Après 18 mois de concertation, le haut-commissaire à la réforme des retraites Jean-Paul Delevoye, ancien maire de Bapaume, dévoile ce jeudi ses préconisations pour le futur "système universel" promis par Emmanuel Macron, l'occasion de répondre aux interrogations autour de l'âge de départ.
En présence de la ministre des Solidarités Agnès Buzyn, Jean-Paul Delevoye reçoit depuis 8h30 les syndicats et le patronat, consultés depuis plus d'un an sur le futur système censé remplacer les 42 régimes existants. Puis il rejoindra Matignon à 11h30 pour remettre son rapport au Premier ministre Edouard Philippe, avant de revenir au ministère des Solidarités pour un point presse à la mi-journée.
Les préconisations de l'ancien maire de Bapaume, ex-député et sénateur du Pas-de-Calais, devraient servir de base au projet de loi, maintes fois repoussé et attendu en Conseil des ministres à l'automne, avant un examen au Parlement probablement après les municipales de mars, pour une entrée en vigueur en 2025.
On en connaît déjà les grands axes, conformes aux promesses du candidat Macron : "plus juste et plus lisible", le futur "système universel" à points restera "public et par répartition", un "euro cotisé" devant donner "les mêmes droits à tous", avec un âge légal de départ maintenu à 62 ans.
FO et la CGT prévoient déjà de mobiliser en septembre contre une réforme qui pénalisera selon eux les plus précaires. La CFDT, la CFE-CGC et l'Unsa ne s'attendent pas à de grandes "surprises" ce jeudi. De fait, de nombreuses pistes ont déjà été distillées par Jean-Paul Delevoye. Certaines spécificités devraient être maintenues: parmi les fonctionnaires de "catégorie active", les métiers "régaliens" (policiers, douaniers, pompiers, surveillants pénitentiaires) resteront autorisés à partir en retraite à 57, voire 52 ans, quand les aides-soignantes devraient rejoindre les règles du privé, avec un accès au "compte pénibilité" pour partir au mieux à 60 ans.
Décote ?
"Divorce pour solde de tout compte" pour répartir les droits du couple au moment de la séparation, pension de réversion garantissant un certain niveau de vie ou encore pensions majorées via une "bonification proportionnelle" dès le premier enfant sont également attendues.
Comme l'instauration d'une "cotisation déplafonnée non créatrice de droits" pour les revenus au-delà de 10 000 euros par mois, en contradiction avec la promesse qu'"un euro cotisé donnera les mêmes droits à tous". Autre entorse à ce principe, les indépendants, qui cotisent moins que les salariés, bénéficieront d'un "régime adapté" pour leur éviter un alignement brutal. Mais les avocats sont déjà vent debout contre une réforme qui "condamne à mort" l'accès au droit, selon le Conseil national des barreaux.
Comment seront calculées les futures pensions, comment seront conservés les droits acquis? De nombreux points restent à préciser. En particulier, pour Serge Lavagna (CFE-CGC), "la question de l'âge", relancée au printemps par un gouvernement soucieux d'inciter les Français à "travailler plus longtemps".
L'exécutif a renoncé ces derniers jours à introduire dès 2020 des mesures d'économies (accélération du relèvement de la durée de cotisation pour le taux plein, décote...) allant en ce sens pour ne pas braquer la CFDT et parasiter la réforme. Mais le haut-commissaire devra préciser comment il souhaite compenser la disparition dans le régime à points des notions de durée de cotisation et de taux plein, qui contribuent à repousser les départs.
Si cela passait par la fixation d'un "âge d'équilibre" au-delà de l'âge légal, comme évoqué mi-juin par Edouard Philippe, assorti d'un système de décote/surcote, la "confiance serait rompue", prévient Dominique Corona (Unsa), Jean-Paul Delevoye n'ayant jamais évoqué selon lui de "décote".
Sa "présentation pourra préfigurer de ce qui se passera dès 2021", pronostique Serge Lavagna. Car le gouvernement n'a pas définitivement renoncé aux économies. Alors que le déficit du système pourrait atteindre environ 10 milliards d'euros en 2022, selon le Conseil d'orientation des retraites, la future loi pourrait porter "l'engagement de livrer un système à l'équilibre en 2025", explique un connaisseur du dossier sans savoir "quelle forme cela prendra".
De nouvelles concertations sont d'ores et déjà prévues après la remise du rapport. "C'est une affaire longue", souligne M. Lavagna.