Des marsouins photographiés au large de Berck-sur-Mer, est-ce bien normal ?

Un pêcheur amateur s'est retrouvé encerclé par une quinzaine de marsouins à environ 1 kilomètre au large de Berck-sur-Mer (Pas-de-Calais), samedi 16 septembre 2023. Un spectacle peu commun, même si cohabitent entre 15 et 18 000 marsouins au large des côtes du Nord et du Pas-de-Calais.

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La scène a été immortalisée samedi 16 septembre 2023 par un pêcheur amateur, au large de Berck-sur-Mer dans le Pas-de-Calais. "On est partis avec un copain pêcher et se promener dans l’après-midi", témoigne Alain Peuvion, 36 ans, originaire de Divion. Une activité qu’il pratique tous les week-ends depuis qu’il a acheté un petit bateau il y a un mois.

"On était au large, à environ 1 kilomètre des côtes, en train de pêcher lorsque mon copain m’a dit : « Regarde, il y a un phoque ! », raconte le trentenaire. Mais moi j’ai tout de suite dit qu’il se trompait, parce que j’ai vu un aileron". Un, puis deux, puis cinq. "Il y en avait une bonne quinzaine, on était encerclés pendant une dizaine de minutes".

durée de la vidéo : 00h00mn28s
Un marsouin filmé par un pêcheur amateur au large de Berck-sur-Mer, samedi 16 septembre 2023 ©Alain Peuvion

Des dauphins ? Des marsouins ? Des orques ? "Ils faisaient entre 1m50 et 2m, ajoute Alain. J’ai vu une tache blanche sur le côté, et après réflexion, je pense qu’il s’agissait d’orques bébés".

Ils sont restés 10 minutes. Puis on est partis et on les voyait sauter. C’était super beau à voir.

Alain Peuvion, pêcheur amateur

Après avoir profité du spectacle, Alain Peuvion a sorti son téléphone portable pour immortaliser la scène. "Pas évident, sourit-il, parce qu’ils sortaient puis rentraient dans l’eau aussi vite". La vidéo est postée sur les réseaux sociaux, la toile s’emballe. Chacun y va de son commentaire pour affirmer, à tort ou à raison, qu’il s’agit tantôt d’un dauphin, tantôt d’un marsouin commun. 

"Ça ne peut être qu’un marsouin"

Pour en avoir le cœur net, nous avons soumis ces images à Jacky Karpouzopoulos, président de la coordination mammalogique du Nord de la France (CMNF), une association qui œuvre pour étudier et protéger les mammifères marins du Nord et du Pas-de-Calais. Après analyse minutieuse des images, la réponse de l’expert est formelle : il s’agit de marsouins communs.

"L’aileron que l’on voit sur la vidéo nous permet de l’affirmer, assure le président de l’association. On aperçoit une forme triangulaire qui mesure entre 10 et 15 centimètres de hauteur par rapport à la surface de l’eau. De plus, quand il sort, on ne voit pas un bec à l’avant mais une forme ronde. Ça ne peut être qu’un marsouin".

Quant à la piste de l’orque, elle peut être éliminée. "Leur dorsale est 10 fois plus haute que celle du marsouin. Ce dernier mesure environ 1m50 alors qu’une orque juvénile mesure plutôt 2m50", poursuit Jacky Karpouzopoulos.

Selon le spécialiste, il est déjà arrivé d’apercevoir une orque au large du littoral de la Côte d’ Opale, mais c’est un phénomène très rare. "On nous signale la présence d’un jeune orque erratique tous les 5 ans environ. Ce sont des individus qui viennent d’Irlande et se sont un peu perdus. Ils viennent prospecter au large de nos côtes et repartent aussitôt".

Une famille de marsouins proche des côtes

Ce n’est pas la première fois que des marsouins sont photographiés au large du littoral des Hauts-de-France. Mais en apercevoir autant est rare car ils sont d’ordinaire isolés lorsqu’ils sont observés. Selon l’expert, la raison d'une concentration d'individus aussi massive se trouve dans le cycle biologique de l’animal.

"Les périodes de naissance sont comprises entre août et septembre", explique Jacky Karpouzopoulos. D’ordinaire, les marsouins vivent à une dizaine de kilomètres des côtes où la profondeur de l’eau oscille autour de 40 mètres. Mais pour mettre bas, "les femelles se rapprochent car l’eau est moins profonde, donc plus chaude, et les proies sont ensuite plus faciles à attraper". Selon lui, le pêcheur amateur a donc eu la chance d’observer une famille, composée de très jeunes individus.

Le bébé va têter pendant un à deux ans sa mère, mais elle va lui apprendre à pêcher du poisson dans les eaux peu profondes parce qu’il y a un moment où il devra se débrouiller seul.

Jacky Karpouzopoulos, président du CMNF

"C’est une chance incroyable", poursuit le président du CMNF. Pour ce pêcheur qui a assisté au spectacle, mais également pour la communauté scientifique. "Ce sont des signalements très importants pour nous qui suivons ces animaux parce qu’on en apprend chaque jour davantage et on voit les choses bouger".

12 à 18 000 marsouins au large du Nord Pas-de-Calais

Photographier une famille est un phénomène extraordinaire, contrairement à la présence des marsouins. Il y en aurait entre 12 et 18 000 au large des côtes de Normandie et du Nord Pas-de-Calais. "Dans les années 1990, on en voyait quelques-uns. On les trouvait sur les étals des poissonneries découpés comme des thons. Chez nous, les pêcheurs appelaient ça des cochons de mer".

Aujourd’hui, hors de question de pêcher ces mammifères, qui se sont durablement installés au large des côtes du Nord et du Pas-de-Calais. "Le glissement de l’espèce depuis les eaux scandinaves jusqu’au large de nos côtes s’est effectué à la fin des années 90. Les animaux fuyaient la surpêche au large de la Norvège, de la Suède et du Danemark".

Une espèce qui a trouvé son équilibre. Equilibre néanmoins fragile face à la hausse de la température de la mer. "Les marsouins se nourrissent de petites proies comme des lançons, de tout petits poissons. Mais que va-t-il se passer d’ici quelques années, alors que la température de l’eau continue d’augmenter ?", s’interroge le président du CMNF. Une certitude : dans les prochaines années, les marsouins "vont morfler et devront vraisemblablement entamer une nouvelle migration en remontant vers les eaux nordiques".

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