L'histoire du dimanche - Les Romains, premiers amateurs de street food en Gaule du Nord

Saviez-vous qu'il était commun de manger des plats à emporter dans les rues de l'Empire romain ? C'était le cas dans la ville gallo-romaine qui se dressait il y a 2 000 ans à Vendeuil-Caply. L'agglomération antique, qui continue de livrer ses secrets, est si mystérieuse qu'on ne connaît pas encore son nom.

Difficile de s'imaginer que la vaste étendue de champs qui borde aujourd'hui Vendeuil-Caply, village rural du nord de l'Oise, abritait autrefois une ville. Pourtant, une agglomération romaine a bien perduré ici il y a près de deux millénaires, comme en témoigne le grand théâtre mis au jour à l'est du village. Et si cette ville n'a pas encore livré ses secrets - et notamment son nom - on peut déjà savoir de quoi ses nombreux habitants se nourrissaient.

Sentir et toucher la cuisine gauloise

Saviez-vous que les bourgs romains comme celui de Vendeuil-Caply abritaient des étals de street food ? "Les Romains n'avaient pas tous une cuisine dans leurs habitations, c'était un luxe réservé aux plus riches, notamment les citoyens qui possédaient des esclaves. Alors la plupart des citadins se rendaient une fois par jour dans ces commerces de rues, les thermopoliums, chercher un plat chaud à emporter," raconte Valérie Kozlowski, conservatrice en chef du musée archéologique de l'Oise qui jouxte le site antique.

Le musée propose justement aux visiteurs de découvrir le site de Vendeuil-Caply par une exposition sensorielle autour de l'alimentation de l'époque, du 11 février au 5 novembre 2023. Un thermopolium a été reconstitué pour l'occasion. "Ça ressemble à un comptoir, comme sur un marché, où la nourriture était gardée à température dans des jarres, détaille la directrice. Les visiteurs seront amenés à toucher les plats, à les sentir."

Consommateurs de fromage

Malgré les nombreuses écritures laissées par les Romains, le nom de la ville qui se trouvait dans ces champs du Beauvaisis n'a pas encore été retrouvé. Ce qui semble certain, c'est que cette ville antique était une "agglomération secondaire" de la Gaule belgique, province de l'Empire romain.

Elle n'avait pas le statut de "cité" comme on pu avoir à l'époque Beauvais (Caesaromagus) et Amiens (Samarobriva) mais "on y dénombre de nombreux édifices publics comme un grand et un petit théâtre, un fanum (un temple public) ou un camp romain. Ce sont des bâtiments qu'on ne construisaient pas dans de simples villages."

Valérie Kozlowski

conservatrice en chef du musée archéologique de l'Oise

Et que mangeait-on spécifiquement en Gaule du nord ? À l'époque, pas de décalage gastronomique concernant la cuisine au beurre ou à l'huile, ou encore sur l'appellation "pain ou chocolat" ou "chocolatine". Mais, contrairement au sud, "la Gaule belgique se démarque par une importante consommation de lait et de fromages, glisse la conservatrice. C'est attesté par les pots en terre servant de récipients pour la faisselle qu'on trouve sur notre site lors des fouilles, et les véritables recueils de cuisine que nous ont laissés les Romains".

Une enquête perpétuelle

Recueillir des renseignements sur ce bourg anonyme et caractériser son utilité est "un travail perpétuel", ajoute la directrice, avant de partager une hypothèse : "Peut-être était-ce une ville de sanctuaire, à vocation religieuse ?"

Nous réalisons chaque été des fouilles sur ce site, principalement situé sur des terres agricoles aujourd'hui. Nous trouvons des objets du quotidien (céramiques, mobilier) ou des ruines de bâtiments qui nous permettent d'enrichir la collection du musée et d'en savoir plus sur cette ville. Mais on se doit de tout reboucher chaque année à l'issue de ces découvertes.

Valérie Kozlowski

conservatrice en chef du musée archéologique de Picardie

Le site de Vendeuil-Caply, précédemment occupé par les peuples gaulois, s'est développé pendant l'occupation romaine de la région à partir de 50 avant J.-C. "Elle occupait une place stratégique, sur une route commerciale qui reliait Boulogne-sur-Mer à Paris", explique Valérie Kozlowski.

Le déclin de la ville anonyme

L'agglomération gallo-romaine a perduré jusqu'au IVe ou Ve siècle, lorsque périclite l'Empire romain. "À partir de là, un changement de population s'opère dans la région avec l'avènement des peuples germaniques et notamment des Francs, analyse la conservatrice du musée archéologique. Le climat est plus incertain, les villes se restructurent complètement, les populations se réunissant dans les plus grands bourgs pour se protéger derrière des remparts."

Jusqu'à la fondation du royaume des Francs (Ve siècle) et le règne des premiers Mérovingiens, le site de Vendeuil-Caply, dans un premier temps fortifié, est progressivement abandonné au profit du développement de Breteuil, non loin de là. Pillé par la population locale pour ses pierres, puis ses objets antiques à partir du XVIe siècle, le site gallo-romain a connu ses premières fouilles scientifiques sous Napoléon III au milieu du XIXe siècle.

Le grand théâtre qui accueillait près de 5 000 spectateurs est inscrit aux monuments historiques depuis 1960. Avec ce grand vestige et la collection du musée archéologique de l'Oise - voué à s'étendre - la ville antique de Vendeuil-Caply va continuer de dévoiler ses secrets aux scientifiques comme aux visiteurs.

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