Après un premier cas recensé par les forces de l'ordre à Amiens, cinq étudiants disent avoir reçu une mystérieuse piqûre à Beauvais lors du week-end des Ovalies, un tournoi de rugby universitaire.
C'est un curieux phénomène qui inquiète de plus en plus. Partout en France, les témoignages d'étudiants qui ont reçu une mystérieuse piqûre à leur insu lors d'une soirée se multiplient.
"Des associations nous ont remonté plusieurs cas, nous avons d'abord voulu vérifier s'il ne s'agissait pas de simples rumeurs, mais il semblerait que ce soit avéré", confie Felix Sosso, président de la Fédération des associations étudiantes picardes (FAEP). Si la plupart des témoignages sont concentrés sur Amiens, les derniers cas signalés remontent au week-end des 6 et 7 mai, à l'occasion des Ovalies, un tournoi de rugby universitaire organisé à Beauvais par les étudiants de l'école d'ingénieurs UniLasalle.
Plusieurs cas à Beauvais, des analyses en cours
"Deux plaintes ont été enregistrées par le commissariat de police de Beauvais suite à des piqûres constatées par un homme (une piqûre derrière le bras), et une femme (une piqûre derrière le genou) ayant participé aux Ovalies, indique Caroline Tharot, procureure de la République de Beauvais. Trois autres personnes, deux femmes et un homme, auraient fait part de leur souhait de déposer plainte dans le Nord où ils sont domiciliés, ce qu'ils n'auraient pas fait à ce jour, l'une des femmes ayant indiqué qu'elle attendait le résultat de son bilan sanguin pour le faire."
D'après la direction de l'école, le nombre de victimes recensées s'élèverait même à sept, malgré l'important dispositif de sécurité qui avait été mis en place pour l'occasion, avec notamment une fouille systématique à l'entrée. "Il faut que savoir que cette manifestation est très encadrée, étaient présentes sur site la police municipale, la police nationale et la BAC. On avait un système de prévention pour tout ce qui est risque de drogues, précise Philippe Choquet, le directeur. Les personnes ont été prises en charge par les secouristes, des tests ont été réalisés en lien avec l'hôpital."
Impossible néanmoins pour le moment de dire quelle substance contenaient les seringues. D'après le parquet, des analyses toxicologiques sont en cours mais les conclusions ne sont pas encore connues.
"Les jeunes ne portent pas forcément plainte"
Difficile aussi d'estimer le nombre de cas réels sur l'ensemble de la Picardie, car tous n'aboutissent pas sur une plainte. "Depuis le début de l'année, on a déjà constaté une augmentation des agressions chimiques GHB dans les verres, ce qui a été corroboré par le service de santé universitaire. Mais les services de police n'ont pas constaté une franche augmentation du nombre de plaintes. On estime qu'il y a une sous-représentation parce que les jeunes ne portent pas forcément plainte, peut-être parce qu'ils pensent que ça ne sert à rien, ou qu'ils ont peur d'être stigmatisés", indique le président de la FAEP.
D'après lui, il est nécessaire d'aborder le sujet en comité de pilotage de la vie nocturne, avec la métropole, les forces de l'ordre, et les représentants des responsables de bars et boîtes de nuit. "C'est une responsabilité qui doit incomber à la fois aux pouvoirs publics et aux responsables d'établissements, poursuit-il. Certains patrons de bar estiment que ce n'est pas de leur faute. Mais nous, étudiants, quand nous organisons des soirées, nous sommes responsables de tout ce qui s'y passe, c'est normal, et c'est ce qui nous oblige à mettre en place des dispositifs de sécurité."
Il admet néanmoins qu'il n'est pas évident de mettre en place des actions face à ce phénomène à la fois nouveau, mal connu et difficile à endiguer. "Il doit déjà y avoir de l'éducation et de l'information, pour que les personnels et les patrons d'établissements soient sensibilisés et redoublent de vigilance. Cela rajoute de la charge de travail, mais il faut bien avoir en tête que ces agressions chimiques peuvent potentiellement mener à des violences sexuelles."
"On ne peut pas fouiller dans les poches des gens"
Cyril Lopez, patron de la boîte de nuit L'Annexe à Amiens, a bien conscience du problème, même s'il n'a pas encore fait face à cette situation. "On n'a pas eu de problème chez nous, mais on suit les informations. Je ne vais pas vous cacher que c'est un sujet qui m'inquiète, c'est dramatique, j'ai deux filles et je comprends l'inquiétude que peuvent avoir les gens et les parents, explique-t-il. Dans mon club, je n'ai pas vraiment une clientèle étudiante, c'est plutôt entre 25 et 40 ans. Mais qui sait, ça peut arriver à tout le monde." Mais il ne voit pas vraiment comment renforcer les dispositifs de sécurité déjà existants. "On essaie au maximum de faire poser les sacs et les vestes dans les vestiaires, on a un détecteur de métaux, mais on ne peut pas fouiller dans les poches des gens. On a aussi la vidéo-surveillance, mais on ne peut pas voir tout ce qui se passe en permanence dans tous les recoins." Il affirme ne pas avoir été contacté pour le moment par les pouvoirs publics ou les associations étudiantes, mais semble tout à fait ouvert à la discussion pour essayer d'éviter ces agressions.
La FAEP prévoit aussi d'intégrer cette nouvelle problématique à ses actions de prévention habituelles auprès des étudiants, tout en précisant que "l'idée n'est pas de stigmatiser les victimes, on leur dit d'être vigilants, mais on sensibilise les établissements, pour que la responsabilité ne repose pas sur les victimes".