Deux agriculteurs veulent installer des panneaux solaires sur plus de 50 hectares, entre les communes de Versigny et Rosières (Oise). Le projet est vivement critiqué par les habitants qui dénoncent une pollution environnementale et visuelle.
"Ça ressemblera à quelque chose de 5,50 mètres de haut. On aura des grandes rangées de trackers, c’est-à-dire des panneaux solaires orientés, et on va les cacher avec des talus, une soi-disant haie et des clôtures de 2,20 mètres de haut", souffle Pascal Porquier. Depuis deux ans, cet habitant de Versigny se mobilise contre un projet de ferme agrivoltaïque : 70 000 panneaux solaires, sur 53 hectares.
L'infrastructure serait située à cheval sur Versigny et Rosières, deux communes de l’Oise regroupant environ 600 habitants.
Riverains et mairie opposés au projet
"Le paysage va être complètement remodelé. Le paysage pittoresque va disparaître et on ne reviendra pas en arrière. On va avoir une terre agricole dite 'déclassée', une friche [...] On pense à notre quotidien pendant les travaux. On pense aussi à nos enfants : que vont devenir ces panneaux dans 30 ou 40 ans quand ils seront obsolètes ?", s'inquiète Pascal Porquier.
Pour se faire entendre, il a rejoint un collectif nommé "Citoyens Engagés pour la Défense du Valois - CEPDV" qui compte aujourd'hui plusieurs centaines d'opposants.
La municipalité de Versigny, qui n'a qu'une voix consultative sur ce projet, clame également son opposition. "On a déjà le passage de la nationale 2. On a aussi le passage du TGV. Et là, le dernier coin de Versigny qui est à proximité d’une zone Natura 2000, qui est une zone vraiment protégée, on voudrait le dénaturer avec un tel projet", estime Guy Pierre de Kersaint, maire de Versigny.
On est vraiment sur un paysage magnifique qu’on veut bousiller à travers ce projet de ferme agrivoltaïque.
Guy Pierre de Kersaint, maire de Versigny
L'édile s'interroge aujourd'hui : "On atteint cet endroit que par des petites routes de campagne, où deux voitures ne peuvent pas circuler en même temps. Pourquoi avoir choisi cet endroit, un des plus enclavés du coin, alors qu’on a des endroits délaissés ou des friches sur lesquelles on pourrait installer ces panneaux ?"
Un projet d'ici 2027
La ferme agrivoltaïque pourrait voir le jour sur les terres de deux agriculteurs. L'un d'eux, Sébastien Vanlerberghe, dans le métier depuis 2011, explique pourquoi il a choisi cette parcelle : "C’est une terre sableuse. J’ai planté ici des vergers et en dix ans, j’ai arraché les ¾ de la surface car il faudrait mettre 500 millimètres d’eau pour avoir un rendement suffisant. Économiquement, ce n'est pas rentable."
Selon cet agriculteur, des kiwis, des asperges ou encore de la rhubarbe pourraient être cultivés sous les panneaux solaires. Des brebis devraient aussi profiter de l’ombrage.
Alors qu'aujourd’hui, on a du mal à mettre des haies, on va mettre 3,4 kilomètres de haie, c’est colossal !
Sébastien Vanlerberghe, agriculteur
Léopold Santerre, chef de projet chez TTR énergy, entreprise qui exploitera l’énergie produite par les panneaux, veut rassurer : "On va essayer de faire la haie la plus haute possible pour masquer au maximum, sachant qu’il n’y a aucune visibilité depuis Rosières et très peu depuis Versigny."
"Il n’y a pas d’espèces menacées, on ne perturbe pas les milieux", poursuit-il. "Actuellement, le gibier ne peut pas passer car la zone est clôturée. Avec un corridor, on a l’objectif de recréer de la circulation. On est plutôt là pour améliorer la biodiversité et la préserver que l’inverse."
Le chantier, estimé d’une durée d’un an, nécessitera le passage de 400 camions au total, "moins de deux par jour", assure TTR énergy. À terme, l'infrastructure pourrait alimenter 15 000 foyers en électricité.
L'enquête publique dure jusqu’au 9 octobre. La décision reviendra ensuite à la préfecture. "On va se battre pour que cette ferme ne soit pas implantée à Versigny", martèle Guy Pierre de Kersaint, maire de Versigny.
Avec Kévin Helies / FTV