Le "tueur de DRH", Gabriel Fortin jugé en appel : "il avait encore un lien avec le réel à Compiègne"

Le procès en appel de Gabriel Fortin débute ce lundi 13 mai 2024. "Le tueur de DRH" est devant le tribunal de Grenoble pour trois assassinats et une tentative d’assassinat. Avant son périple meurtrier en janvier 2021, l’ingénieur est passé par Compiègne. Ces quelques mois dans l'Oise semblent être une période "heureuse" de sa vie où cet homme discret et réservé renoue des liens avec l’un de ses amis.

En première instance de son procès, Gabriel Fortin est interrogé sur son passage à Compiègne. Il y réside quelques mois. Il a trouvé un travail en tant que responsable de bureau d’étude chez ACC La Jonchère. L’entreprise est spécialisée dans la fabrication de machine pour l’isolation et de matériel pour l’aéronautique. Il occupera ce poste quelques mois avant de démissionner sans raison claire. Lorsque l’avocat général l’interroge sur ce départ, l’accusé répond : "Si je n’avais pas été à la hauteur, j’aurais été licencié avant deux années. C’est moi qui ai démissionné ! J’ai eu des déconvenues."

Un litige aux prud'hommes avec une entreprise de l'Oise

Lorsqu’il quitte son poste, Gabriel Fortin exige d’être payé pendant son préavis. Néanmoins, l’ingénieur ne se présente plus sur son lieu de travail. Le litige mène les deux parties aux prud’hommes. Le tribunal lui donne raison. Ce sera la seule fois de sa vie où la justice ira dans son sens.

La carrière professionnelle de Gabriel Fortin est faite de brèves expériences. Peu après la sortie de son école d’ingénieur à Metz, il est embauché au début des années 2000 à Stuttgart. Son expérience en Allemagne dure deux ans. Encore une fois, les raisons de son départ sont floues. La mère de Gabriel Fortin assure aux policiers que son fils avait été licencié. Après cela, il décroche un CDD dans le Loiret, mais ses employeurs ne renouvellent pas son contrat.

Son premier CDI, il le décroche chez Francel en octobre 2005. L’entreprise est en Eure-et-Loir à proximité de Chartres. Gabriel Fortin y travaille sur un projet stratégique majeur appelé B6NG, un régulateur de gaz naturel.

Gabriel Fortin a des problèmes de comportement et d'insubordination.

Un responsable chez Francel

Très vite, ses supérieurs remarquent que son intégration dans la société n’est pas évidente. L’homme s’isole et reste dans son coin. De plus, son travail sur le B6NG ne convainc pas. Les dessins et croquis produits par le jeune ingénieur sont "catastrophiques, pas fabricables", explique son ancien responsable dans le podcast L’Affaire. Face à ses mauvais résultats et ses "problèmes de comportements et d’insubordination", l’entreprise décide de se séparer de Gabriel Fortin 2006.

Le directeur des ressources humaines de l’entreprise Bertand Meichel et sa stagiaire Estelle Luce sont chargés de son licenciement. Ils lui écrivent une lettre et le reçoivent lors d’un entretien le 4 juillet pour lui expliquer qu’il doit quitter l’entreprise. Gabriel Fortin conteste son renvoi et attaque l’entreprise aux prud’hommes. Il n’obtiendra pas gain de cause.

De cet épisode, Gabriel Fortin développera une haine nourrie pour Estelle Luce et Bertand Meichel. Il assassine la première 15 ans plus tard avec une arme à feu à Wolfgantzen dans le Haut-Rhin. Il tente, quelques minutes après ce premier meurtre, de tuer le second à son domicile de Wattwiller. Le DRH s’en sort miraculeusement.

Une période heureuse à Compiègne

C’est après son expérience chez Francel que l’ingénieur se retrouve dans l’Oise. Marion Dubreuil est journaliste et auteure de la série Tueur de DRH. Elle décrit son passage à Compiègne comme "une période heureuse pour Gabriel Fortin. Il avait encore un lien avec le réel ". Il y reprend contact avec Jacques, un camarade de promotion de son école d’ingénieur. Les deux hommes échangent plusieurs mails.

Le 22 mai 2008, Gabriel Fortin écrit : "Salut Jacques. Dis-moi en juin, tu vas faire beaucoup d’allers-retours entre Paris et la Pologne ? Tu y vas comment ? En train, en bus ? Moi, j’ai pris 3 jours de congés accolés au 1er mai et au week-end, ça m’a fait une semaine. Je suis allé dans le Jura pour faire un stage de parapente, c’était super. J’ai fait des petits vols. J’ai aussi visité la région. À l’occasion, si ça te dit, vient passer une journée à Compiègne avec ta femme. Elle est la bienvenue. À Bientôt Gabriel."

Une passion pour le tir sportif

L’invitation est acceptée par Jacques. Il raconte à Marion Dubreuil : "Ça s’était bien passé. On était allé manger au restaurant. Il m’avait fait visiter Compiègne. On était passé en bordure de forêt. Il me parle de son licenciement. Il me décrit la pièce mécanique avec laquelle il avait eu un défaut de conception. Voilà, je sais que ça l’avait embêté, mais il avait retrouvé un emploi derrière. Il me parlait plus de l’expérience précédente que de l’expérience en cours. Sur l’expérience en cours, il y avait peut-être quelques difficultés, mais peut-être des difficultés d’ordre économique de l’entreprise elle-même. Je ne suis pas sûr ". Pendant cette journée, Gabriel Fortin se confie donc sur ses difficultés professionnelles. Après cela, les deux hommes continuent d’échanger par mail, mais à de plus rares occasions. Ils se perdent de vue.

Les éléments sur la vie de l’ingénieur dans l’Oise sont rares. L’enquête relève très peu de liens de sociabilité. Néanmoins, les policiers lui découvrent une passion pour le tir sportif. Sa première inscription connue dans un club remonte à 2012 à Nancy. Cependant, lorsque le nom de Gabriel Fortin est évoqué à l’association de tir, proche de Compiègne, on nous répond : "Ça me dit quelque chose". Pourtant, le nom du "tueur de DRH" n’apparaît pas dans les archives. Gabriel Fortin est-il venu s’informer sur la pratique ? A-t-il assisté à des entraînements ? Personne n’est capable de répondre.

Après ce passage de quelques mois dans l’Oise, il retrouve du travail en tant qu’ingénieur mécanicien chez Faun-Environnement. Cette société basée en Ardèche est spécialisée dans la recyclerie. Elle fabrique par exemple des bennes à ordures. Son contrat débute le 21 juillet 2008. Au bout de quelques mois, l’activité ralentie dans l’entreprise. La crise des subprimes et la hausse du chômage dans l’hexagone obligent Faun à réduire ses effectifs.

"La peur doit changer de camp"

Gabriel Fortin reçoit sa lettre de licenciement le 24 décembre 2009. Il était reçu en entretien une semaine avant par son supérieur hiérarchique et la DRH, Géraldine Caclin. Ils lui reprochent de "ne pas délivrer le niveau de justesse et de qualité attendue " et "de ne pas accepter la critique".  À la suite de ce nouveau déboire professionnel, Gabriel Fortin écrit sur son ordinateur dans une note : "La peur doit changer de camp", rapporte Marion Dubreuil.

Le 28 janvier 2021, soit 12 ans après, l’ingénieur au chômage se rend dans les locaux de Faun-Environnement. Il y tue Géraldine Caclin de deux balles, dont une tirée à bout portant. Le même jour, il assassinera aussi Patrcia Pasquion, responsable d’équipe au Pôle emploi de Valence, agence dont il a été radié en 2013.

Pour ces trois assassinats et une tentative d’assassinat, Gabriel Fortin est jugé en première instance devant la cour d’assises de la Drôme le 13 juin 2023. Le " tueur de DRH" y parle peu. Au bout de douze jours de procès, il est condamné à la réclusion criminelle à perpétuité assortie d’une période de sûreté de 22 ans. Il fait appel 24 heures plus tard. L’appel de procès débutera ce lundi 13 mai 2024 à Grenoble.

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