Le Calaisien Philippe Cozette a donné le dernier coup de pioche pour faire la jonction entre la France et l'Angleterre dans le tunnel sous la Manche. Avant le 25ème anniversaire de l'inauguration du tronçon ferroviaire, il se souvient d'un chantier "exceptionnel".
Du côté français, il a donné les derniers coups de pioche pour rejoindre l’Angleterre. Le 1er décembre 1990, Philippe Cozette a effectué la jonction historique avec son homologue britannique, Graham Fagg, dans le tunnel sous la Manche.
Le premier point de passage terrestre entre les deux pays a été ensuite inauguré le 6 mai 1994 par la reine d’Angleterre Elizabeth II et François Mitterrand, alors président de la République. Lundi, les deux pays fêteront le 25ème anniversaire de son ouverture.
« J’ai tout de suite postulé pour participer au chantier », raconte à l’AFP l’ancien ouvrier qui profite de sa retraite à Peuplingues, près de Calais. Quelques mois plus tard, il intègre l’équipe du chantier comme tunnelier pendant quatre ans. Les conditions sont rudes : 35 degrés en permanence dans un espace confiné et bruyant.
Le 1er décembre 1990, il serre la main de Graham Fagg, un ouvrier britannique, pour marquer la jonction historique entre le chantier français et le chantier anglais. Les deux hommes échangent leurs drapeaux et l’image fait le tour du monde.
Le Calaisien a appris la nouvelle quinze jours avant. « J’étais sur le chantier, mon directeur est venu me l’annoncer : ‘‘Philippe, on vous a désigné pour être le premier Français à rencontrer un Anglais sous la Manche’’. A ce moment-là, j’ai eu l’impression que le tunnel me tombait sur la tête », se souvient l’ancien ouvrier. Le tirage au sort l’a désigné.
Une poignée de main pour l'histoire
« On imaginait que cela allait être une personnalité ou un cadre de chaque pays qui allaient se rencontrer », explique Philippe Cozette. A 12H12, le Calaisien saisit son marteau piqueur et abat la dernière paroi qui le séparait du chantier anglais et de Graham Fagg.
« Dès que le trou était assez grand, on s’est serré la main. Graham Fagg m’a dit en français ‘‘Bonjour mon ami’’ et moi ‘‘Welcome to France’’. On entendait les hourras de chaque côté », raconte Philippe Cozette. Ce moment est aussi une source de tristesse avec l’arrêt imminent d’un chantier de plusieurs années.
Il côtoie encore Graham Fagg à l’occasion des anniversaires du tunnel. « Je ne parle pas trop anglais et lui pas du tout français, mais on se comprend quand même », explique Philippe Cozette.
Le tunnel sous la Manche, long de 50.5 kilomètres, est devenu le tronçon ferroviaire le plus fréquenté au monde. Plus de 22 millions de passagers l’ont emprunté en 2018.
Un projet de musée sur le tunnel
Avec d’anciens ouvriers, Philippe Cozette travaille sur un projet de musée pour « conserver la mémoire » d’un site qu’il juge insuffisamment « visible ». « Quand on parle du tunnel sous la Manche avec les anciens, c’est avec un T majuscule. Les liens sont restés très forts entre nous », assure le Calaisien.
Après le chantier, il est devenu conducteur de navettes pour Eurotunnel en 1993. « Après avoir connu le tunnel centimètre par centimètre lors des travaux, je l’ai connu à 140 km/h », sourit Philippe Cozette.
Près du Cap Blanc-Nez, il est sceptique face aux rebondissements du Brexit. Graham Fagg soutient désormais la sortie du Royaume-Uni de l’Union européenne. Philippe Cozette espère que les liens étroits entre l’Angleterre et la France seront préservés. « Comme beaucoup de monde, on se demande si les Anglais veulent vraiment quitter l’Europe. Mais ici, les liens entre Français et Anglais ont toujours existé. Je ne pense pas que ça va les éloigner, Brexit ou pas », estime l’ancien ouvrier.