Comment les patrons des petites entreprises ont vécu le confinement, et comment prévoient-ils la reprise de leur activité ? Bruno Madelaine, patron de deux concessions basées à Beaurains et Achicourt, témoigne.
Ils sont trois. Trois mécaniciens qui depuis une semaine redonnent un semblant de vie à l'atelier. C'est peu et c'est déjà beaucoup. L'urgence est de terminer les voitures en attente d'être réparées, faute de pièces détachées, pour qu'elles soient enfin récupérées par leurs propriétaires. Et quelques clients de passage, voyant l'activité relancée, s'arrêtent pour prendre rendez-vous.
Reprise en douceur
On est à Beaurains, dans le Pas-de-Calais. Bruno Madelaine, le patron du garage, se félicite évidemment de cette reprise, même en douceur. "On a obtenu un report des charges sociales auprès des services de l'Etat, un report des remboursements des prêts de la part des banques, un report des échéances de la part des fournisseurs. Maintenant, on espère que l'atelier redémarrera pleinement en juin. Restera ensuite la grande question : est-ce que les gens auront comme préoccupation de s'acheter une voiture ? On verra..."
"On verra..." Cette petite phrase revient souvent dans les propos de Bruno Madelaine, sans vraiment savoir si elle annonce l'espoir d'une accalmie ou la crainte d'une plus grosse tempête.
En fait, Bruno Madelaine est à la tête de deux concessions Renault et Alpine dans la région d'Arras : Beaurains et Achicourt. Vente de neuf et d'occasion. Mécanique. Tôlerie. Peinture. Quinze salariés. "Je suis là par hasard" s'amuse ce Parisien de 57 ans qui a passé quinze ans de sa vie professionnelle dans le monde de la finance. Un profil atypique. Sa première entreprise avait une flotte importante de véhicules ; c'est ainsi qu'il s'est lié d'amitié avec un chef d'atelier dont le garage s'est un jour retrouvé en vente. Il a acheté.
L'importance d'avoir une date comme objectif
"Avoir une date précise pour le déconfinement, le 11 mai", explique Bruno Madelaine, "c'est important pour nos clients mais aussi pour les fournisseurs et les constructeurs. Leurs productions redémarrent doucement (c'est le cas pour l'usine Toyota de Valenciennes depuis le 21 avril). Les industriels et les syndicats ont eu peur pour les salariés. Par excès de prudence - je crois - ils ont tout arrêté. On s'est donc retrouvé sans pièces détachées et sans pièces d'origine, et faute d'approvisionnement, on s'est retrouvé à notre tour à l'arrêt complet."
L'entrepreneur le regrette : "On a stoppé net toute la chaine, alors que le pays avait toujours besoin de transport individuel ! Les médecins avaient besoin de leurs voitures. Les livreurs avaient besoin de leurs véhicules."
Ce n'est pas la seule anomalie que relève Bruno Madelaine, dont les salariés sont en chômage partiel depuis le 23 mars. "Ce chômage partiel, au départ, nous n'y avions pas droit... puisque notre activité professionnelle n'était pas sensée s'arrêter. Mais, outre la pénurie de pièces détachées, les règles du confinement interdisaient à nos clients de venir nous voir ! C'était ubuesque ! Heureusement, ça s'est débloqué fin mars. Mais pendant une dizaine de jours, on a eu la trouille..."
"L'Etat fait ce qui doit être fait"
Pour autant, Bruno Madelaine a trouvé des soutiens. "L'Etat fait ce qui doit être fait", dit-il. "Il décale le paiement des charges. Il ouvre les vannes financières. Sans son aide, je tenais encore un mois et c'était terminé. Quant aux banques, elles m'ont étonné positivement. Elles ont accepté de repousser de six mois les remboursements de nos emprunts, sans poser de questions. Et elles jouent leur rôle en nous proposant aujourd'hui les prêts garantis par l'Etat. On peut tenir. Après, évidemment, on aura le double à payer. On verra..."
Bruno Madelaine, confiné chez lui dans la métropole lilloise, gère ses affaires à distance. Les quinze premiers jours, il s'est battu pour la survie de son entreprise. Et puis plus rien. "C'est extrêmement violent !" avoue t-il. "Je m'étais engagé dans la campagne des élections municipales (à Wasquehal) et le rythme avait été très soutenu les quatre derniers mois. Du jour au lendemain... tout s'arrête. J'ai passé une semaine à la maison, groggy, sans quasiment appeler personne ; et quinze jours ensuite pour m'en remettre."
Dans les garages de Beaurains et d'Achicourt, les employés sont impatients de reprendre, selon leur patron. "Ils ont conscience qu'il est temps de redémarrer."