"Aujourd'hui, je suis un père qui a perdu sa fille" : une semaine après la mort de cinq migrants en mer, ce que l'on sait sur le drame

Le 23 avril, cinq personnes migrantes dont une enfant de 7 ans, trouvaient la mort dans le détroit du Pas-de-Calais, alors qu'elles tentaient de rejoindre l'Angleterre. Plus d'une semaine plus tard, l'enquête sur les circonstance de leur mort est toujours en cours, alors que les traversées atteignent des chiffres records.

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L'image a fait le tour du monde. 58 personnes migrantes entassées sur un smallboat, gilet de sauvetage orange autour du cou, en train de tenter la traversée de la Manche le 23 avril 2024.

Un nombre déjà affolant alors que, quelques heures plus tôt, ces personnes étaient deux fois plus nombreuses. Au départ de Wimereux, dans le Pas-de-Calais, 112 personnes s'étaient hissées sur le Zodiac, vers 6 heures du matin, avant d'être secourues en pleine mer.

Pendant cette traversée périlleuse, le moteur du bateau s'est arrêté, provoquant un mouvement de foule qui a coûté la vie à 5 personnes. Parmi elles, une fillette de 7 ans, Sara, dont la disparition a provoqué un vif émoi de chaque côté de la Manche.

Dix jours après le drame, on fait le point sur les nouveaux éléments de cette histoire, qui ressemble tristement aux drames précédents.

► À lire aussi : 5 migrants morts au large de Wimereux : 112 personnes dans un seul bateau, du "jamais-vu"

Un hommage rendu aux victimes

Ce jeudi 2 mai, un hommage était rendu aux cinq victimes à Wimereux. Quelque 200 personnes se sont rassemblée non loin de la digue de Wimereux où des habitants et associatifs tenaient des roses rouges et blanches et des petits coeurs découpés dans du carton à la main, dans un vent glacial.

"Merci à tous d'être là" a déclaré Ahmed, le père de la petite Sara, la plus jeune des victimes, qui a pris la parole.

Je voudrais vous dire que ce n'était pas mon premier choix de traverser vers l'Angleterre. Mais ma situation est devenue très difficile car mon cas a été rejeté il y a 14 ans par les autorités de Belgique. Et aujourd'hui, je suis un papa qui a perdu sa fille"

Ahmed Alhashimi, père de la fillette morte dans la Manche

Le témoignage du père de Sara

Des photos et vidéos de la jeune Sara inondent les réseaux sociaux depuis quelques jours. On y découvre une fillette pétillante, très proche de ses parents. Sa disparition, survenue dans des circonstances effroyables, est relatée par son père, Ahmed, dans une interview accordée à la BBC ce mercredi 1er mai.

"Elle a dit 'aide-moi papa', mais je n'ai pas pu l'atteindre", se remémore son père, en larmes. "Il y avait des personnes debout au-dessus de nous, Sara a disparu devant mes yeux, mais j'étais piégé. J'ai dit à un type de bouger, je lui criais dessus et je l'ai frappé, mais il a juste regardé ailleurs."

Ce n'est qu'une fois que le bateau de secours est arrivé, qu'il a pu retrouver sa fille. "Ils ont commencé par sortir les morts. Et là j'ai vu Sara, elle était dans un coin, le visage bleu. Elle ne respirait plus." Plein de regrets et de culpabilité, ce père de deux autres enfants explique que la mer était leur seule option, après avoir essuyé 14 refus de demande d'asile dans différents pays.

"Tout ce que je voulais c'est que mes enfants aillent à l'école pour qu'ils restent dignes", achève Ahmed, dans un sanglot.

Le maire de Wimereux en visite à Matignon

Jean-Luc Dubaële, maire de Wimereux, était en visite à l'Hôtel Matignon ce jeudi 2 mai pour rencontrer des collaborateurs du Premier ministre. L'objectif étant d'échanger sur les accords du Touquet, que l'édile juge vétustes, et sur les moyens des forces de l'ordre pour venir en aide aux migrants qui prennent le large sur les plages de sa commune.

En compagnie de Jean-Pierre Pont, député RN du Pas-de-Calais, Jean-Luc Dubaële a donc abordé le lourd sujet de l'immigration sur son territoire, qui le hante depuis le début de son mandat de maire. Le 14 janvier dernier, cinq autres migrants avaient perdu la vie dans les eaux de sa commune.

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Jean-Luc Dubaële, maire de Wimereux, le 14 janvier 2024. ©Lucie Carbajal / FTV

À l'époque, l'édile déclarait à France 3 : "Il est temps que l'État prenne les choses en main et tape sur la table au niveau des Anglais qui sont responsables de ces tragédies", soulignant que "les passeurs sont eux aussi responsables de cette situation", les qualifiant d'assassins.

Plusieurs individus arrêtés au Royaume-Uni

Le soir même des évènements, deux Soudanais de 19 et 22 ans, ainsi qu'un Sud-Soudanais de 22 ans, ont été arrêtés au Royaume-Uni dans le cadre d'une enquête ouverte par les autorités britanniques. Tous les trois sont soupçonnés d'avoir "facilité l'immigration clandestine et d'être entrés illégalement au Royaume-Uni".

Dans un post publié sur X ce mercredi, le journaliste de la BBC Simon Jones a indiqué que les agents de la National Crime Agency ont arrêté un autre homme dans l'ouest de Londres, "soupçonné d'avoir aidé à l'immigration illégale et d'être entré illégalement au Royaume-Uni". Les interrogatoires continuent.

► À lire aussi : 5 migrants morts au large de Wimereux : trois hommes soupçonnés d'avoir organisé la traversée arrêtés au Royaume-Uni

Les traversées continuent malgré tout

Malheureusement les drames qui s'enchaînent depuis ce début d'année - au moins 14 migrants ont perdu la vie dans la Manche depuis janvier en partant du Nord-Pas-de-Calais - ne font pas décroître le nombre de traversées.

Samedi dernier dans le Pas-de-Calais, les autorités ont par exemple dû porter secours à 99 personnes qui se trouvaient dans une situation dangereuse, à bord d'un petit bateau.

Ce 1er mai, le temps était également propice aux départs de smallboats : 711 migrants ont été enregistrés sur la Manche ce jour-là. Il s'agit du nombre de départs le plus important enregistré sur une seule journée depuis le début d'année.

En 4 mois, plus de 8000 personnes ont traversé illégalement le détroit du Pas-de-Calais.

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