Braqueur multirécidiviste, Redoine Faïd est jugé du 5 septembre au 20 octobre à Paris pour sa surprenante évasion en hélicoptère de la prison de Réau (Seine-et-Marne) en 2018. Le natif de Creil (Oise) avait été interpellé à peine cent jours plus tard dans une planque de la ville picarde.
Le braqueur, âgé de 50 ans, va être jugé à partir du 5 septembre pour sa spectaculaire évasion par hélicoptère de la prison de Réau, en Seine-et-Marne, en 2018. En attendant son procès, il a été placé au mois de juillet à l'isolement dans la prison de Condé-sur-Sarthe en tant que détenu particulièrement surveillé.
Années 1990 : une jeunesse à Creil
Redoine Faïd naît à Creil le 10 mai 1972 dans la cité Guynemer, à l'orée sud-est de la ville. Avant-dernier d'une famille nombreuse originaire d'Algérie, il a huit frères et trois sœurs. Il commet son premier braquage à l'âge de 18 ans, alors qu'il est en terminale au lycée Jean-Rostand à Chantilly.
Dans les années 1990, il cambriole puis, inspiré notamment par les films Heat ou Point Break, se spécialise dans le braquage de fourgons blindés, comme celui de Villepinte (Seine-Saint-Denis) en 1997 où sa bande, affublée de masques de hockey, dérobe plus de 410 000 €.
Il est retrouvé en 1998 et est condamné à 18 ans de prison pour violence aggravée et séquestration. Il bénéficie d'une libération conditionnelle en 2009 et publie l'année suivante une autobiographie. Pour sa promotion, il fait le tour des plateaux télé en confiant arrêter son activité de braqueur.
2010 : un braquage meurtrier
Mais les vieux démons du Creillois semblent bien vivaces. Personnalité devenue médiatique, Redoine Faïd est suspecté d'avoir participé le 20 mai 2010 à l'attaque ratée d'un convoi de fonds qui a coûté la vie à une policière municipale de Villiers-sur-Marne (Val-de-Marne), Aurélie Fouquet. L'agente, âgée de 26 ans, a été tuée par balle dans l'exercice de ses fonctions en voulant stopper l'assaut en compagnie d'un de ses collègues, blessé.
Arrêté le 28 juin 2011, Redoine Faïd est placé en détention à la prison de Lille-Sequedin (Nord).
2013 : l'évasion de Lille-Sequedin à l'explosif
13 avril 2013, peu après huit heures du matin. Alors qu'il est extrait de sa cellule de Lille-Sequedin, Redoine Faïd prend en otage quatre agents pénitentiaires avec une arme cachée dans son sac de linge. Puis, grâce à des explosifs dissimulés au même endroit, il fait sauter une des portes menant vers l'extérieur de la prison.
Redoine Faïd est interpellé le 29 mai 2013 après seulement six semaines de cavale, dans un hôtel de Pontault-Combault (Seine-et-Marne). Il est confondu par la géolocalisation du téléphone portable du fournisseur de faux papiers qu'il avait démarché pour quitter le territoire français.
Une longue période judiciaire s'ouvre alors pour Redoine Faïd. Le 13 avril 2016, le braqueur est condamné à 18 ans de réclusion criminelle pour le braquage meurtrier de 2010, peine alourdie à 25 ans en appel en avril 2018. Son frère Fayçal, qui a tiré sur la policière, écope de 20 ans.
Pour la fuite de Lille-Sequedin et la prise d'otage de ses agents, la cour d'assises du Nord prononce à son encontre une peine de dix ans de prison en mars 2017. Il interjette appel puis abandonne la démarche fin 2018.
Enfin, en octobre 2017, Redoine Faïd est condamné à 18 ans de réclusion criminelle à Douai par la cour d'assises du Nord pour le braquage d'un fourgon blindé en 2011 grâce à l'installation d'un barrage sur une route nationale à Roclincourt (Pas-de-Calais) et l'utilisation d'armes de guerre. Le braqueur fait appel. Il est alors détenu au centre pénitentiaire de Réau (Seine-et-Marne).
2018 : la fuite de Réau en hélico
Le 1er juillet 2018 à 11h15, un hélicoptère se pose dans la cour d'honneur du centre pénitentiaire de Réau. Trois personnes lourdement armées en sortent et mettent moins de dix minutes à exfiltrer Redoine Faïd, qui se trouvait alors au parloir.
"Ils ont disqué toutes les portes pour accéder au parloir, résumait à l'époque un responsable de la prison. Une fois au parloir, ils ont disqué la porte du box où Redoine Faïd s'entretenait avec un membre de sa famille. Ils l'ont pris en charge et l'on fait sortir directement." Sur les images captées par le téléphone d'un détenu, on aperçoit l'hélicoptère quitter la prison. Aux commandes, un pilote pris en otage par les complices de Faïd que les enquêteurs retrouveront indemne.
"Le commando a sans doute repéré les lieux par le biais de drones, (...) ce qui a conduit à cette évasion spectaculaire, en permettant à un hélicoptère de se poser dans la seule cour de la prison qui n'était pas couverte par des filets de sécurité", expliquait à l'époque la garde des Sceaux Nicole Belloubet.
Les malfaiteurs abandonnent l'hélicoptère partiellement brûlé à Gonesse (Val-d'Oise), à une cinquantaine de kilomètres de Réau, puis poursuivent leur fuite à bord d'un véhicule qu'ils laissent à Aulnay-sous-Bois (Seine-Saint-Denis). Ils empruntent finalement un dernier véhicule, un utilitaire blanc, pour rejoindre l'A1 et monter vers les Hauts-de-France. Redoine Faïd est repéré par les forces de l'ordre à Sarcelles (Val-d'Oise) le 24 juillet, mais parvient à s'évanouir.
2018 : l'arrestation dans la planque de Creil
Pour trouver le fugitif le plus recherché de France, les enquêteurs se concentrent sur ses proches et sa famille. Pendant l'été 2018, d'impressionnantes perquisitions sont menées chez eux à Méru, Compiègne, Villers-Saint-Paul et Creil, afin de savoir si Redoine Faïd est récemment entré en contact avec eux.
La cavale du roi de la belle prend fin le 3 octobre 2018 vers 4h20 du matin. Redoine Faïd est interpellé sans résistance dans un appartement situé au 4e étage d'un immeuble de la cité Guynemer de Creil, cerné par près de 120 policiers. Rachid - un de ses frères - deux neveux et la femme qui les logeait sont, eux aussi, arrêtés. Deux armes à feu sont prélevées sur place.
Cette jeune femme suspecte avait été repérée par les enquêteurs quelques jours avant l'arrestation de Redoine Faïd.
"[Ils] se sont rendu compte que cette jeune femme prenait à bord de son véhicule une personne vêtue d'une burqa, dont l'allure pouvait laisser supposer qu'il pourrait s'agir d'un homme"
François Molins, procureur de la République de ParisConférence de presse du 3 octobre 2018
Il s'est avéré que Redoine Faïd utilisait ce voile intégral pour pouvoir se déplacer aux abords de sa planque. La ligne téléphonique de la logeuse est mise sur écoute, ce qui confirme l'intuition des agents de police.
"Le 2 octobre, vers 22h30, les enquêteurs ont vu l'individu vêtu d'une burka sortir du véhicule et entrer au domicile de la jeune femme rue Carpeaux à Creil, ajoute le magistrat. Peu après, un second individu, lui aussi porteur d'une burqa, a regagné également cet immeuble. C'est dans ce contexte que les opérations ont été accélérées et que les enquêteurs ont interpelé Redoine Faïd vers 4h20."
En plus des cinq personnes citées précédemment, les policiers procèdent le même matin à l'interpellation simultanée d'un troisième neveu et de deux autres individus dans le sud de l'Oise. Pour prévenir une nouvelle évasion, Redoine Faïd est placé en quartier d'isolement à la prison Vendin-le-Vieil (Pas-de-Calais).
2023 : un procès d'un mois et demi
Redoine Faïd doit comparaître fin février 2020 à Saint-Omer pour son procès en appel dans le dossier du braquage du fourgon blindé du Pas-de-Calais. Mais le braqueur entame une grève de la faim pour se plaindre de ses conditions de détention, notamment sur le fait qu'il ne soit détenu pendant son procès à la prison de Longuenesse, située à deux pas du tribunal audomarois.
À l'issue de cette audience, où il a refusé d'être extrait de sa cellule, le Creillois est condamné le 13 mars 2020 à 28 ans de prison, soit 10 ans de plus qu'en première instance. En février 2022, il est transferé à la prison de Fleury-Mérogis (Essonne), puis en mai 2023 à celle de Condé-sur-Sarthe (Orne).
À partir du 5 septembre 2023, Redoine Faïd est jugé à Paris avec onze personnes, dont deux de ses frères, trois neveux et la jeune femme qui l'a hébergé pendant sa cavale. Cette dernière bénéficiait initialement d'un non-lieu, car les juges d'instruction estimaient qu'elle avait subi l'hébergement de Redoine Faïd; celui-ci a finalement été cassé par la chambre d'instruction de la cour d'appel, saisie par le parquet et plusieurs prévenus contestant leur comparution. L'audience devrait durer jusqu'au 20 octobre.