Suite à la multiplicité des annonces de maires ne souhaitant pas rouvrir leurs écoles le 11 mai, la Préfecture du Pas-de-Calais a mis en place un groupe de travail en urgence pour tenter de trouver des solutions rapides. 6 réunions sont programmées avant la rentrée scolaire.
Depuis l’annonce de la réouverture des écoles par Emmanuel Macron le 13 avril dernier, les maires se questionnent sur la faisabilité d’une telle mesure tout en respectant les gestes barrières et les règles sanitaires strictes. Le calendrier, depuis précisé par le Premier ministre, n’a pas permis d’atténuer les craintes des élus, en première ligne. Dans le Pas-de-Calais, certains ont pris la décision, par arrêté municipal, de ne pas rouvrir les grilles de leurs écoles le 11 mai. Une municipalité, puis deux, trois… jusqu’à une communauté d’agglomération toute entière.
Les 36 communes de la CALL, la communauté d’agglomération de Lens-Liévin, ont annoncé avoir décidé conjointement de ne pas rouvrir les quelques 180 écoles du territoire le 11 mai. Plus de 26 000 élèves seraient alors concernés. L’effet boule de neige a atteint les agglomérations voisines. La communauté d'agglomération d’Hénin-Carvin a dailleurs organisé une réunion ce jeudi pour statuer sur la marche à suivre.
Face aux maires, la préfecture du Pas-de-Calais temporise avec un seul mot d’ordre : la concertation. Un groupe de travail a été installé dans l’urgence, composé de 15 maires de tous bords politiques issus de grandes et de petites villes, de représentants de la préfecture ainsi que d’inspecteurs d’académie. L’objectif : répondre aux questions spécifiques de chaque commune et établir des règles sanitaires claires. Six réunions auront lieu avant la reprise programmé des écoles, deux réunions de suivi sont prévues après le 11 mai.
"Nous demandons explicitement à l’Etat de préparer un protocole qui affirme sa responsabilité juridique "
André Flagolet, maire LR de Saint-Venant et président de l’Association des Maires de France (AMF) du Pas-de-Calais, fait partie du groupe de travail et porte la voix des élus de tout le département devant la préfecture. Une première réunion a déjà eu lieu. "Nous étudions la totalité des questions soulevées par les maires. Deux thématiques prédominent : le protocole sanitaire à suivre et la différenciation territoriale, notamment sur les questions immobilières propres à chaque commune" avance-t-il.
.@francoisbaroin (@l_amf) : "Les maires ne veulent pas être des kamikazes sur une responsabilité qui n'est pas la leur au départ."#Deconfinement #DirectAN #COVID__19 https://t.co/NqR6JBkbrj
— LCP (@LCP) April 30, 2020
Au-delà des questions sanitaires, c’est bien la responsabilité de chaque maire souhaitant ouvrir son école le 11 mai qui est engagée . Le président de l’AMF 62 plaide donc pour une clarification des responsabilités juridiques de chacun engendrées par un retour à l’école. "Nous demandons explicitement à l’Etat de préparer un protocole qui affirme la responsabilité juridique de l’Etat. Nous, maires, ne sommes que des prestataires de service en charge des bâtiments, rappelle-t-il. Nous ne sommes en aucun cas décideurs."
Les maires de petites communes sur le front
Thierry Tassez, maire PS de Verquin, 3500 habitants, fait lui aussi partie du groupe de travail mis en place par la préfecture. Il a annoncé son opposition à la réouverture des écoles il y a 10 jours déjà, sur les réseaux sociaux, après avoir échangé avec ses administrés. Le seul groupe scolaire de la ville, accueillant 270 élèves, n’ouvrira pas ses grilles le 11 mai.
Verquin fait partie de la communauté d’agglomération de Bruay-Béthune. Contactée, la présidence de l’agglomération nous explique qu’aucune position commune n’a été prise pour le moment entre les 100 maires, même si un certain nombre sont inquiets. En cause, la difficulté de coordonner 100 élus à distance sur un débat qui ne relève pas des prérogatives de l’agglomération.
Le maire de Verquin lui, s’est emparé de l’idée. C’est ainsi qu’il a contacté, par mail, les 99 autres maires qui représentent les 280 000 habitants de la communauté d’agglomération de Bruay-Béthune. Objectif : connaître les réalités et contraintes de chacun pour faire remonter les craintes des élus lors des discussions avec la préfecture. En une matinée, 18 maires l’ont contacté pour manifester leur souhait de reporter l’ouverture des écoles à septembre, comme avancé par le conseil scientifique.
De plus en plus de maires contre l’ouverture le 11 mai
Dans le Pas-de-Calais, on compte 7 communautés d’agglomération. Toutes ne souhaitent pas adopter la même stratégie que celle de Lens-Liévin pour se faire entendre. À Saint-Omer par exemple, la présidence de l’agglomération ne souhaite pas s’immiscer dans le choix des maires.
Même son de cloche sur la côte. Bruno Cousein, maire LR de Berck et président de l’agglomération des Deux Baies en Montreuillois (46 communes), précise que les situations sont très différentes d’une école à l’autre. "C’est du travail de dentelle, du fait-main et non pas une position systématique de principe. Chacun verra si il peut ou pas réunir les conditions d’une réouverture" lance-t-il.
Dans l’agglomération boulonnaise, les 22 maires se réunissent chaque semaine depuis le début de la crise. Le sujet de l’école est au centre de toutes les discussions. La décision commune n’est pas encore prise mais il existe une véritable volonté d’harmonisation à l’échelle des 115 000 habitants. Une décision devrait être rendue très prochainement.
A Hénin-Beaumont, le maire Steeve Briois (RN) a d’ores et déjà annoncé qu’aucun des 3000 enfants scolarisés ne retournerait à l’école le 11 mai. Les 17 écoles de la municipalité resteront donc fermées. Un arrêté municipal va être publié dans ce sens. Les élus de Drocourt et Rouvroy ont également décide de ne pas rouvrir les écoles dans leur commune, tandis que les 10 autres villes composant la communauté d'agglomération d'Hénin Carvin souhaitent rouvrir les écoles dès le 11 mai.
Prédire le nombre d'élèves de retour le 11 mai
La ville de Calais compte 7500 élèves répartis dans 52 écoles. "On fera notre maximum pour toutes les ouvrir si les règles sanitaires sont respectées" estime Natacha Bouchart, maire de Calais également présidente de l’agglomération. "Les maires sont en train de consulter les familles pour savoir quels sont les enfants qui pensent être présents à la rentrée. Nous aurons une visibilité du nombre de participants d’ici la semaine prochaine, explique Natacha Bouchart. Dans certaines communes de l’agglomération, entre 30 à 40% des familles nous ont déjà dit qu’ils ne mettraient pas leurs enfants à l’école."
À Arras, la municipalité aussi navigue dans le flou. La ville compte 22 écoles maternelles et élémentaires, pour un total de 3300 élèves. La mairie a décidé d’envoyer à partir de ce weekend un questionnaire, élaboré avec l’inspection académique, à l’attention de chaque parent ayant un enfant scolarisé dans la ville. Parmi les questions, prévoyez vous de mettre votre enfant à l’école à partir du 11 mai ? Les résultats devraient être communiqués jeudi 7 mai, accompagnés d’un mode opératoire complet de retour à l’école.
? Concernant les écoles, nous lançons une vaste concertation avec la communauté éducative et un sondage auprès des parents d’élèves. Nous ferons du sur-mesure.
— Frédéric Leturque ???? (@FLeturque) April 30, 2020
Je suis dans une approche responsable, pragmatique et respectueuse.
Un consensus existe néanmoins. Tous les maires contactés nous expliquent avancer dans le flou et s’interroger les uns les autres sur la méthode à mettre en oeuvre. Les questions sanitaires restent au coeur des préoccupations des élus, confrontés à un exercice supplémentaire dont la plupart se seraient bien passés.