Installés à Fournival, dans l'Oise, les Jardins du Plateau Picard sont aujourd'hui au bord du dépôt de bilan. Cet atelier d'insertion remet des personnes fragiles au travail grâce au maraîchage. Ses paniers de légumes se vendent moins bien alors que ses coûts augmentent. Le déficit se creuse.
"Aidez-nous à les aider", tel est le slogan de l'association Les Jardins du Plateau Picard. La formule n'a jamais été autant d'actualité. Cet atelier d'insertion est en péril. Il affiche 38 000 € de déficit en 2021, 84 000 € en 2022.
"On se pose beaucoup de questions, s'inquiète Pierre Hemmen, un salarié encadrant. Est-ce que ça vaut le coup de continuer ou est-ce que ça ne vaut pas le coup de continuer ? C'est vraiment un poids énorme. C'est vraiment difficile". Malgré la baisse de moral, les salariés gardent espoir, conscients de la valeur de leur travail. Créés il y a 25 ans, Les Jardins du Plateau Picard sont installés à Fournival, dans l'Oise.
L'atelier d'insertion emploie huit salariés permanents et aide chaque année près de cinquante personnes à retrouver le chemin du travail par le biais de la culture maraîchère.
Ici passent des jeunes comme des vieux. Leur parcours a été chaotique. Et même si la vie en a abîmé certains, le travail leur redonne confiance. Christian a été licencié après 39 ans de maison. Il lui fallait retrouver une activité pour tenir jusqu'à la retraite. Les Jardins lui ont ouvert la porte. Comme lui, depuis qu'il est là, il a vu plus d'un employé se redresser : "On a eu un gars qui ne parlait pas du tout. Il montait dans le minibus, il s'asseyait au fond. Pas un bonjour, rien. Le gars était vraiment renfermé et petit à petit, ça s'est amélioré jusqu'au point où on lui a dit 'maintenant, tu vas la fermer parce qu’on t’a assez entendu !'", nous confie l'homme avec un large sourire.
Un modèle économique à bout de souffle
Les salariés participent à toutes les tâches : plantation, entretien, nettoyage, conditionnement et distribution de légumes frais et bio destinés aux membres de l'association. Un concept qui aujourd'hui ne fait plus recette. De 800 adhérents, l'association n'en compte plus que 400.
"On a un modèle vieillissant, reconnaît Jean-Paul Gris, directeur des Jardins du Plateau Picard. La structure s'appuie sur une vente par abonnement. Les adhérents sont adhérents à un programme de paniers pour lesquels ils sont engagés pour une année. Ce modèle existe depuis 25 ans, mais ça fait 11 ans qu'on voit un essoufflement. Les personnes demandent plus de facilités, plus de souplesse, plus de diversité." Qui dit moins d'adhérents, dit moins de ressources financières.
À cela s'ajoute l'inflation et notamment la hausse du carburant. 30 000 litres consommés chaque année pour un montant en hausse de 43 %, qui va s'envoler de 270 % : l'atelier est étranglé.
"On avait aussi eu en 2022, des épisodes un peu plus navrants. On a fait l'objet d'actes de vandalisme. On nous avait crevé les pneus de l'ensemble de nos véhicules. C'est 5 000 euros de préjudice qui sont restés à notre charge après que les assurances ont pris en charge leur partie", déplore le directeur.
Comme tout chantier d'insertion, la structure est financée à 70 % par des subventions publiques, soit 600 000 € pour un budget de 900 000 €. Alors que le conseil départemental a baissé sa contribution, passant de 108 000 € à 70 000 €, la communauté de communes du Plateau Picard et la communauté de communes du Clermontois versent à elles deux 60 000 euros par an.
Diversifier l'activité, un dernier espoir
Face aux difficultés, elles ont attribué 5 000 € de plus en 2021 et 10 000 € en 2022. Pour 2023, elles sont prêtes à ajouter 20 000 € à condition qu'un projet crédible leur soit présenté : "on ne le fera que si les Jardins du Plateau Picard revoient leur modèle, confirme Olivier de Beule, président de la communauté de communes du Plateau Picard, et que s'ils nous proposent une diversification qui marche dans le temps. Le volet de réinsertion marche très bien, il y a un pourcentage de réussite très correct, mais le modèle économique est mort".
"Seules, elles ne peuvent pas nous subventionner, admet la présidente de l'association, qui veut encore y croire. Le seul point positif, c'est qu'on a obtenu de l'État l'autorisation de diversifier nos activités, à savoir que le socle du chantier d'insertion, c'est le maraîchage, et on pourrait diminuer notre capacité de maraîchage pour faire autre chose".
"Des idées, on en a quelques-unes, poursuit Colette Dollez. Avec l'arrêt du glyphosate, on peut faire de l'entretien de cimetières ou des espaces verts pour les municipalités. Mais il faut faire ça très vite et c'est compliqué en pleine période de vacances".
Développer une autre activité économique, ça passe par une augmentation des subventions et ça veut dire aussi accueillir plus de personnes dans le cadre de notre structure d'insertion. C'est un équilibre à trouver en permanence.
Jean-Paul Gris, directeur des Jardins du Plateau Picard
Une procédure de redressement judiciaire va être lancée. Suffira-t-elle à sauver les huit employés et la soixantaine de personnes aidées ? Les dirigeants ont un peu plus d'un mois pour déposer un dossier de dépôt de bilan devant le tribunal de grande instance.
"À nous maintenant de trouver le modèle économique et de rapporter une activité nouvelle au sein de la structure, conclut Jean-Paul Gris. Il a été décidé en assemblée générale qu'un groupe de participants contribue à la rédaction de cette activité. Il appartiendra au tribunal d'apprécier la pertinence et l'efficacité de ce plan".
Avec Dominique Patinec / FTV