Le parquet général de la cour d'appel de Douai a requis jeudi six mois de prison avec sursis contre Béatrice Huret, soupçonnée d'avoir aidé trois migrants iraniens de l'ex-"Jungle" de Calais, dont son amoureux, à gagner l'Angleterre par bateau. 1 an a été requis contre Laurent Caffier.
L'arrêt doit être rendu le 31 mai. En première instance, Béatrice Huret avait été reconnue coupable par le tribunal de Boulogne-sur-Mer, mais dispensée de peine. Le parquet avait fait appel de cette décision.
Veuve depuis 2010 d'un policier, Béatrice Huret, 45 ans, a découvert la "Jungle" de Calais en 2015 en prenant en stop un jeune Soudanais qui lui demande de l'y déposer. Ex-sympathisante du Front national, Mme Huret décide alors de s'y rendre régulièrement comme bénévole et rencontre ainsi Mokhtar. Il faisait partie d'un groupe d'Iraniens qui s'étaient cousu la bouche pour protester contre le démantèlement d'une partie de la "Jungle".
A la demande d'une connaissance qui comparaît à ses côtés, elle accepte d'héberger le réfugié dont elle tombera amoureuse. Mais, Mokhtar est déterminé : il veut rejoindre l'Angleterre. Pour y parvenir, l'ancienne aide-soignante l'aide à dénicher le petit bateau de plaisance acheté 1000 euros sur Le Bon Coin qui servira à la traversée et à organiser le départ.
"Par amour"
Elle a toujours reconnu ces faits, répétant avoir agi "par amour" et n'avoir touché aucune rémunération. "Elle n'a rien à voir avec les réseaux organisés !", a lancé lors de sa plaidoirie son avocate Me Marie-Hélène Calonne.
En juin 2016, Mokhtar et deux autres Iraniens parviennent à rejoindre la Grande-Bretagne après avoir été pris en charge par les services de secours britanniques près des côtes anglaises. L'embarcation était alors en difficulté. Dans son réquisitoire, la procureure générale a insisté sur la dangerosité du passage en Angleterre par cette voie. "Pour lui c'était si proche, il avait traversé la Méditerranée, ce n'était pas un brin de mer qui allait lui faire peur", a déclaré devant la cour Béatrice Huret.
Un "délit de solidarité" ?
L'homme de 37 ans a désormais le statut de réfugié en Grande-Bretagne et vit dans les environs de Sheffield. Mme Huret lui rend visite tous les 15 jours. Trois autres personnes étaient jugées à ses côtés pour "aide à l'entrée, à la circulation ou au séjour irrégulier d'un étranger" en "bande organisée", soupçonnées d'avoir organisé des passages illégaux en Angleterre. Des peines d'un an avec sursis à trois ans de prison dont 16 mois avec sursis ont été requises à leur encontre.
«Délit de solidarité» : entretien avec Laurent Caffier, «le zorro de la jungle»Ce Nordiste surnommé le "Zorro de la Jungle" est jugé en appel ce jeudi pour avoir aidé des Iraniens à passer en Angleterre. "Délit de solidarité" ? Il explique pourquoi, malgré les poursuites judiciaires, il "n'arrêtera pas d'aider".
Publié par France 3 Nord Pas-de-Calais sur jeudi 15 mars 2018
Parmi eux, le bénévole Laurent Caffier, surnommé le "Zorro de la Jungle". Jeudi, il avait accepté de témoigner sur ses motivations. "Je les ai aidés à partir en Angleterre parce que je ne pouvais pas les remettre sur la « Jungle », parce que les passeurs voulaient les tuer", explique Laurent Caffier.
"Je ne pouvais pas les emmener dans un commissariat parce qu’ils étaient en situation irrégulière. On les aurait renvoyés en Iran où ils auraient été exécutés parce qu’ils ont fui le pays. Donc il ne me restait qu’une solution : les aider à partir." Un an de prison avec sursis a été requis contre Laurent Caffier.