A Calais, entre misère et cache-cache avec la police, "l'Angleterre à tout prix" pour les migrants

Des mois après l'évacuation de la "Jungle" de Calais, le quotidien des réfugiés de Calais attendant de passer la frontière reste extrèmement compliqué. Conditions météo difficiles, violences, attente... 

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Couvert d'un sac poubelle pour se protéger du froid et de la pluie, Abdoul qui vit de cachette en cachette à Calais, attend dans des conditions précaires comme les 70 autres migrants de son groupe, dans l'espoir d'un départ en Angleterre. Cet Érythréen de 21 ans a regagné Calais "il y a cinq mois", après un passage en Centre d'accueil et d'orientation (CAO) après le démantèlement de la "Jungle" fin octobre.

"Je n'ai plus rien pour me payer les services de quelqu'un pour passer, j'ai épuisé mes économies", dit-il. Sa priorité: "l'Angleterre à tout prix". Le Royaume-Uni reste la destination rêvée de centaines de réfugiés : ils espèrent y trouver un travail plus facilement, comptent retrouver leurs proches et maîtrisent souvent déjà la langue anglaise.

Rester mobile


Pour réaliser ce rêve, Abdoul et les autres migrants essentiellement d'Afrique de l'Est, doivent rester constamment mobiles. Car "les policiers ne veulent pas qu'on établisse un campement, ils nous traquent tout le temps", se désole-t-il. Ce soir de juillet, ils ont trouvé pour abri le pont du Quai du commerce, en centre-ville, à six cents mètres d'un campement de fortune évacué jeudi. Lors de cette opération, 14 personnes ont été interpellées et 200 kilos de matériel ont été détruits, selon la préfecture.

Une pluie interminable accompagnée d'un vent froid s'abat sur la cité portuaire. Abdoul, tête sur les genoux à cause du froid, ne prête pas attention à la discussion sur le football entamée par ses compagnons de fortune. "L'essentiel c'est d'abord de parvenir à traverser", lâche-t-il timidement. "On est pour le moins découragés, mais un jour, les médias parleront de moi comme meilleur joueur d'une saison en Angleterre", le coupe avec sourire son compatriote Sahfi.

La conversation est interrompue par une visite de l'Association Utopia 56, très active dans l'aide aux migrants. Un camion s'arrête sur un espace libre, les migrants s'attroupent. "Ils connaissent notre véhicule. Ils savent qu'on vient les aider", sourit un bénévole, échangeant avec eux un "check", une salutation amicale.

"Du thé pour se réchauffer"


"On a entre cinq et six distributions la nuit auprès des différentes communautés des migrants. On leur donne de la nourriture, des vêtements, des produits d'hygiène",
explique Gaël Manzi, coordinateur local de l'association. Pour ces migrants, les associations sont leur "unique espoir de survie", en attendant une hypothétique traversée. 

Ce soir-là, les migrants réclament plus de thé. "C'est bien chaud et ça m'aide à oublier quelque peu le froid, d'autant qu'on ne peut pas faire de feu pour se réchauffer", raconte Inaa, 20 ans. Le jeune Éthiopien a une attelle au pied droit et tient presque debout grâce à deux béquilles. "Policemen", dit-il simplement... La police débarque "fréquemment" là où ils s'installent, poursuit-il, empêchant parfois des distributions de nourriture. "Les policiers gazent leur couverture, leur nourriture, ils n'ont pas d'accès à des sanitaires", déplore Gaël Manzi, qualifiant de "très grave" leur situation.

Inaa était arrivé sur les côtes italiennes avec sa grande soeur Sahfiya et son oncle paternel Ahmed. Selon lui, Ahmed a pu passer en Angleterre grâce à un "ami" et avait promis de le faire venir. Le jeune homme attend toujours. Sa "grande motivation", c'est sa soeur passée elle aussi, qui a obtenu "récemment" le statut de réfugiée "à Manchester".

Une question de chance


Il montre fièrement une photo de la jeune fille devant Old Trafford, mythique stade de football de la ville, comme fond d'écran de son téléphone portable. Chaque soir, le groupe se rend sur des parkings dans la zone industrielle, cherchant des occasions pour monter dans des camions partant pour l'Angleterre. "C'est une question de chance", dit Inaa. "Si ça ne marche pas une fois, tu réessayes, jusqu'à ce que ça marche".

Une semaine plus tard, le jeune homme et quatre autres migrants, ne font plus partie du groupe. "Ils sont partis hier", annonce Abdoul. Il n'a cependant pas de nouvelles d'eux. Mais il "espère qu'il sont arrivés au bout de la lutte". 

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