Yasin Hansye, le grand frère de Shaïna, adolescente violée et brûlée vive à 15 ans à Creil en 2019 fait part de sa profonde colère au président de la République, et l’appelle à défendre "les filles de nos quartiers" dans une lettre ouverte publiée sur Twitter.
Le 21 juin dernier, le procureur de la République de Senlis confirmait la décision du ministère public de ne pas faire appel du verdict rendu par la cour d’assises des mineurs de l’Oise, concernant l’affaire Shaïna. Son ex-petit ami, condamné à 18 ans de réclusion criminelle pour assassinat, n’a pas fait appel non plus. Il encourait jusqu'à 20 ans, protégé par l'excuse de minorité, car âgé de 17 ans au moment des faits. Au terme de cinq jours de débats, la cour n'a finalement pas suivi les réquisitions du parquet qui avait demandé de lever cette excuse.
"Une colère profonde qui ne me quittera jamais"
Une décision insupportable pour la famille de Shaïna, qui estime que la peine prononcée n’est pas à la hauteur des faits commis. La famille de la victime ne pouvant pas faire appel du verdict, la décision revenait seulement au jeune homme condamné et au parquet. La condamnation de l’ex-petit ami de Shaïna est donc définitive. "Il ressortira de prison avant ses 35 ans au pire, mais sans doute bien avant. Les années de vie de Shaïna ne couvriront pas sa peine de prison, et il aura devant lui l'autoroute d’une existence. Aujourd'hui, ma colère est intacte, mais plus ma confiance. Chaque jour, je me dis que j'aurais dû la venger, parce que la machine judiciaire était grippée, ce jour-là," écrit le grand frère de l’adolescente, dans une lettre ouverte adressée au président de la République, publiée sur Twitter.
"Monsieur le président de la République, si je décide de vous écrire, c'est parce que je suis en colère. Une colère qui n'est pas sourde, une colère qui n’est pas une rage incontrôlée. Une colère profonde, qui ne me quittera jamais. En colère, parce que ma sœur est morte. Parce qu’elle a souffert et que ses bourreaux n’ont jamais exprimé le moindre regret. Il y a près de six ans, je l'ai écoutée me raconter le pire : la manière dont un adolescent l’a attirée de force dans un cabanon pour lui faire subir un viol collectif. Et puis j'ai observé la manière dont ma mère et mon père ont agi en parents responsables, et l'ont emmenée au commissariat. Parce que, monsieur le président, à ce moment-là, nous croyions en la République."
"La dépression a envahi mon âme"
Dans une série de tweets, Yasin Hansye se livre sur l’horreur qui a touché sa sœur, les beaux souvenirs qu’il garde d’elle, qu'il appelle son "soleil". Il raconte aussi le regard des autres, la dépression. "Que dois-je dire à Shaïna le vendredi après-midi au cimetière ? Que tout était de belles paroles ? Je le vis très difficilement depuis la mort de Shaïna, j'ai fait une pelade, je ne dormais plus avec une image horrible de Shaïna, son corps calciné. La dépression a envahi mon âme. Des centaines de nuits blanches à regarder le ciel et à parler aux étoiles en pensant [que] celles qui scintillaient étaient les yeux de Shaïna", écrit Yasin sur son compte Twitter.
"Il n'est pas trop tard pour les sœurs des autres, les filles des autres"
Le jeune homme appelle Emmanuel Macron à protéger les jeunes femmes des quartiers.
Parce qu'il est trop tard pour Shaïna, parce qu'il est trop tard pour Sohane, brûlée il y a vingt ans à Vitry. (…) Mais il n'est pas trop tard pour les sœurs des autres, pour les filles des autres.
Yasin Hansye, grand frère de Shaïna
Pour toutes ces adolescentes et ces jeunes femmes de nos quartiers qui n’osent plus aimer, n'osent plus parler, effrayées à l’idée de finir comme ma sœur, parce que leurs agresseurs n'auront plus peur. Ce que nous attendons de vous, monsieur le président, et du Gouvernement, c'est que vous rompiez le silence coupable de nos politiques face à la situation des filles de nos quartiers. Ces soleils que la violence des hommes éclipse".
Yasin Hansye dit entrer en lutte pour toutes les jeunes femmes, pour ne pas laisser la rage l'envahir, et pour que les choses changent.