Cette chauve-souris, protégée comme toutes les autres espèces, est aujourd’hui présente quasi seulement dans le Pas-de-Calais. Victime de sa mauvaise image, elle est pourchassée et son habitat détruit. (Première publication le 22/08/2021).
Le murin des marais (Myotis dasycneme) est une espèce de chauve-souris des marais et des zones humides dont la dénomination est purement française. Tout comme la vipère ou l’araignée, la chauve-souris est victime de sa mauvaise réputation. Le Conservatoire des Hauts-de-France tente de préserver cette espèce rare depuis de nombreuses années et présente uniquement dans la région.
Mesurant 30 cm d’envergures quand elle a les ailes déployées, pesant quelque 15 g, de couleur marron avec le ventre blanc et le nez rosé, le murin des marais n’est pas noir et n’a rien d’un vampire. S'il est pourvu de pieds de très grande taille, ceux-ci lui permettent de chasser en vol, au raz de l’eau, pour attraper ses proies.
Il s’agit du seul mammifère capable de voler. Les scientifiques ont créé un ordre spécifique à l’espèce, celui des chiroptères (mammifère capable de voler avec les mains). Il s’agit du plus grand groupe après celui des rongeurs.
Une communicante très sociable
L’espèce se singularise par son mode de communication et sa vie en communauté.
Elles émettent des ultrasons pour se repérer, chasser et communiquer entre-elles
Albane Pencoat-Jones, chargée d’étude scientifique CEN antenne Oise
Rarement seule, elle vit souvent avec de nombreux congénères. "Ce sont des animaux sociaux qui vivent en colonie", ajoute la chargée d’étude scientifique. D’ailleurs les femelles se regroupent en un même lieu pour donner naissance.
La femelle donne naissance à un seul petit par an. "Il n’y a pas de stratégie de pullulation de l’espèce" et un tiers seulement des chauves-souriceaux va survivre. Pour les autres, la durée de vie est de trente ans en moyenne, mais leur survie est incertaine.
Son lieu de subsistance
Il s’agit de la chauve-souris la plus rare en France. Seule la région Hauts-de-France, accueille le murin des marais de façon régulière. La totalité des sites connus d’hibernation français se trouve sur le territoire du parc naturel régional PNR des Caps et Marais d’Opale.
Le murin des marins, c’est une des espèces de mammifères parmi les plus rares en France comme les ours et les lynx.
Albane Pencoat-Jones, chargée d’étude scientifique CEN antenne Oise
Son lieu de subsistance est même passablement très réduit sur le Nord-Pas-de-Calais et un peu le Nord. "Elle s’est raréfiée et est essentiellement présente en Nord-Pas-de-Calais dans le triangle Dunkerque, Calais et jusqu’à Saint-Omer sur les canaux", ajoute Albane Pencoat-Jones, chargée d’étude au CEN Oise.
Elle est plus abondante dans les pays du Nord comme la Belgique, la Hollande, la Russie, car c’est une espèce nordique, donc la région est en limite de répartition. Une espèce qui a en effet besoin d’un environnement très spécifique pour s’épanouir.
Le murin des marais a besoin d’un paysage de zones humides.
Albane Pencoat-Jones, chargée d’étude scientifique CEN antenne Oise
Le cycle des saisons
Chez les chiroptères, le cycle de vie comprend quatre phases, rythmées par les saisonnalités et impliquant des changements d’habitats et de paramètres physiologiques pour chacune d’entre elles.
Qu'est-ce que le swarming ? Lors du swarming ou essaimage, les mammifères vont se rassembler par milliers au niveau de sites intermédiaires pour s’accoupler.
Le swarming est le phénomène de regroupement des individus pour se reproduire en autonomie avant l’hibernation.
Albane Pencoat-Jones, chargée d’étude scientifique CEN antenne Oise
Une ovulation différée se met alors en place pendant l’hiver quand son unique nourriture, les insectes, vient à manquer. "Les femelles se regroupent en été pour donner naissance ensemble, on appelle cela une maternité ou une nurserie".
Un être fragile qui hiberne
Dès que les températures baissent, l'espèce entre en phase d’hibernation. Le métabolisme des chauves-souris se ralentit à l’extrême. Elles sont plongées dans un profond sommeil qui va durer plusieurs mois avec quelques courtes phases d’activité pour se réhydrater (environ toutes les trois semaines). "À cette période, elles sont très sensibles, car elles baissent leur température corporelle, les battements de leur cœur et leur respiration diminuent", explique Albane Pencoat-Jones.
Elle hiberne alors dans des sites bien précis tels que dans des grottes, des blockhaus ou des caves dans lesquelles les températures sont inférieures à 10°C, avec une humidité importante pour ne pas se dessécher.
C’est une sorte de latence donc elles sont très sensibles si on les dérange.
Albane Pencoat-Jones, chargée d’étude scientifique CEN antenne Oise
Tout réveil brutal peut même leur être fatal. Alors, le murin des marais bénéficie de sites d’hibernation protégés gérés par le CEN. Il s’agit de grottes de la réserve naturelle d’Acquin-Westbécourt et de la forteresse de Mimoyecques à Landrethun-le-Nord dans le Pas-de-Calais.
D'autres sites protégés accueillent des colonies de murins de marais. Au sein de monuments chargés d’histoire : la citadelle de Montreuil-sur-Mer (62), le château-fort de Guise (Aisne) ou encore le château de Compiègne (Oise). Plus profond encore... Dans la Somme, les muches du Ponthieu à l'ouest du département, les muches de Lanches-Saint-Hilaire ou de la cité souterraine de Naours abritent, elles aussi, des populations de chauves-souris durant l’hiver.
Une ruée vers les insectes
En février-mars, dès qu’il fait un peu plus chaud, les chiroptères sortent de leur léthargie. "Au printemps, quand les températures augmentent et que les insectes apparaissent de nouveau, elles sortent de leur hibernation", précise Albane Pencoat-Jones, chargée d’études au CEN Oise. S’opère alors une vraie ruée vers la nourriture pour reprendre des forces.
Une nourriture composée d’insectes (moustiques, mouches, papillons de nuit, coléoptères...). "En une nuit, la chauve-souris peut parcourir 10 km autour de son gîte pour chasser". Elle va alors engloutir jusqu’à un millier de ces spécimens dans sa sortie nocturne.
Les chauves-souris fécondées à l’automne entrent en gestation à leur réveil. "En été, elles sont présentes dans des sortes de maternités ou nurseries. Elles vont se loger (en non pas nicher) dans des bâtiments, des combles de maisons, ou encore églises, cela fait des grappes de chauves-souris", explique la chargée d’étude au CEN.
Menacée de toute part
On le comprend aisément, toute intervention de l'homme, notamment sur le bâti ou l’environnement, peut nuire au murin des marais. La rénovation et l’isolation des bâtiments, les destructions des haies qui sont des corridors écologiques ou les destructions de structure végétalisées qui les empêchent de se déplacer nuisent à l’espèce. S'ajoutent les dérangements dans les grottes en période d'hibernation.
L’homme qui la vampirise et n’a de cesse de vouloir la tuer.
Plus largement elles sont victimes de leur réputation et les gens veulent les virer.
Albane Pencoat-Jones, chargée d’étude scientifique CEN antenne Oise
Une diabolisation qui remonte à la nuit des temps et ne correspond pas à la réalité. "Les chauves-souris ne s’attaquent pas à l’homme et ne s’accrochent pas dans les cheveux". Mais à une époque, il était courant de lui attribuer ces méfaits pour une raison encore moins louable. "Les hommes disaient à leurs femmes, pour les empêcher de sortir, 'si tu sors ce soir, les chauves-souris vont s’accrocher dans tes cheveux...'"
Alors pour faire définitivement taire toute croyance erronée, la chauve-souris ne va jamais aller sur une personne, elle peut juste s’approcher, car elle est curieuse.
La protection de l’espèce
Des structures régionales sont spécialisées dans la protection des espèces dont fait partie le murin des marais.
Il subsiste un peu moins d’une centaine de murins des marais.
Albane Pencoat-Jones, chargée d’étude scientifique CEN antenne Oise
Le parc naturel régional des Caps et marais d’Opale du Nord-Pas-de-Calais œuvre pour l’amélioration de la biodiversité et la gestion durable des milieux naturels.
La coordination mammalogique du Nord de la France (CMNF) et Picardie nature sont les associations de protection de l’environnement au service des mammifères sauvages du Nord-Pas-de-Calais. "Ce sont les deux structures référentes des chauves-souris dans les Hauts-de-France. Elles les étudient et nous, CEN des Hauts-de-France, nous participons à ces études, suivis scientifiques et protection par préservation des gîtes (habitats, ndlr)", tient à préciser Albane Pencoat-Jones.
Toutes les chauves-souris, dont le murin des marais, sont protégées. Il est strictement interdit de les déranger, les détruire, ainsi que leur gîte (habitat).
Albane Pencoat-Jones, chargée d’étude scientifique CEN antenne Oise
Que faire en présence d’une chauve-souris ? "Si jamais une chauve-souris entre dans la maison, il ne faut pas tenter de la manipuler. Elles vont mordre si on les prend dans les mains pour se défendre comme le ferait un chien ou un chat".
Le CEN qui précise que les chauves-souris que les gens observent sont souvent d’une autre espèce, mais elles sont toutes protégées en France. Si vous découvrez des chauves-souris chez vous, il faut contacter Picardie nature ou le CNMF.
Les bienfaits de l’espèce
Les chauves-souris sont bénéfiques à l’homme, car elles participent à la régulation des insectes comme les moustiques ou les ravageurs de culture. Elles sont un indice de bonne qualité des milieux où elles se trouvent.
C’est le petit bijou du Nord-pas-de-Calais, l’espèce emblématique qu’on ne retrouve nulle part ailleurs.
Albane Pencoat-Jones, chargée d’étude scientifique CEN antenne Oise
Dans la région, des animations estivales ont régulièrement lieu autour de la chauve-souris entre août et septembre, période où elle est active. L'occasion d'en savoir davantage sur ce mammifère unique en France.