Le mouvement des Colleuses féministes continue de se propager, sur les murs et en ligne. À Compiègne, elles communiquent via les réseaux sociaux pendant le confinement. Le collectif se réunit en distanciel pour préparer l'après, avec un objectif : élargir le message, jusque dans les zones rurales.
"C'est la première fois que je fais du militantisme, confie Céline, 35 ans, actuellement sans emploi. Ma famille n'est pas au courant. Autour de moi, le féminisme, c'est un sujet assez tabou et je passe vite pour une hystérique. Mais il y a pas mal de choses à dire dans ce coin en particulier. On doit reprendre l'espace en tant que femme."
Comme elle, de plus en plus de femmes s'engagent pour la première fois en rejoignant le collectif de collages. Lycéennes, étudiantes, parfois mères ou dans la vie active, elles veulent dénoncer les injustices que subissent les femmes. Et avec cette diversité grandissante de profils, naît aussi une volonté de diversifier les publics visés.
"On cherche des moyens pour aller coller dans les villages autour de Compiègne, parce que ces zones, on les engage toujours moins," explique Alexane, étudiante de 26 ans. "Dans un milieu plus conservateur, l'expression est difficilement accueillie. Ecrire sur les murs, dire j'existe, et j'existe de cette manière-là, c'est d'autant plus symbolique," raconte la jeune femme.
Dénoncer malgré le confinement
Le confinement empêche les colleuses de sortir pour afficher leurs slogans dans la ville et aux alentours. C'est pourquoi elles ont décidé d'adapter leurs méthodes, en créant des "collages confinés", qu'elles partagent sur les réseaux sociaux, comme celui-ci :Les réseaux sociaux sont aussi importants pour communiquer et recruter. Mais selon Alexane, ce n'est pas suffisant : "en ligne, on touche souvent des personnes déjà mobilisées, alors que dans la rue, on touche des personnes qui ne sont pas sur les réseaux, un public plus large, qui n'est pas forcément déjà sensible au féminisme."
La durée de vie limitée des collages ne décourage pas les colleuses
Les violences conjugales ne s'arrêtent pas avec le confinement. Alors les militantes espèrent que leurs collages seront vus lors des rares sorties essentielles. "Le 3919, numéro d'aide aux femmes victimes de violences, n'est pas forcément connu. Donc on l'a collé là où passent plein de femmes avec leurs enfants. Peut-être que ça va en aider juste une ou deux, c'est déjà ça," raconte Cécile, colleuse de 22 ans.Encore faut-il que les collages n'aient pas étés décollés entre-temps. "Un collage tient souvent un ou deux jours. Ça va parfois jusqu'à une semaine ou plus selon l'endroit," explique Camille, 24 ans. "On sait les endroits où un collage peut durer plus longtemps ou être plus visible à partir de la route. Mais c'est souvent moins sur pour nous par rapport à la police," ajoute-t-elle.
L'affichage sauvage est illégal mais ça ne décourage pas les colleuses. "C'est illégal de taper sur sa femme aussi mais ça n'empêche pas les gens de le faire, affirme Camille. Au delà des slogans, ce collectif, c'est un groupe de bienveillance où on peut raconter nos vécus en tant qu'individu. On brave les interdits mais c'est une libération de la parole."
Le recrutement et les réunions en ligne se poursuivent. "On a beaucoup d'envies et de nouveaux projets," confie Céline. Le déconfinement marquera le retour des colleuses, à Compiègne et aux alentours aussi désormais.