"Un Afghan qui rêve de vivre en France est davantage français qu'un Français qui fait tout pour l'en empêcher", s'insurge l'écrivain Yann Moix dans "Dehors", une longue lettre ouverte à Emmanuel Macron pour l'inciter à revoir sa politique à l'égard des migrants.
"Dehors", ouvrage de plus de 360 pages à paraître mercredi chez Grasset, se veut "un SOS", affirme l'éditeur de Yann Moix. L'écrivain et chroniqueur avait déjà tancé le chef de l'État dans une tribune en janvier dans Libération en l'accusant d'avoir "instauré à Calais un "protocole de la bavure", affirmant avoir filmé des "actes de barbarie".
Ce documentaire doit être diffusé samedi sur Arte. Cette tribune avait été critiquée par le préfet du Pas-de-Calais et le ministre de l'Intérieur Gérard Collomb. Avec "Dehors", il s'agit de "dire à quel point les jeunes exilés à Calais et ailleurs font les frais d'une politique absurde. Une politique migratoire qui les empêche de sortir de notre territoire alors que, tous ou presque, veulent rallier l'Angleterre", explique l'éditeur dans la présentation du livre.
Tout au long de sa démonstration, l'auteur de "Naissance" (prix Renaudot en 2013) ne cache pas son ressentiment, voire sa hargne, à l'encontre du président. "Vous nous abreuvez de leçon d'humanisme, et vos discours hypocrites sont saturés de vaines saillies sur la montée des extrêmes (...) Mais dans le temps même où (...) vous faites concurrence à vos propres platitudes, ce sont des populations entières, et des plus démunies, et des plus abîmées, qui sont rejetées, ostracisées, stigmatisées, martyrisées", déplore l'écrivain.
"La Libye de l'Angleterre"
Revenant sur les accords du Touquet (entrés en vigueur en 2004 et qui fixent la frontière britannique sur le territoire français en échange d'une contribution financière de Londres), Yann Moix estime qu'ils ont fait de la France "la Libye de l'Angleterre". L'indignation de Yann Moix transpire à chaque page mais si rien ne permet de mettre en doute sa sincérité on peut s'agacer parfois des phrases volontairement chocs qui parsèment son ouvrage : "votre parole est à la réalité, monsieur le Président, ce que la vie est à la taxidermie" ou encore ce "Bernanostiquement, vous êtes un médiocre".
Le style (enlevé) prime au détriment du fond. L'écrivain qui rappelle longuement dans de jolies pages que Zola (autre auteur d'une célèbre lettre ouverte à un président de la République) fut un exilé, n'évite pas, contrairement à son modèle, une certaine emphase. Yann Moix est finalement plus convaincant quand il est concret.
Ainsi, se basant sur des études de l'OCDE, il rappelle que "le coût en prestations sociales des exilés" est "le plus souvent surestimé". Les exilés, souligne l'écrivain, "sont de possibles travailleurs, de potentiels entrepreneurs, de virtuels innovateurs. Ils sont, tout aussi bien, de la graine de contribuables".
"Dans nombre de pays développés, soutient-il, les exilés qui viennent travailler et trouvent aussitôt un emploi participent immédiatement à l'économie. c'est un enrichissement". Considérant que "ce qui se passe à Calais, à Menton ou ailleurs est d'une extrême gravité", Yann Moix invite le président à faire preuve de "considération". "Changez d'ambition, il est encore temps; accueillez ceux qui nous insultent moins en demandant l'asile que ne nous insultent ceux qui crient qu'on doit le leur refuser", conclut-il.