Nous avions rencontré Anne-Sophie Calais après la sortie de son livre "La marche des Justes" (éditions Nord Avril). Elle qui, avec beaucoup d’humanité, fait de sa plume un outil de lutte contre le harcèlement, vient de voir un nouvel opus être publié "La Révolution des Gouttes" (éditions Arche Typ). Rencontre. (Première publication le 28/01/2024)
La réalité, c’est ce qui inspire Anne-Sophie Calais. Professeure d’anglais et de spécialité littérature anglaise au lycée Blaringhem de Béthune, les thèmes qu’elle aborde dans ses ouvrages ne sont pas faciles à entreprendre. Dans La révolution des Gouttes, elle donne la parole à Gouttelette. Elle est très fâchée contre les humains qui méprisent tout ce qui est petit, donc sans importance. Soutenue par Madame Larme, Monsieur Goutte de sauce et les autres, elle va donner une jolie leçon de vie en montrant qu’un détail est peut-être la clé de la compréhension. Anne-Sophie Calais a donc écrit ce conte pour enfants (de 7 à 87 ans et plus), sa manière d’interpeller les grincheux de tout genre est très positive, ce qui n’a rien d’étonnant au regard de sa personnalité. Alors Anne-Sophie, qui êtes-vous ?
"Comme mon nom l’indique, je suis née à Calais dans le Pas-de-Calais. C’est mon vrai nom et cela faisait rire beaucoup de personnes lorsque j’étais enfant, d’autant plus que ma meilleure amie à l’époque, s’appelait Isabelle Boulogne", sourit-elle. Maman de deux grands enfants, mariée depuis peu, outre l’écriture, elle aime la musique, le jazz, et vient de réussir son examen de piano.
Elle a toujours aimé écrire. Toute petite, elle écrivait pour ses parents des poèmes, des livres de vacances, rien que la formation des lettres, la forme, le fond la captivaient…
Notre société cultive la peur, et pourtant, c'est tellement libérateur au moment où on en parle, où le problème est en dehors de nous.
Anne-Sophie CalaisAuteure
Trois romans et un conte, inspirés de la réalité
Son inspiration est tirée de ce qu’elle a vu, entendu, vécu. Témoin tant dans sa vie professionnelle que dans sa vie personnelle des conséquences dramatiques du harcèlement sur les victimes, c’est avec des mots justes, tendres et fort, qu’elle aborde ces thèmes difficiles.
"Notre société cultive la peur, et pourtant c’est tellement libérateur au moment où on en parle, où le problème est en dehors de nous."
Anne-Sophie Calais fait partie de ces enseignants qui pensent "qu’investir dans les enfants, c’est l’avenir", cependant l’année dernière elle a eu le cœur brisé. "J’avais 210 élèves à gérer, donc pas beaucoup de temps pour m’en occuper. En terminale ils n’ont que deux heures d’anglais… À chaque fois que l’on passe du temps avec et pour les enfants, c’est la société qui ira mieux".
Je suis rentrée chez moi bouleversée, comment se fait-il qu’à cet âge-là (15 ans) on pense que la mort soit une solution ?
Anne-Sophie CalaisEnseignante
Ses élèves lui disent : ce que vous dites, vous le faites. Et pourtant, parfois c’est compliqué, un enseignant se sent seul "face à un public". Mais elle ne lâche rien dans son rôle d’enseignante, de transmission du savoir éducatif. Dans l’écoute et le conseil également.
"Il est important de travailler sur l’estime de soi. Lorsque l’on fait des choses difficiles, cela nous rend fier de nous. Depuis plus de 25 ans que j’exerce, je n’ai jamais vu autant de phobies scolaires qu’actuellement. Des jeunes qui n’ont pas confiance en eux, qui n’ont pas envie de grandir, le monde des adultes ne les fait pas rêver, qui ont peur de ne pas réussir leur vie."
"J’ai beaucoup de chance, car j’ai commencé dans la vie avec des choses jolies, si j’écris c’est parce qu’en toute humilité j’aimerais tellement aider, je crois que cette notion d’aide est ancrée en moi. Je suis tellement heureuse au moment où j’ai pu débloquer quelque chose, où c’est plus simple après."
Un premier livre, L’évaporation, à destination des adolescents sur la confiance en soi, à la suite du suicide d’une élève de 15 ans. "Je suis rentrée chez moi bouleversée, comment se fait-il qu’à cet âge-là on pense que la mort soit une solution ? C’est une période de notre vie où l’on est hypersensible, on reçoit tout frontalement, une période de transition où la chrysalide doit s’ouvrir, une période fleur bleue essentielle à la construction de l’être humain."
Un second, LE Mante religieuse, sur une relation avec un pervers narcissique, le parcours de l'emprise vu de l’intérieur où son personnage principal, Clémentine, va tomber au plus bas petit à petit, une histoire d’amour qui devient destructrice. Des choses vécues de près et de loin…
Le troisième, La marche des Justes, sur le harcèlement scolaire. Elle raconte l’histoire de Zoé où Anne-Sophie s’inspire de la réalité. Tout ce qui est décrit dans son roman, elle l’a vu, entendu, vécu. Elle aborde ce sujet des deux côtés, harceleur, harcelé, dominant, dominé. Lorsqu'on lui demande ce qu’elle a ressenti au moment de la parution de La marche des Justes elle me répond : "Une peur de décevoir et un désir de porter la voix de ces jeunes que j'ai empêché de mourir. Je leur ai dédié mon roman. Ils étaient devenus importants aux yeux du monde et aux miens. Je portais la fierté de leur existence car je les aime tels qu'ils sont. Ils étaient libérés et pourraient vivre enfin !".
Et donc depuis peu La révolution des Gouttes.
Le harcèlement scolaire, peu de personnes veulent en parler
"À l’école c’est compliqué, certains établissements ont peur d’être catalogués lieu de harcèlement, pour les parents c’est difficile aussi car ils ont parfois l’impression qu’ils n’ont pas su protéger leurs enfants, et pour les enfants, c’est encore plus compliqué. Parfois quand c’est dur, les gens ne veulent pas entendre." Anne-Sophie a été intégrée par Nord Avril et le rectorat de Lille au Pass Culture qui l’habilite à faire des interventions sur ce sujet et elle est également membre de la cellule pHARe (Le programme pHARe est un plan de prévention du harcèlement à destination des écoles, des collèges et des lycées, fondé autour de 8 piliers).
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Une personnalité hors du commun
Anne-Sophie aime la vie. Elle ne manque pas de rire, de positiver, de chercher dans chaque chose vécue le bien à en tirer : "Si vous êtes malheureuse dans une vie, il y a d’autres vies. Il faut chercher le bonheur dans tout ce qui nous entoure. Une fois, je suis rentrée chez moi et j’ai regardé chacun des objets autour de moi, je leur disais, toi tu me donnes le sourire je te garde, et à l’inverse certains ne m’apportaient rien alors je ne les ai pas gardés (éclats de rire)".
Avec son mari, ils profitent de chaque moment que la vie leur offre : "Il avait une petite liste de toutes les choses qu’il aimerait faire dans sa vie. Aujourd’hui nous avons une liste commune, et à chaque objectif atteint, nous le barrons."
Des choses simples, comme dormir à la belle étoile, camper au bord d’un lac… Idée qu’elle transmet à ses élèves, pour que, eux aussi, dressent une petite liste de souhaits. Et le but direz-vous ? Tout simplement leur faire comprendre que ce qui leur apporte du bonheur est parfois très simple et surtout accessible.
Toute expérience de vie doit être une expérience qui nous construit, on apprend énormément des autres, même sur soi-même
Anne-Sophie CalaisAuteure
Les jeunes sont hyperconnectés de nos jours. Ils communiquent très peu finalement et reçoivent beaucoup d’informations dans tous les sens. Imaginez leurs têtes lorsqu’elle leur explique que le téléphone portable n’existait pas à son époque, qu’il y avait des cabines téléphoniques pour éventuellement appeler nos parents en cas de journée scolaire terminée plus tôt ! "Certains me disent, moi j’appelle ma maman quand je sors de l’école, quand je monte dans le bus, quand j’en descends et quand je suis rentré à la maison. Je leur demande pourquoi et leur réponse est toujours la même : Pour rassurer mes parents, alors, je leur dis, vous ne pensez pas que normalement ce sont les parents qui protègent les enfants ?"
Exprimer ses émotions
Anne-Sophie est bien consciente que nous ne vivons pas dans un monde de "bisounours", cependant elle est convaincue que la sensibilité, les émotions doivent être protégés. "Toute expérience de vie doit être une expérience qui nous construit, on apprend énormément des autres, même sur soi-même".
Anne-Sophie croit aussi au coup de foudre en amitié (aller, je vous avoue, je crois que nous en avons eu un en bavardant). "J’en connais qui trient leurs amis sur le volet. Pas moi ! Les rencontres, les échanges, la magie de l’instant, pour moi c’est ça la richesse de l’être humain, et parfois ça donne un coup de foudre d’amitié".
Lorsque l’on est honnête avec ce que l’on vit, personne ne se moque de ce qui est vrai. Les sujets qui nous ébranlent ne sont pas de la faiblesse
Anne-Sophie CalaisAuteure
Dans notre conversation, elle m’a plusieurs fois dit : "Celui qui n’a pas d’émotions est un psychopathe." elle est convaincue que "Lorsque l’on est honnête avec ce que l’on vit, personne ne se moque de ce qui est vrai. Les sujets qui nous ébranlent ne sont pas de la faiblesse."
Écrire est devenu un second métier. À terme, bien sûr qu’Anne-Sophie Calais aimerait avoir plus de temps pour le faire, mais elle se refuse à arrêter son métier d’enseignante. Depuis peu, elle a repris l’écriture d’un projet ambitieux, dont la préface sera signée par Sophie Adenot (l’astronaute française qui rejoindra l’ISS en 2026) "Je vais réécrire l’histoire d’une jeune femme de ma famille (la fille de cousins qui vivent aux Etats-Unis) Elle a eu un parcours incroyable, parsemé d’embûches, mais elle s’est donné le moyen de réaliser son rêve, devenir pilote de chasse de l’US Air Force. Elle a même été décorée par Obama…" Quand je vous dis que le réel l’inspire.
Si j’écris c’est parce qu’en toute humilité j’aimerais tellement aider, je crois que cette notion d’aide est ancrée en moi. Je suis tellement heureuse au moment où j’ai pu débloquer quelque chose, où c’est plus simple après
Anne-Sophie CalaisAuteure et Enseignante
#Questions à l’auteure
#1. Si vous deviez écrire un livre qui n’a rien à voir avec les thèmes déjà abordés, ce serait quoi ?
"Je voudrais parler de la femme et de sa réalisation personnelle et non à travers des diktats sociétaux, parler d'elle comme un être humain et non comme un être sexué qui devrait correspondre à des conventions préétablies. J’ai plein d'idées : le droit à mourir pour soi avec sérénité et non de survivre pour l’autre qui souhaite égoïstement votre présence car c'est mal de vouloir partir ! La parole qui libère : cette église qui vend de si belles idées mais qui verrouille la parole et meurtrit ses enfants. Le droit à la parentalité mais le devoir d'être un parent aimant. Comprendre pourquoi certaines femmes ont eu recours à l'infanticide alors que l'avortement est légal... Je m'interroge sur ce fonctionnement humain et ce rapport à l'autre et à soi."
#2. Quelle a été votre réaction en découvrant que votre premier livre allait être publié ?
"J'ai bondi de mon lit en lisant le SMS ! J'ai ouvert mes emails, toute tremblante, et j'en ai pleuré de joie ! On m'a tellement persuadée que je ne valais rien..."
#3. Connaissez-vous la fin de votre roman avant de l’écrire ?
"Oui, je connais le titre et la fin globalement. Quand je commence à écrire, tout ce qui m'entoure semble répondre à mes interrogations ou donner un éclairage à ma réflexion comme si l'univers était en osmose avec mon ressenti."
#4. Quel est le meilleur conseil que vous ayez jamais reçu ?
"Écoute ta petite voix intérieure, c'est elle qui a toujours raison. Être soi et être honnête car on se sent en paix avec soi-même. Être gentil envers l'autre c'est se respecter soi, ça cultive notre propre estime. J'ai rencontré des gens si merveilleux : Mon chéri et mes enfants sont mes piliers, mes parents avec leurs faiblesses mais tant d'amour et ma professeure et amie Tatiana Guerchovitch, Chrystel Wautier (chanteuse de Jazz), et tant d'autres…"