Pour faire monter la pression avant la mobilisation des agriculteurs annoncée pour le 15 novembre 2024, les Jeunes agriculteurs de l'Oise déboulonnent, la nuit, des panneaux d'entrée de communes. Ils comptent ensuite en déposer plusieurs dizaines devant la préfecture, comme symbole de leur colère.
C'est une bien curieuse récolte que Gilles Bril, éleveur laitier dans l'Oise, nous montre ce matin-là. Dans la nuit, avec un confrère, il a déboulonné onze panneaux d'entrée de communes, pour les ramener sur son exploitation.
"L'idée, c'est d'interpeller, de dire qu'on ne lâche rien"
Parmi eux, celui d'Aux Marais, petit village de moins de 1 000 habitants, celui d'Auneuil, commune un peu plus grande, et même celui de Beauvais, la préfecture. "Ça reste un esprit très bon enfant c'est juste quatre boulons à desserrer, et on emmène le panneau. Il n'y a pas de vandalisme, les panneaux sont intacts et conservés à l'abri en attendant de les déposer à la préfecture", souligne-t-il.
Car c'est devant les grilles de la préfecture de l'Oise que ces panneaux finiront leur petit périple. Objectif : mener une action symbolique pour alerter les services de l'État sur les conditions de travail des agriculteurs. "L'idée, c'est d'interpeller, de dire qu'on est toujours présents, qu'on n'a pas eu gain de cause sur tout ce qu'on voulait lors des manifestations de l'hiver dernier, et qu'on ne lâche rien. Le nouveau gouvernement doit se bouger, sinon, on se mobilisera de plus en plus", prévient l'éleveur.
Une action coordonnée
Cette action n'est pas une initiative isolée, mais coordonnée par les Jeunes agriculteurs de l'Oise, à l'approche de la manifestation annoncée par le syndicat majoritaire de la profession pour le 15 novembre, et en pleine campagne pour les élections dans les chambres d'agriculture. Leurs confrères d'autres départements ont mené des opérations similaires, comme ceux du Pas-de-Calais à la fin du mois d'octobre. Et si cela demande un peu d'organisation et d'énergie, Gilles Bril tenait à participer. "Ça nous tient à cœur de toujours être présents, de ne pas se laisser faire, sans tout abîmer et sans bloquer les gens sur les routes."
Il y a eu des améliorations, mais pas assez. On a l'impression d'avoir eu des miettes depuis un an pour nous contenter, pour qu'on se calme, mais on attend encore.
Matthieu Carpentier, président des Jeunes agriculteurs de l'Oise
Pour Matthieu Carpentier, président des Jeunes agriculteurs de l'Oise, il s'agit de créer "un symbole pour montrer qu'on est perdus et qu'on nous balade". Concurrence des pays étrangers soumis à moins de normes, bureaucratie jugée trop complexe ou trop lente, les revendications sont assez proches de celles entendues lors des importantes manifestations du début de l'année 2024. "Il y a eu des améliorations, mais pas assez. On a l'impression d'avoir eu des miettes depuis un an pour nous contenter, pour qu'on se calme, mais on attend encore", estime Matthieu Carpentier.
L'action s'accompagne d'une campagne de communication sur les réseaux sociaux, dans l'optique de faire monter la pression avant la mobilisation du 15 novembre. Sur leur page Facebook, les Jeunes agriculteurs de l'Oise publient le résultat de leurs virées nocturnes.
"Il nous balade, baladons le gouvernement, écrivent-ils. Vous nous avez trop longtemps ignorés ! Moisson catastrophique, FCO (fièvre catarrhale ovine, NDLR), intempéries... L'agriculture est en crise, nos trésoreries sont à sec, et vous ne faites rien !"
"Il faut vraiment les aider, à tous points de vue"
Pour décrire les difficultés dénoncées par cette action, Gilles Bril donne son exemple personnel : il attend depuis plus de deux ans de toucher les subventions qui lui ont été accordées pour la construction de son nouveau bâtiment d'élevage. "Tout ce qu'ils trouvent à nous dire, c'est que c'est passé du Département à la Région, et que ça prend du retard... En attendant, le retard, c'est moi qui le paye !"
D'après le président des Jeunes agriculteurs de l'Oise, une cinquantaine de panneaux a déjà été retirée, et des dizaines d'autres le seront dans les jours à venir. Une situation qui fait sourire Daniel Vereecke, le maire de Sainte-Geneviève, une petite commune au sud de Noailles. "Nous, on ne l'a pas eu à l'envers, mais ils l'ont retiré !", dit-il d'un ton amusé. La disparition du panneau ne l'ennuie "pas du tout, bien au contraire". Il a d'ailleurs été prévenu par le syndicat, par le biais d'un courrier expliquant l'action. "C'est une lettre sympathique, c'est très aimable de leur part de me l'avoir dit. Je suis petit-fils de cultivateur, et je suis derrière eux. Il faut vraiment les aider, à tous points de vue, surtout qu'on a eu une saison difficile, avec des récoltes très faibles."
Avec Micakël Guiho / FTV