thérain) et de plusieurs associations de pêcheurs, réalisent des pêches électriques dans le Thérain. Objectif ? Etablir un diagnostic de la faune piscicole touchée par la pollution du 23 octobre.
Résultat : les poissons ont quasiment tous disparu de la rivière. "Nous avions réalisé un comptage électrique en août dernier sur le secteur de Beauvais, explique Vincent Lebailly, président du club de pêche La Truite de Beauvais, on avait 17 truites pour 100 mètres de rivière. Là, ont en trouve à peine 4 . Et ce n'est pas le pire : autour de Milly-sur-Thérain on est passé de 15 sur 100 mètres à zéro."
"La pollution du siècle"
Le constat est sans appel. Pourtant, avant le décompte, Vincent Lebailly y croyait encore : "On savait que la pollution aurait des conséquences, mais pas à ce point-là. C'est certainement la pollution du siècle !"
Le 23 octobre dernier, la tempête avait endommagé une cuve d'engrais liquide, entrainant une importante fuite du produit dans la rivière. L'incident s'est déroulé au niveau de Songeons et a causé des pertes sur plusieurs kilomètres, de Songeons à Saint-Leu-d'Esserent.
La pêche électrique se pratique à l'aide d'une canne avec un cercle électrique permettant de tétaniser un instant le poisson, de le sortir de l'eau et de l'examiner, avant de le remettre dans la rivière. Résultat : la pollution n'a pas uniquement touché les truites. Le brochet, la carpe, la brème et "le chabot aussi a été touché, ajoute Vincent Lebailly, c'est un poisson qui vit avec la truite, et là il en reste à peine un tiers dans le Thérain."
Une plainte bientôt déposée
Un constat insupportable pour la fédération de pêche et les associations de pêche du Thérain, qui ont décidé de porter l'affaire devant les tribunaux. Une plainte contre X devrait être déposée prochainement, même si le responsable de la pollution, une exploitation agricole, a déjà été identifiée. "La fédération est en train de faire les comptes et espère bien être dédommagée, insiste le président d'association, car réhabiliter le Thérain, le rempoissonner, faire en sorte que la flore aussi s'en remette, cela va coûter une fortune !"
D'après le professionnel, il faudra au minimum, trois à quatre ans avant de retrouver le niveau d'avant la pollution. Quatre ans, c'est justement le nombre d'années qu'il a fallu à Vincent Lebailly pour reconstruire le Thérain, en rempoissonnant la rivière avec plus de 2000 kg de poissons. "Un investissement entre 13 000 et 15 000 euros chaque année, détaille-t-il, cela n'a servi a rien, quasiment tout est mort, on repart de zéro."
Vers une disparition des pêcheurs ?
Après l'incident du 23 octobre, la Préfecture de l'Oise avait pris un arrêté interdisant la pêche dans le Thérain. Une interdiction levée à ce jour qui ne soulage pas pour autant les pêcheurs. "Il n'y a plus rien a pêcher, acène Joseph, pour ma part je ne sais pas si je vais renouveler ma carte pour la saison prochaine".
Renouveler, ou non, sa carte de pêche ? Un dilemme que partagent plusieurs amateurs de ligne.
En tant que président d'une association reconnue par la fédération de pêche Vincent Lebailly est chargée de la vente des cartes. "Je commence à avoir très peur pour la saison, explique-t-il, mars ce n'est pas dans quatre mois, c'est aujourd'hui. On ne va pas pouvoir rempoissonner suffisamment en si peu de temps et nous allons perdre des adhérents, c'est certain." Il incite alors les amateurs à pratiquer le No Kill, en relâchant les poissons à l'eau "sans les tuer" mais uniquement "pour le plaisir de la pêche".
Tout un secteur impacté
Mais son inquiétude ne concerne pas seulement les titres de pêches. En tant que gérant d'un magasin d'articles de chasse et de pêche à Beauvais, le seul de la ville, Vincent Lebailly craint une perte conséquente de son chiffre d'affaire "d'au minimum 30 000 euros".
Cannes, moulinets et autres hameçons pourraient ne pas trouver preneur en raison du manque de poissons.
Pour pallier, la Mairie de Beauvais pourrait autoriser le rempoissonnement du petit Plan d'Eau. Situé sur le site du Plan d'Eau du Canada, cet espace réservé à la pêche de loisir, mais payant, pourrait devenir accessible aux clubs de la ville et alentours. "Des échanges sont actuellement en cours" conclue le président du club de pêche La Truite de Beauvais.