"J’ai toujours ressenti que mon père n’était pas mon père biologique", comment surmonter un secret de famille

Originaire de Compiègne, Emilie Ramet a grandi dans une famille où l’on ne se parle pas beaucoup, où il y a beaucoup de non-dits. Une famille comme il en existe beaucoup et qui cache un secret de famille. Elle raconte l’histoire de son histoire dans un podcast "Le hasard n’existe pas".

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Émilie est née dans une famille picarde où les démonstrations affectives sont rares. La petite fille qu’elle était, grandit tout à fait normalement, une petite sœur viendra la rejoindre un peu plus tard. À sept ans, elle s’amuse à enregistrer sur des cassettes audio, des publicités, fait des interviews de ses cousines, raconte des histoires… Ses jeux d’enfance sont aujourd’hui devenus une réalité puisque Emilie est comédienne, intermittente du spectacle, et que sa voix douce et souriante, résonne dans de nombreux messages publicitaires. "À la base, j’ai fait des études pour travailler comme directrice artistique en agence de pub. Dans le même temps, comme il y a beaucoup d’activités extrascolaires que je n’ai pas pu faire enfant, je me suis rattrapée ! J’ai pris des cours du soir de théâtre, et très vite cela a pris de plus en plus de place, j’ai intégré une troupe de théâtre semi-professionnelle, nous avons même joué à Avignon".

Une discussion anodine va lui ouvrir les yeux

La vie suit donc son cours, Emilie travaille en agence (où elle est en CDI) mais à côté commence à faire de plus en plus d’enregistrements audio car une fois, elle a fait une maquette publicitaire pour dépanner, et que sa voix a remporté beaucoup de succès. Un jour, au bureau, des collègues parlent de groupes sanguins. Elles évoquent le groupe de leurs enfants et celui de leur époux, le leur et mettent la puce à l’oreille d’Emilie. "Allez savoir pourquoi, mais j’avais appris par cœur les groupes sanguins de ma famille, quand j’entends cette conversation je dis à mes collègues, c’est une drôle de coïncidence ces groupes sanguins identiques, ce à quoi elles répondent, non c’est de la génétique le groupe sanguin est hérité de chacun des deux parents".

>>> Voir ou revoir, en cliquant ici, l’émission Hauts-Féminin consacrée à Emilie Ramet

Elle effectue quelques recherches sur internet et comprend qu’avec un père du groupe O et une mère du groupe A, elle ne devrait pas être du groupe AB.

Émilie a alors 28 ans (nous sommes en 2013) et comprend que depuis des années, une petite voix lui fait ressentir qu’on lui cache quelque chose "J’en ai tout de suite parlé à ma mère, elle m’a révélé la vérité, mon père n’est pas mon père biologique. Elle m’a raconté mon histoire et m’a demandé de garder le secret." Elle comprend alors beaucoup de choses…

Émilie digère cette nouvelle, et en parlera malgré tout avec son père plus tard. Il lui avouera qu’il l’a toujours su. À l’époque il ne voulait pas d’enfant, et faisait le nécessaire pour que son épouse ne tombe pas enceinte. Lorsqu’elle lui a annoncé qu’ils allaient avoir un enfant, il n’a rien dit, mais avait deviné que cet enfant n’était pas de lui.

Encore une fois, le silence et les non-dits s’installent dans la famille.

Émilie vit donc avec ce secret et n’entame pas de démarches pour retrouver son père biologique. Installée à Paris, en 2017 elle lâche son CDI pour entamer sa carrière de comédienne, poursuit ses cours de théâtre et fait une école de cinéma.

"Je crois que j’ai une fille, en fait, je ne sais pas, j’étais jeune"

René, le père biologique d'Emilie

Eva et Isabelle la retrouvent sur Facebook

Ce qui est incroyable dans l’histoire d’Emilie, c’est que ce sont Isabelle (la seconde épouse de René son père biologique) et Eva (sa demi-sœur) qui vont la retrouver. Car dans cette famille-là, on se parle. Un jour, René a confié à Isabelle "Je crois que j’ai une fille, en fait, je ne sais pas, j’étais jeune".

Pour Isabelle, on ne laisse pas un enfant "dans la nature", et comme René se souvient du nom de famille (mais pas de son orthographe) de la mère d’Emilie, Isabelle entame des recherches sur les réseaux sociaux. C’est Facebook qui va lui apporter les réponses. Elle tombe sur le profil d’Emilie et quand elle découvre sa photo, est troublée par la ressemblance frappante avec Eva, l’une de ses filles (René et Isabelle ont 5 enfants). Toutes deux ont les cheveux bouclés, les yeux clairs, mais surtout des traits quasi identiques.

Émilie reçoit un message d’Eva avec une demande étrange : Pouvez-vous confirmer le prénom de votre mère ? Puis votre date de naissance ? Enfin une autre question, votre papa est-il votre père biologique ? 

J’étais intimidée à l’idée de rencontrer cette nouvelle famille, curieuse de découvrir mes frères et sœurs

Emilie, raconte comment elle retrouve son père et une autre famille

Émilie a alors 33 ans, voilà cinq ans qu’elle sait, et qu’elle garde ce secret au fond d’elle. "Il me manquait quelque chose, et là, on vient m’apporter une nouvelle brique dans ma construction".

Elles échangent des photos, décident de s’appeler. Toute la famille habite juste en face de l’école d’acteur-actrice d’Emilie ! Sans le savoir, elle est souvent proche d’eux. Son père tient une serrurerie dans laquelle elle aurait pu entrer…

Lors de cette conversation, elles conviennent d’une rencontre. Elle aura lieu… Un jour plus tard. Sans doute en raison du temps perdu qu’il faut rattraper. "J’étais intimidée à l’idée de rencontrer cette nouvelle famille, curieuse de découvrir mes frères et sœurs".

Nouvelle famille, nouvelles racines

La nouvelle famille d’Emilie l’accueille "à bras plus qu’ouverts (rires) ils sont extrêmement chaleureux ! Ils sont séfarades (de religion juive) et au bout de trente minutes d’échanges, ont appelé toute la famille aux quatre coins du monde pour leur dire on a retrouvé la fille de René".

C’est ainsi qu’Emilie découvre ses nouvelles racines. Ils sont tous partis deux fois en vacances en Israël. Émilie y est retournée plusieurs fois seule "Je m’y sens bien, c’est une terre qui résonne en moi." Elle a même commencé à apprendre l’Hébreux durant le premier confinement (2020) et continue aujourd’hui (même si elle pratique déjà bien cette langue).

Aujourd’hui complètement épanouie, il n’y a plus d’ombre derrière elle : "J’ai l’impression que j’ai tout découvert. Je suis l’aînée d’une fratrie de 7 frères et sœurs, 5 chez mon père, et ma petite sœur du côté de ma mère". Bien sûr elle a tout expliqué à sa maman qui, pudique et certainement dans l’ombre de ses propres blessures, n’a pas l’air de comprendre l’importance pour sa fille d’avoir retrouvé son père biologique. "Elle minimise ces retrouvailles, je n’ai pas l’impression qu’elle comprenne l’importance de connaître ses racines. Nos rapports restent normaux, nous ne sommes pas du tout en conflit".

Pourquoi un podcast "Le hasard n’existe pas" sur son histoire ?

"Avant de raconter mon histoire, il a fallu que je l’écrive, c’est thérapeutique. J’ai encore des choses à raconter, car j’ai enfoui tout cela pendant de nombreuses années. Travaillant beaucoup avec la voix, je me suis dit je vais l’enregistrer !".

Lien vers le Podcast d'Emilie Ramet

Suite à la diffusion des trente premiers épisodes, elle reçoit beaucoup de témoignages de personnes chez qui sa voix résonne car beaucoup de familles ont un secret. Et puis le fait que son père ne soit pas son père, est une histoire qui remonte à la nuit des temps… Émilie est en quête d’un éditeur qui pourrait publier son livre "Et pourquoi pas en faire une fiction ? J’adorerai jouer mon propre rôle".

Émilie Ramet aimerait aussi travailler plus souvent au niveau international, comme en Italie où elle exerce déjà ses talents de comédienne. Se lancer à nouveau dans une aventure théâtrale.

Au bout de deux heures de conversation téléphonique palpitante et très souriante, Emilie termine en me donnant ce qui a été le moteur de ce podcast : "Si un jour j’ai des enfants, je me refusais de transmettre ce secret de famille". Voilà qui est chose faite.

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