"La Messe de Bolsène" et "Héliodore chassé du temple" ont retrouvé leur place dans l'antichapelle du château de Compiègne, suite à une restauration dans les ateliers du mobilier national. Les deux tapisseries avaient quitté le musée en 2011.
"C'était un moment très gratifiant de les voir revenir dans un état bien meilleur", se remémore Marc Desti, conservateur des grands appartements du château de Compiègne, un mois après le raccrochage de "La Messe de Bolsène" et d'"Héliodore chassé du temple".
Un lifting complet par le Mobilier national
Après treize longues années d'attente, les visiteurs peuvent, eux aussi, profiter des deux tapisseries revivifiées : "Elles souffraient de l'empoussièrement et de l'exposition à la lumière. Elles ont été aspirées, nettoyées et restaurées dans les ateliers du Mobilier national. Elles ont vraiment récupéré une chromie intéressante", assure Marc Desti.
Le lifting a été complet. Les lacunes et les usures ont été comblées avec de nouveaux fils de trame de soie, les pourtours effilochés et les traces de l'ancien clouage consolidés. "Ce sont des biens royaux à l'origine, d'où l'utilisation de fils dorés et argentés en métal devenus invisibles avec les années. On les revoit maintenant", se félicite le conservateur.
Ces travaux ont également permis de protéger l'ensemble par l'installation d'un nouveau doublage en toile de lin et d'améliorer la répartition des tensions grâce à une sangle auto-aggripante.
Des tapisseries inspirées du peintre Raphaël
Le retour des tapisseries à Compiègne redonne son élégance originelle à l'antichapelle, leur écrin historique. Elles ornent les murs autour de la porte donnant accès à la tribune impériale de la chapelle. En leur absence, ce grand salon était employé à l'accueil d'expositions temporaires.
Inspirées de tableaux du peintre italien Raphaël et tissées en haute lice par la manufacture des Gobelins sous le règne de Louis XIV, ces œuvres représentent des épisodes religieux.
"La Messe de Bolsène" rappelle le miracle eucharistique de Bolsena en Italie : en 1263, lors d'un office, l'hostie consacrée se serait transformée en chair et en sang, laissant des traces sur le corporal. Cette pièce de tissu sur lequel reposent l'hostie et le calice, toujours conservée dans un reliquaire de la cathédrale d'Orvieto, est maculée de nombreuses taches rougeâtres évoquant le profil d'un visage. Des fidèles y voient celui de Jésus-Christ.
La seconde tapisserie, "Héliodore chassé du temple", nous renvoie beaucoup plus loin encore dans le passé, en 176 avant J.C. Héliodore (représenté à cheval) est alors le vizir du roi séleucide Séleucos IV, qui règne sur la Syrie, la Cilicie, la Judée, la Mésopotamie, la Babylonie et une partie de l'Iran actuel. Envoyé à Jérusalem, afin d’inspecter et de confisquer le trésor du Temple, il est mis en échec par le grand-prêtre Onias III (en prière au centre de la tapisserie). Outre Raphaël, les peintres Eugène Delacroix et Gérard de Lairesse ont également mis en couleurs ce récit du deuxième Livre des Maccabées.
Une histoire romanesque
Réalisées au XVIIe siècle, les deux tapisseries n'arrivent dans l'Oise que sous le Premier empire. En 1915, face à l'avancée allemande, elles sont évacuées dans les réserves du Mobilier national à Paris.
Malheureusement pour les Compiégnois, l'armistice signé ne valide pas leur rapatriement. Pire, elles sont envoyées à Avignon ! Il faudra attendre 1949 pour les retrouver en Picardie, leur terre d'accueil définitive.