Très résistant, le chanvre ne nécessite aucun pesticide et consomme très peu d'eau. Ces qualités ont poussé des producteurs de lin à tenter l'expérience dans l'Oise. Si les essais sont concluants, le chanvre pourrait remplacer le lin de printemps dont les dernières récoltes ont été très difficiles.
En représentant près d'un tiers de la production, la France s'impose comme leader européen du chanvre. Cette plante à fort potentiel séduit de plus en plus les producteurs de lin qui y voient une culture complémentaire à leur activité.
Dans l'Oise, la coopérative agricole Lin 2000 tente l'expérience. Une première à l'échelle européenne. 5 000 hectares sont aujourd'hui cultivés, notamment autour de Grandvilliers.
"C'est une culture qui arrive à pousser dans des conditions un peu plus dures que le lin, explique Sébastien Jumel, président de la coopérative, et d'un autre côté, dans notre secteur, on a besoin d'assurer le fonctionnement et la pérennité de l'usine. Même si le gros du marché reste le lin textile, on a de nouveaux débouchés qui s'ouvrent à nous."
Installé dans le secteur, Hervé Bahu n'a pas hésité à mettre cinq hectares à disposition. Aujourd'hui, c'est l'heure de la première récolte. "Je suis producteur de lin depuis quelques années et le lin de printemps, avec le changement climatique, on a du mal à faire du rendement".
Une plante vertueuse
Très répandu en Asie, le chanvre ne nécessite aucun pesticide et consomme très peu d'eau. Il pourrait bien à terme remplacer ici le lin de printemps dont les dernières récoltes ont été compliquées. Pariant sur l'avenir, la coopérative Lin 2000 accompagne les agriculteurs volontaires. "On a cultivé une vingtaine d'hectares sur la coopérative, rapporte Sébastien Jumel. Il s'en cultive près de 700 hectares en France. On ne connaît pas le potentiel de la plante dans notre région. On sait qu’il y a un intérêt écologique et l’intérêt économique, on va le voir se dessiner au fil des années. Si la demande existe, si les potentiels dans nos parcelles sont intéressants, on intensifiera peut-être un peu, mais aujourd’hui on n’en est qu’aux balbutiements."
Si la culture présente de nombreux avantages, sa récolte demande en revanche plus de technique, avec un matériel spécifique et un temps d'intervention variable selon la destination de la production. La coopérative, elle, a choisi d'investir. La machine en charge de faucher le chanvre a été créée l'année dernière près de Caen. Six sont sorties de l'usine. Romaric Lebrun apprend à la maîtriser : "pour cette première année, on n'a pas eu de pannes mécaniques ni de gros soucis. C’est plutôt bon signe".
Une récolte délicate
L'opération est délicate et les réglages des différents éléments de la moissonneuse doivent être minutieux pour arriver à un résultat proche de celui du lin. Pour Guillaume Vandenbergh, en charge du projet, les prochaines étapes seront cruciales. "Après le fauchage qui consiste à séparer la plante en deux parties, on va amorcer le processus de rouissage, une dégradation de la plante par une succession de pluie et de soleil qui va permettre d'extraire la fibre de la plante et c'est avec cette partie-là qu'on obtient la filasse".
Toute cette récolte devrait conduire à la production de chemises et de linge de maison. Les premiers résultats sont annoncés pour le mois d'octobre.
La filière du chanvre pourrait constituer un atout pour assurer l'avenir des producteurs de lin. Les professionnels de la filière dénombrent plus de 600 produits dérivés du chanvre brevetés dans le monde. La France innove avec notamment le béton de chanvre. En 2024, certains bâtiments du village olympique devraient être à base de chanvre.
Avec Thibault Azoulay / FTV