Témoignage. "Ce qui est douloureux, ce sont les copains qu'on a perdus" : un ancien résistant se confie face à des collégiens

Publié le Écrit par Céline Brégand

Entré dans la Résistance à 17 ans, Henri Roqueplo a accepté de raconter devant des élèves d'un collège de Chantilly l'abandon de ses études, la vie dans le maquis et la perte des ses camarades.

"Ami, entends-tu le vol noir des corbeaux sur nos plaines ? Ami, entends-tu les cris sourds du pays qu'on enchaîne ?" Alors qu'Henri Roqueplo pénètre dans la salle de classe du collège des Bourgognes, à Chantilly, "Le chant des partisans", l'hymne de la Résistance, est entonné en cœur par des dizaines d'élèves de troisième.

Un hommage vibrant à un des derniers résistants de l'Oise. Ce mardi 20 février 2024, à 97 ans, Henri Roqueplo, mémoire vivante de la période de l'Occupation allemande, vient raconter son histoire dans la grande Histoire. Le moment est unique et précieux. 

"Le maquis, ce n'était pas le Club Méditerranée !"

D'abord timides, les élèves écoutent attentivement le vieil homme expliquer comment il est entré en Résistance, à seulement 17 ans. Né à Paris le 7 mai 1927, Henri Roqueplo rejoint ses grands-parents, qui habitent alors en zone libre à Argenton-sur-Creuse, dans l'Indre, pendant la Seconde Guerre mondiale. Il rejoint la résistance locale en 1944. 

J'ai abandonné mes études. Ça n'a pas été facile parce que c'était plus facile de rester pénard dans son petit coin en disant : allez vous battre.

Henri Roqueplo, ancien résistant picard de 97 ans

De la vie dans le maquis, il se souvient : "Il ne fallait pas se faire repérer. Quand on était dans un maquis, il fallait trouver des braves gens [pour le ravitaillement en nourriture, ndlr]. Heureusement, nous étions dans une zone rurale et on avait de la complicité. Mais c'était plus souvent des pommes de terre que du bifteck. [...] Le maquis, c'était pas le Club Méditerranée ! C'était la vie rude."

"On était sur le qui-vive"

Captivés, les élèves osent bientôt poser leurs questions à cet homme dont le courage impressionne. "Est-ce que la nuit, vous dormiez bien ou dans la peur de vous faire réveiller par des Allemands ?" demande l'un. "On était sur le qui-vive", répond l'ancien résistant à l'écharpe rouge et aux petites lunettes. 

"Un soir, quatre camions allemands s'étaient arrêtés à même pas 100 mètres de notre bivouac. Branle-bas de combat. On s'est dit 'pourvu qu'ils n'aient pas de chiens'. On s'était déployés parce qu'ils étaient beaucoup plus nombreux que nous. Quand le soleil s'est levé, ils ont repris la route", illustre Henri Roqueplo. 

La perte de ses camarades

Les élèves sont avides de nouvelles anecdotes. "Comment vous organisiez les actions ? Comment vous choisissiez de les organiser ou non ?", "Comment vous vous reconnaissiez entre résistants ?", "Quel souvenir vous a le plus marqué ?". 

C'est la mort d'un de mes copains. Il s'appelait Jean, il avait 19 ans. Il était scout routier.

Henri Roqueplo, ancien résistant picard de 97 ans

"Il tenait un journal de marche, en BD. Il nous racontait plein de petites histoires. C'était un type merveilleux", se remémore le résistant picard, vétéran de la guerre d'Indochine (1945-1954) et grand officier de la Légion d'honneur.

"Ce qui est douloureux ce sont les copains qu'on a perdus, mais j'en ai plus perdu en Indochine qu'en France", note Henri Roqueplo. "Ça me fait plaisir de discuter avec des jeunes. J'étais le plus jeune dans le maquis, et dans l'armée quand j'y suis arrivé… Je suis père, grand-père, arrière-grand-père, j'aime bien avoir des jeunes autour de moi", se réjouit-il.

L'importance de la transmission

Et le sentiment est réciproque. "Je suis honoré de sa présence. On a un point de vue personnel de sa part. On apprend des choses qu'on n'apprend pas dans les manuels d'Histoire : comment on vivait dans le maquis, comment on vivait dans la peur, le stress et ses sentiments", estime Stanley, un élève de troisième.  

Mathilde Marguerit, la professeure d'histoire-géographie à l'initiative de cette rencontre, a souhaité que ce moment d'échanges et d'Histoire soit immortalisé à travers une émission de radio.

Dans les années qui viennent, M. Roqueplo ne sera plus de ce monde et comment on va faire pour transmettre ça ?

Mathilde Marguerit, professeure d'histoire-géographie au collège des Bourgognes, à Chantilly (Oise)

"Il faut garder une trace. C'est important de passer par la radio ou le film, pour qu'on puisse diffuser après, parce que là, on n'a pas pu faire venir tout le monde. Il faut que ça ait un impact au sein du collège et à l'échelle de la ville. Il faut que les gens sachent qu'on a discuté entre nous du passé et d'aujourd'hui." Le reportage consacré à cet évènement est disponible dans la vidéo ci-dessous. 

 

"J'avais la larme à l'œil constamment"

Deux jeunes gendarmes sont invités à parler de leur engagement. Mais aussi Christian Petit, engagé dans la Résistance à l'âge de 13 ans. "Je faisais de la résistance sans le savoir. Mon père me donnait des choses à transporter avec mon petit vélo et je ne savais pas ce que c'était. C'est après la guerre qu'il m'a expliqué ce que je faisais", se souvient-il. 

Il se dit ravi de cet échange avec les jeunes. "J'avais la larme à l'œil constamment parce que je me mettais à leur place, et les questions qu'ils posaient m'intéressaient beaucoup", souligne-t-il.

Je trouve que c'est mieux que les livres d'Histoire. C'est de la vraie Histoire et c'est formidable d'avoir des contacts avec des gens qui ont vécu certaines époques.

Christian Petit, ancien résistant

Au terme de ces deux heures passées avec Henri Roqueplo, les élèves raccompagnent l'ancien résistant jusqu'à la sortie, certains lui apportent un bras sur lequel s'appuyer, d'autres lui posent les ultimes questions qu'ils n'ont osé poser devant toute la classe. Reconnaissant, le petit groupe ne semble pas presser de dire au revoir à un des derniers héros picards de la Résistance.

Avec Émilie Boulenger / FTV

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