Certains croient plus à l’intelligence collective qu’à l’intelligence artificielle. Comme Philippe, Pascale, Daniel ou encore Géraldine, des citoyens qui échangent pratiques, savoir-faire et bonne humeur dans des chantiers de construction participatifs.
“Dans cette pièce, il y a des couches de finition à faire, des contours de fenêtres. Là, il y a des trous à reboucher et dans la pièce du fond, il faut mettre une couche d’accroche”. Philippe Blairy désigne les pièces, les murs et les fenêtres dont il est question. Face à lui, une poignée d’hommes et de femmes, visiblement pas tous très sûrs de ce qu’il faut faire et comment. Alors Philippe explique : “il y a le mélange à faire avec la terre et puis, après, on l’étalera avec les mains”.
Nous sommes à Mont-Bernanchon, près de Béthune. Philippe et sa femme Pascale ont décidé de rénover un corps de ferme. Leur objectif : transformer peu à peu leur passoire thermique construite dans les années 1930 en habitat bioclimatique, respirable et sain. La solution : isoler le logement grâce à des murs en terre et paille de 20 cm d’épaisseur. Pour les aider, ils ont fait appel à des bénévoles. Et chaque été depuis trois ans, ils en accueillent une poignée sur ce chantier participatif.
“L’intérêt : apprendre et retransmettre ces savoirs”
“On a appris ces techniques d’isolation sur un chantier chez des gens, Catherine et Daniel, qui sont devenus des amis”, raconte Philippe. “Après, on a fait d’autres chantiers du même type. Et maintenant, on accueille".
"Ça n’est pas du tout mon métier, mais c’est l’intérêt : apprendre sur des projets d’auto-construction ou de rénovation avec des matériaux simples, naturels, qu’on trouve localement puis retransmettre ces savoirs qui ne sont pas nouveaux.”
Philippe Blairy, auto-constructeur
Chez Philippe et Pascale, ils sont une poignée ce jour-là à mettre la main dans la boue et la paille. “Tu étales comme ça avec tes mains et tu en remets s’il y a des trous”, explique Philippe. “C’est agréable”, trouve Martine venue avec ses deux fils et qui n’en est pas à sa première expérience : “J’ai déjà fait un coffrage avec la paille il y a 2 ans. Là, Pascale et Philippe sont des amis, je leur rends service. Et puis, il y a le plaisir de rencontrer de nouvelles personnes.” “Les bénévoles veulent avant tout du lien social”, confirme Philippe.
“Le bilan est exceptionnel à tous les points de vue”
Pour certains, la participation au chantier a aussi un objectif concret. Comme pour Géraldine, une autre bénévole du chantier, devenue elle aussi une amie de Philippe et Catherine : “On apprend toujours, c’est agréable d’utiliser des matériaux nobles. Et puis j’ai une pièce à isoler donc je sais que ça sera possible”.
À Mont-Bernanchon, les pionniers ce sont Daniel et Catherine Potteeuw. Ce sont eux qui ont initié Philippe et Pascale à ce type de chantier participatif. Ils ont autoconstruit une des toutes 1ères maisons en paille de la région. À l’exception de l’ossature bois pour laquelle ils ont fait appel à un charpentier, tout a été fait en effet lors de chantiers participatifs. En trois étés, 80 personnes se sont succédé pour leur donner un coup de main, et apprendre à leur côté.
“Au départ, c’était un besoin, parce que construire une maison en paille nécessite beaucoup de main-d’œuvre. Donc le but était intéressé, mais on s’est vite rendu compte qu’il se produisait autre chose, qu’il se créait du lien social, des liens d’amitié”.
“C’était une très bonne idée, le bilan est exceptionnel à tous les points de vue : autant le vécu, l’expérience, le confort de la maison”.
Daniel Potteeuw, autoconstructeur
Une facture énergétique réduite à presque rien
Et côté économie d’énergie, le bilan est là aussi plus que positif : “notre maison est bioclimatique donc très isolée. On consomme en électricité 1500 kWh/an et on brûle 5 stères de bois dans l’année. En plus, on produit de 3400 kWh avec des panneaux solaires, soit le double de notre consommation”. Il a calculé que tout compris (eau, électricité, chauffage), la maison lui coûte 270 euros de facture énergétique/an.
Pascale et Phillipe, eux n’en sont pas encore là. Le chantier est loin d’être fini. Mais ils ont déjà enlevé tous les radiateurs électriques et grâce à l’inertie thermique de leurs nouveaux murs et l’acquisition d’un unique poêle de masse, ils ont déjà réduit de 80 % leur facture d’électricité.
Où trouver un chantier participatif ?
Pour l’instant déjà bien développés dans l’Ouest et le sud de la France, les chantiers participatifs sont encore émergents dans le nord de la France.
Il s’agit principalement d’habitats alternatifs en ossature bois, avec une isolation paille, un enduit à la chaux ou en terre… Les chantiers participatifs permettent d’apprendre ces techniques en pratiquant directement sur un chantier en se proposant comme bénévole.
En échange, les participants acquièrent des connaissances et peuvent ainsi se perfectionner dans les différentes méthodes de construction.
Voici quelques liens :
- Réseau Twiza : Réseau d'entraide pour un habitat écologique, convivial et résilient (456 chantiers recensés)
- Réseau Oïkos
- Un lien pour avoir des conseils pratiques : toitsalternatifs