Colère des agriculteurs. "On est prêts à rester là autant qu’il le faudra" : on a passé une soirée avec les manifestants sur l'A1

Plusieurs centaines d’agriculteurs venus de toute la Picardie sont installés sur l’autoroute A1, dans le Val-d'Oise. Ils ont établi leur campement aux portes de Roissy. Nous les avons accompagnés une soirée pour comprendre la raison de leur mobilisation.

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Au milieu des tracteurs, des bétaillères et des remorques, quelque 300 agriculteurs sont installés sur l’autoroute A1 bloquée, pour l’occasion, par les forces de l’ordre, qui les encerclent, pour maintenir le convoi à l’arrêt. Ils ont tout prévu pour passer plusieurs nuits. Un groupe de jeunes céréaliers a mis en place un barnum et une table, en guise de salle à manger. Ils sont arrivés la veille à 14h, avec le convoi.

Nous les retrouvons en début de soirée alors qu’ils s’apprêtent à dîner avec leurs compagnes, qui les ont rejoints dans la journée. "Hier, c'était les retrouvailles avec les autres agriculteurs. On s’est couché à trois heures du matin, on s’est réveillés à quatre heures avec le froid."

On aimerait avoir des réponses rapidement. Pour nous, c’est presque une question de vie ou de mort

Mattéo Legrand, céréalier à Verberie, dans l'Oise

Cette nuit, ils dormiront au chaud dans une bétaillère, grâce à un groupe électrogène. "Cela nous permet d’avoir de la lumière, de charger nos portables, d’avoir de la musique et un radiateur pour la nuit. Ici, on dort à deux avec nos duvets. On est installés pour tenir le plus possible", détaille Mattéo Legrand, céréalier dans l’exploitation de son père à Verberie, dans l’Oise.

Tenir le plus possible, c’est leur objectif pour se faire entendre. "On aimerait avoir des réponses rapidement. Pour nous, c’est presque une question de vie ou de mort. C’est notre avenir. Ce n’est pas aux anciennes générations de faire ça, même s'ils le font. C’est une véritable épreuve de rester dormir ici. Mais on est à bout de souffle. On voit nos parents galérer. Si cette mobilisation ne fonctionne pas, l’agriculture, en France, c’est fini", ajoute le jeune agriculteur.

Mon père a déjà fait une tentative de suicide parce qu’il est écrasé par les charges.

Mickaël Rabbé, jeune céréalier de l'Oise

Pour son ami, Mickaël Rabbé, 22 ans, fils de céréalier près de Verberie, la colère a remplacé la lassitude. Il travaille pour son père depuis trois ans, sans salaire, faute de trésorerie. "On n’y arrive plus. On vit sur le salaire de ma mère. Mon père a déjà fait une tentative de suicide parce qu’il est écrasé par les charges. On devrait gagner de l’argent sur ce qu’on produit, sur le travail qu’on fournit et pas grâce aux aides dont on dépend. Les trois quarts du temps, on doit gérer des papiers, c’est du travail de bureau pour gagner ces aides. On n’est plus agriculteurs. On est devenus comptables, secrétaires."

D’après lui et ses amis, la politique agricole commune (PAC) écrase les paysans. "Il faut faire 4 % de jachère sur la totalité de notre exploitation et au minimum cinq cultures pour avoir tous les points et être sûrs d’avoir les aides de la PAC. C’est trop de contraintes", soupire Mickaël.

Depuis la veille, chaque groupe d’amis, de collègues, de voisins, s’est organisé pour apporter un minimum de confort à leur bivouac. Un convoi de plusieurs centaines de mètres de tracteurs, en file indienne sur l’autoroute. Une mobilisation inédite. Au milieu de ces engins agricoles, entourés par les champs qui bordent l’autoroute, ces hommes et femmes déterminés ont installé des braséros improvisés pour se réchauffer.

À 21h, le thermomètre est descendu à 8°C. Mais c’est l’heure du repas et tous se pressent autour du barbecue. C’est grâce à la solidarité que tous ces manifestants pourront se nourrir pendant plusieurs jours. Et l’organisation est déjà bien rodée. "Nous avons un partenariat avec Intermarché qui nous livre de la viande, les producteurs du coin nous ravitaillent aussi. Pour la bière, on a un brasseur, juste à côté qui nous fournit, et un producteur de chèvre, qui est à 20 km de là. Ça fait deux jours qu’on mange de la saucisse à tous les repas. Pour demain, on prévoit de la choucroute et de la tartiflette. Mais nous avons besoin de gros volumes parce que des agriculteurs d’autres départements nous ont rejoints", explique Nicolas Hervin, président du syndicat des Jeunes agriculteurs du Val-d'Oise.

On n’est pas les larbins de la société. On travaille tous les jours, 365 jours par an, le jour, la nuit, avec la météo

Hélène Regnier, éleveuse et cultivatrice dans la Somme

Et justement, vers 23 heures, d’autres tracteurs de la Somme, viennent gonfler les troupes. Ils sont partis peu avant 16 heures d’Amiens et sont passés par les départementales de Montdidier jusqu’à Pont Sainte-Maxence, puis l’A1. "On est enfin arrivés au QG de l’A1", lance une éleveuse à la descente de son tracteur. Elle nous confie qu’elle ne touche que 1100 euros mensuels avec son mari. Le ton est donné, elle n’est pas là pour perdre du temps, mais pour en gagner. "Ça fait 21 ans que je suis installée et 21 ans que je galère. Il faut arrêter de se foutre de nous. Notre main d’œuvre doit être rémunérée comme tout le monde. On n’est pas les larbins de la société. On travaille tous les jours, 365 jours par an, le jour, la nuit, avec la météo. Les dates et les règles, on n’en veut plus ! Là, on sature ! C’est un métier passion, mais on en crève. Il y a une révolte dans les campagnes et le gouvernement ne voit rien, à Paris, derrière leurs écrans, leurs beaux bureaux et leurs souliers dorés", exulte Hélène Regnier.

C’est au son de la sono et des cors de chasse que certains vont se coucher dans leurs remorques et leurs bétaillères. D’autres prévoient déjà la journée du lendemain. Paris ou pas ? Pour Antoine Cauffet, jeune maraîcher et horticulteur de l’Oise et ses amis, pas question de rentrer tant que les mesures attendues ne sont pas annoncées. "On est prêts à rester là autant qu’il le faudra. Quatre jours ou trois semaines. Nos familles peuvent nous ravitailler, on peut se relayer pour prendre des douches et rentrer à la ferme."

Avec Léna Malval / FTV

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