"Les politiques se sont foutus de nous" : un an après la crise agricole, les agriculteurs déçus de l'inaction du gouvernement

Il y a un an, les agriculteurs commençaient à retourner les panneaux des communes en signe de mécontentement. Un premier avertissement avant une mobilisation qui a pris de l’ampleur en janvier : des cortèges entiers d’agriculteurs et leurs tracteurs ont convergé vers Paris pour faire entendre leur colère. Quelle est leur situation aujourd’hui ? Ont-ils été écoutés ?

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Il y a 10 mois, les agriculteurs roulaient vers la capitale. Au cœur de cette mobilisation sans précédent, 120 propositions pour sauver le monde agricole. "On ne veut surtout pas entrer dans Paris, mais dire à Emmanuel Macron qu'il faut arrêter de parler, il faut agir !" nous disait Luc Smessaert, le vice-président de la FNSEA, le 29 janvier dernier.

Un an après, qu'en est-il ?

Mais, selon la majorité des professionnels du secteur, ces revendications sont loin d'avoir été entendues. Nous avons retrouvé, Luc Smessaert dans sa ferme de l'Oise et force est de constater que l'agriculteur n'est pas convaincu. "On sent qu'on a fait un mouvement inédit, jamais vu. Et puis, que les politiques se sont foutus un peu de nous. On a eu beaucoup d'engagement et à ce jour, à part sur le carburant, on n'a pas eu d'effets."

Tous les matins, il s'occupe de sa centaine de vaches laitières. Elles produisent 2 500 litres de lait par jour, mais le marché, instable, est source d'inquiétudes. "Les difficultés aujourd'hui, c'est d'avoir une vraie vision sur nos productions, déplore-t-il. Est-ce qu'on aura des prix garantis ? La prise en compte des coûts de production dans sa totalité, notamment le temps passé ? On a besoin de ça. Et derrière, bien sûr, si on a du revenu, si on arrive aussi à se prendre quelques jours de congés, ça sera un métier plus viable, plus vivable."

Donc demain, si je dois y retourner, s'il y a un mouvement qui repart, j'irai encore plus remonter [sur son tracteur].

Luc Smessaert,

vice-président de la FNSEA

Le casse-tête administratif

Autre revendication forte : la simplification administrative. À Mortiers, dans l'Aisne, la récolte de betteraves bat son plein. Louise Piércourt a repris la ferme familiale, il y a 5 ans, mais bien qu'issue du monde agricole, la procédure pour son installation a été longue et complexe.

"À la suite des manifestations, nos demandes étaient vraiment de simplifier les dossiers, donc, par exemple, d'avoir un site internet où on retrouve tous nos documents : les cavistes, les statuts des sociétés, les propriétaires, etc, justement pour ne pas avoir cette redondance de redonner les mêmes papiers à l'administration. Aujourd'hui, les simplifications qui ont été mises en place sont très rares."

"La récolte des céréales, cette année, ça a été mauvais. On a une crise sanitaire chez les ovins et les bovins. La grêle et les inondations sur les vignes. Cette année, toutes les filières ont été mises à mal. Sur tout ce qu'on a déjà demandé il y a un an, il y a eu des choses de faites, mais pas suffisamment pour que ce soit concret sur nos exploitations, donc oui, ça peut repartir très vite en manifestations."

Cette année, toutes les filières ont été mises à mal (...), donc oui, ça peut repartir très vite en manifestations. D'autant plus avec le contexte économique et les problèmes de trésorerie, peut-être que les manifestations seront de la même ampleur.

Louise Piércourt,

présidente des Jeunes Agriculteurs de l'Oise

La concurrence déloyale des autres pays européens

À quelques kilomètres, dans un autre champ de betteraves, la production de Bruno Cardot est touchée par une maladie qui dessèche les feuilles et diminue le taux de sucre. Jusqu'ici, il utilisait des intrants chimiques. Mais pour Bruno, le souci "c'est qu'on n'a pas forcément en fait les mêmes outils qu'on avait autrefois qui marchait vachement bien là-dessus et on les a plus. Et, la cerise sur le gâteau qui m'énerve pas mal : j'ai des voisins européens qui ont encore ces outils-là, ce sont des molécules chimiques et nous, on l'a plus."

Cette concurrence déloyale a été dénoncée lors des manifestations. Les agriculteurs attendent un changement au plus vite. "Moi, j'ai vraiment le sentiment, depuis les manifs, que l'agriculture française doit se cacher pour mourir. Franchement, moi, j'ai ce sentiments-là. On était en colère. Moi, j'ai des collègues aujourd'hui qui sont dépités, résignés."

Résigné, Bruno ne l'est pas. Il a remis le gilet jaune qu'il portait sur le barrage de l'A4. Comme lui, beaucoup d'agriculteurs sont prêts à reprendre la route.

Un engagement toujours d'actualité

Pour l'agriculteur axonais, toutes ces crises sont des accélérateurs. Une chance, une victoire, estime-t-il. "C'est le point positif. Mais la MSA l'a dit cette semaine : le malaise agricole, il est encore plus profond qu'en janvier. Vu qu'il n'y a rien de réglé, les revenus ne sont toujours pas là. On a fait une parenthèse élections européennes et législatives, ça nous a plomber l'économie. Une grosse victoire de la colère de janvier, c'est que 85 % de Français étaient à fond avec nous. Il y a très peu de mouvements sociaux où on a autant d'opinion avec nous."

Pour autant, la lutte continue. "La colère agricole est toujours d'actualité, précise Bruno. (...) C'est déjà une chance que moi, j'ai pu avoir le temps d'y aller et j'ai pris soin en fait d'essayer de porter la parole de ceux qui n'ont pas pu venir. Parce que j'ai plein de collègues qui devaient être avec les animaux et puis, c'est aussi des moyens. Il faut pouvoir se faire remplacer dans les fermes pour aller en vacances, mais aussi pour aller manifester et ça, ce n'est pas évident."

Les tracteurs sont chauds et une fois qu'on aura fini les semis, on sera aussi de nouveau dans la rue.

Bruno Cardot,

agriculteur à Moÿ-de-l'Aisne

Et la colère gronde déjà. Dans les Pyrénées-Orientales, des panneaux communaux ont été démontés. Si de nouvelles mesures concrètes ne sont pas annoncées, les agriculteurs Picards pourraient à leur tour rejoindre le mouvement.


Édité par Chloé Caron / FTV

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