Pour la deuxième journée du procès de l'assassinat de Shaïna ce mardi 6 juin, la cour d'assises pour mineurs de l'Oise s'est concentrée sur la grossesse de la jeune fille. L'accusé, son petit ami au moment des faits, en était-il conscient ?
Ce mardi 6 juin, la cour d'assises pour mineurs de l'Oise s'est intéressé à la grossesse de Shaïna. Celle-ci pourrait être le motif de l'assassinat de l'adolescente de Creil (Oise), dont l'ex-petit ami est suspecté d'être l'auteur. La jeune fille avait été poignardée à mort et brûlée le 25 octobre 2019, à l'âge de 15 ans.
"Nous avons pu interroger les experts en toxicologie et dans le rapport qu'ils ont rédigé, on comprend que la 'molécule de grossesse', le bêta HCG, était présent en très faible quantité dans son corps, résume Me Negar Haeri, conseil de la famille de Shaïna. Si on peut prouver qu'une fécondation a eu lieu, les scientifiques ne peuvent certifier si cette grossesse suivait son cours ou si elle était interrompue, par une IVG ou une fausse couche par exemple."
Un test de grossesse positif
"Le contexte qu'on a, c'est qu'elle est allée faire un test de grossesse la veille de son assassinat, poursuit l'avocate des parties civiles, après avoir entendu à la barre la pharmacienne qui a vendu le test à la jeune victime. Ce qui est important, ce n'est pas ce que dit la science, c'est ce que pense Shaïna et ce qu'elle a évoqué avec ses amies. Dans le dossier, on a le sentiment que le jeudi soir, la veille du crime, elle pense qu'elle est enceinte et qu'elle en parle autour d'elle. (…) Si c'est un crime avec pour objectif l'arrêt de la grossesse, tout ça peut prendre sens."
Mais l'accusé, âgé de 17 ans à l'époque, était-il réellement conscient que sa petite amie portait la vie ? Les témoins auprès duquel le jeune homme se serait confié ne seront entendus par la cour que le mercredi 7 juin, en raison d'un retard sur le calendrier prévisionnel des débats.
"On n'est pas encore au cœur du déroulement des faits, glisse Me Élise Arfi, avocate de la défense, à la sorte de l'audience à huis clos à Beauvais. Les textos sont évoqués, on sait juste qu'ils communiquaient par SMS très souvent. (…) On sait qu'ils ont arrêté de communiquer dans l'après-midi. Dans les messages échangés, ils ne se sont pas donnés rendez-vous [pour le guet-apens qui a mené à l'assassinat, ndlr]".
La discrétion des Hansye
D'habitude volubile devant la presse - qui n'a pas accès aux débats en raison du huis clos - les proches de Shaïna deviennent de plus en plus silencieux. Le supplice vécu par l'adolescente devenant de plus en plus concret pour eux au fil des témoignages, la famille Hansye ne communique plus que par le biais de leur avocate. "Mon client clame son innocence et ça leur est difficile de le supporter", en déduit Me Arfi, en défense.
Yasin, le grand-frère, est sorti excédé dans l'après-midi, en cours d'audience, alors qu'un témoin important pour l'accusation venait de déposer à la barre. "Ce témoin, scolarisé avec Yasin, a livré une version saugrenue à l'audience, rapporte Me Adel Farès, qui représente lui aussi l'accusé. Il avait certifié avoir aperçu l'accusé avec des traces de sang, mais a déclaré aujourd'hui devant la cour ne plus s'en souvenir. Cela a pu susciter une vive émotion [chez le frère de la victime, ndlr]."
Des experts sont venus dans l'après-midi présenter les deux lames retrouvées à proximité du corps de Shaïna, dans le cabanon où son corps a été retrouvé brûlé. L'une comporte à la fois l'ADN de la victime et des traces de son sang, l'autre sur laquelle le sang est absent, mais avec l'ADN de Shaïna accompagné d'un ADN masculin non identifié, mais qui n'est pas celui de l'accusé.
Accusé par la France entière
Ce dernier a eu l'occasion de s'expliquer plus longuement sur une partie des faits au cours de cette deuxième matinée de débats. Le jeune homme de 21 ans, dont le casier judiciaire était vierge avant les faits, continue de nier sa participation à l'assassinat de sa petite amie.
Mon client a maintenu sa version des faits et a aussi exprimé la difficulté, pour lui, d'être accusé par 70 millions de Français. (...) Il a pleuré dans le box, parce qu'il est très touché par la situation, il s'est dit accusé par la France entière. Il a aussi parlé des dommages collatéraux sur sa famille, qu'il se sent coupable envers elle. C'est un procès qui restera très douloureux pour l'ensemble des concernés.
Me Élise Arfiavocate de la défense
La cour d'assises s'est appliquée ce mardi 6 juin à déceler le diable dans les détails. "N'importe quel fait quotidien et anodin de mon client prend des proportions incroyables (…) C'est difficile d'apporter dans un box vitré des choses qu'on n'a plus à l'esprit aujourd'hui, défend Me Arfi. Nous avons des débats sur les clés du domicile de sa mère, des détails d'agenda, de vidéos regardées sur internet. On n'a pas entendu les témoins, on ne peut pas anticiper, de parler de dépositions qui n'ont pas encore eu lieu."
Ces témoins clés, des amis et codétenus de l'accusé qui auraient recueilli ses aveux, seront donc entendus le mercredi 7 juin. En attendant, comme le constate son avocate, "un certain nombre d'énigmes subsistent encore dans ce dossier."