Depuis le 11 octobre, un aumônier du Secours Catholique et deux militants sont en grève de la faim pour protester contre l'accueil réservé aux réfugiés. L'église Saint-Pierre de Calais, qui les accueille, a été visée par des tracts vindicatifs signés par un groupe d'extrême-droite.
"Collabos hors de nos églises", "Occupation, profanation, réparation", "Des prêtres pas des traîtres" : voici les slogans que l'on peut lire sur les tracts déposés à l'église Saint-Pierre de Calais. Depuis le 11 octobre, le lieu accueille la grève de la faim d'un aumônier du Secours Catholique, Philippe Demeestère, et deux militants Anaïs Vogel et Ludovic Holbein. Pour protester contre le sort réservé aux réfugiés de Calais, et pour un arrêt des expulsions durant la trêve hivernale, ils ont accepté d'être la vitrine médiatique de centaines de bénévoles.
Des menaces signées par l'extrême-droite
C'est le père Louis-Emmanuel Meyer qui a posté ce 16 octobre sur les réseaux sociaux les tracts vindicatifs reçus. "Voilà... Calais... dans mon église... Tout ça parce nous refusons que des gens se fassent matraquer chaque matin. J'aimerai leur expliquer que E. d'Erytrée est à l'adoration et à la messe tous les jours" écrit le prêtre catholique de l'église Saint-Pierre.
Voilà... #Calais... dans mon église... tout ça parce nous refusons que des gens se fassent matraquer chaque matin. J'aimerai leur expliquer que E... d'Erytrée est à l'adoration et à la messe tous les jours... que des sous diacres de rit Gueez les font prier... pic.twitter.com/eIodJNSJ6z
— Louis-Emmanuel Meyer (@MeyerLouisEmma1) October 16, 2021
La source des menaces n'a pas été difficile à identifier : les tracts sont signés "phalange catholique". Un sentiment d'impunité pour les membres de ce mouvement catholique traditionaliste d'extrême-droite, né dans les années 1970. Le père Meyer ironise volontiers sur leur paranoïa, et leur méconnaissance des traditions bibliques. "A Pâques ils ont cru qu'une église de Calais était transformée en mosquée, mais c'était la semaine sainte orthodoxe. Hé oui dans le rite Alexandrin on retire ses chaussures..."
Le slogan "église, maison de dieu pas des crasseux" (sic) fait également beaucoup réagir, tant les évangiles regorgent de citations exhortant à aider les pauvres. Dans l'Evangile selon Saint-Luc, on trouve ainsi cette phrase : "Il leur répondit : Que celui qui a deux tuniques partage avec celui qui n'en a point, et que celui qui a de quoi manger agisse de même." Dans l'Evangile selon Saint-Mathieu, Jésus devenu roi tient ces paroles aux "maudits" : "Car j'ai eu faim, et vous ne m'avez pas donné à manger; j'ai eu soif, et vous ne m'avez pas donné à boire; 43 j'étais étranger, et vous ne m'avez pas recueilli."
Comment peut-on écrire un seul de ces papiers si l'on a lu, même juste une fois, l'évangile ?
— PO (@POsub5) October 16, 2021
Pas un mot, pas une phrase de Jésus qui permette de justifier cela.
"C'est important d'entendre les gens qui ne sont pas d'accord"
Sur place, Anaïs Vogel prend la nouvelle avec beaucoup de philosophie. "Si des gens de l'extrême-droite réagissent, ça veut dire qu'on parle de nous. Il n'y a pas eu de coups, on ne les as reçues que sur le papier, c'est pas très grave. C'est sûr que j'aurais préféré discuter - on dormait à ce moment-là - mais on n'a pas tous le même avis. C'est important d'entendre aussi les gens qui ne sont pas d'accord, de savoir pourquoi : peut-être qu'ils ont peur, peut-être qu'ils ne savent pas. Moi, je ne leur en veux pas."
Contactée par France 3, la préfecture confirme avoir demandé ce 17 octobre à la police de prendre contact avec les grévistes pour savoir s'ils souhaitent déposer plainte. Les services du préfet garantissent qu'ils suivront le dossier avec attention.