L'équipe de France paralympique est venue préparer les Jeux de Paris lors d'un stage à Compiègne. Ils sont six à avoir été sélectionnés. Parmi eux, Guillaume Toucoullet, tireur basque, n°2 mondial. Ce colosse est un redoutable archer, après avoir découvert la discipline sur le tard.
Quand, il tire, il ne se passe "rien" dans la tête de Guillaume Toucoullet, n°2 mondial de para-tir à l'arc. Dans "sa bulle de performance", seul le death metal, présent dans ses oreilles, rentre dans celle-ci. Autrement, "je ne pense qu’à la technique de tir. Quand elle est en place, c'est que de l'envie, de la détermination. Il faut que les intentions soient claires, qu'on sache exactement ce que l'on veut. Si on est parasité par des soucis à côté, ça ne fera jamais quelque chose de bon."
Guillaume Toucoullet est un champion hors norme. Naturellement doué pour le sport. Licencié aux archers de Compiègne, l'habitant du Pays Basque, avait tendance à pratiquer du "sport à forte dépense énergétique". Course à pied, vélo, pelote basque et surtout aviron dans une précédente carrière.
Quand, je tombais sur le tir à l'arc à la télé, je me disais qu'est-ce que c'est ça.
Guillaume ToucoulletTireur sélectionné pour les Jeux Paralympiques
Aujourd'hui, il propulse les flèches avec sa bouche. Une discipline qui le faisait sourire autrefois. "Quand, je tombais sur le tir à l'arc à la télé, je me disais qu'est-ce que c'est ça", dit-il en rigolant. "J'étais un peu bête. Et puis, je suis très content de m'être aperçu du contraire." Désormais, il le défend ardemment et le considère comme "un vrai sport, un sport noble".
Noble “parce que les intentions sont belles. C'est un sport qui est tout simple. Il faut mettre une flèche en plein milieu d'une cible. Mais à côté de ça, il faut faire attention aux conditions météo. Il faut être attentif à tout. Il faut avoir une précision de dingue. Il faut vraiment avoir une rigueur très forte."
Guillaume a perdu l'usage de son bras gauche dans un accident de moto. Opérations et rééducation ne lui ont pas rendu sa mobilité. Sa vie a changé. Mais le sport est toujours resté au centre. Champion de para-aviron, puis de tir à l'arc.
Il est venu à ce dernier après une première expérience en para-aviron qui s'est mal terminée. "J'étais en équipe de France d'aviron. Et en 2015, on sélectionne le bateau pour participer aux Jeux Paralympiques de Rio et je ne suis pas retenu. En 2016, pareil, je ne suis pas sélectionné. Ça, je peux comprendre, il n’y a pas de souci." Voulant savoir pourquoi, il a reçu des "réponses floues"."Ça ne me convenait pas du tout. J'ai préféré arrêter l'aviron, arrêter le haut niveau tout court."
C'est vraiment le défi de tirer la bouche qui m'a fait accrocher à ce sport.
Guillaume ToucoulletTireur sélectionné pour les Jeux Paralympiques
Par la suite, "je cherchais un sport juste pour moi". Quand on lui a parlé du tir avec la bouche, "j'ai trouvé ça complètement fou. Je me suis dit ce n’est pas possible". La personne lui a dit “si, j'ai vu un Américain qui tirait à la bouche.” Guillaume a alors relevé le challenge. "C'est vraiment le défi de tirer avec ma bouche qui m'a fait accrocher à ce sport."
Vincent Hybois, son entraîneur en équipe de France, décrit son athlète comme ayant "un talent peu commun. Il a aussi un physique peu commun et une histoire peu commune. Et c’est tout ça qui fait que c’est quelqu’un d’extraordinaire avec qui c’est très enrichissant de travailler au quotidien."
Quand on lui demande de définir le talent de l'athlète, le coach note deux choses : "une culture de l’exigence très, très forte, une volonté de chercher à trouver des solutions pour toujours aller plus loin" et "un physique hors du commun qu’il a façonné grâce à toutes les activités sportives qu’il a pratiqué depuis tout jeune."
Je pense que j'ai encore des progrès à faire sur la gestion des émotions.
Guillaume ToucoulletTireur sélectionné pour les Jeux Paralympiques
Vincent Hybois a su le convaincre de rejoindre l'équipe de France, après un apprentissage au club de Biarritz et plusieurs titres de champion de France. Guillaume Toucoullet confie que c'est avec lui qu'il a construit cette façon de tirer. "Je tirais vaiment très tordu. On a tout repositionné, tout reposé, et au fur et à mesure on a peaufiné un petit peu cette technique."
Un infime tressaillement du visage modifie la trajectoire de la flèche et paut tout changer, 70 mètres plus loin, au cœur de la cible. Guillaume est un volcan à la fusion maîtrisée. "Je pense que j'ai encore des progrès à faire sur la gestion des émotions. Je suis quelqu'un d'hypersensible, donc ça n’aide pas. Mais je suis aussi quelqu'un aussi d'hyper méticuleux, d'hyper précis, des caractéristiques qui sont importantes pour le tir à l'arc."
Il vise une médaille, mais avant tout la manière
Cette sensibilité est symbolisée par une flèche donnée par son fils, Paxti. Depuis deux ans, elle ne quitte plus son carquois. Elle accompagnera Guillaume aux Jeux Paralympiques de Paris dans environ trois mois. Vice-champion du monde, Guillaume fait partie des favoris. À Tokyo, il avait été éliminé en seizième de finale.
Son leitmotiv est de "mettre l’énergie au bon endroit. Mon objectif ce n’est pas de chercher l’or, ni de monter sur un podium, mais de faire mon mieux tout le temps, sur chaque flèche. Je préfère perdre un match en ayant hyper bien tité, conclut-il, que gagner en ayant mal tiré."
Avec Dominique Patinec / FTV