Une enveloppe de 100 millions d'euros, la possibilité "d'abonder en cas de besoin" pour la rénovation des logements, une aide pour le RER entre le Bassin Minier et la métropole lilloise... Le président de la République s'est voulu rassurant, lors d'une rencontre avec les élus locaux autour de l'avenir du Bassin Minier. Même si pour certains, il agit "en campagne".
"A chaque fois qu'il faudra réabonder, on sera là", a promis Emmanuel Macron, plusieurs fois, lors de son discours devant les élus locaux à Liévin, réunis pour faire le point sur l'Engagement pour le Renouveau du Bassin Minier. Ces derniers n'avaient d'ailleurs pas attendu l'arrivée du président de la République pour commencer à s'exprimer.
En début d'après-midi, ils ont fait l'état des lieux de l'avancée du plan, tandis qu'Emmanuel Macron a pris le temps de discuter avec les Liévinois après un dépôt de gerbe en hommage aux victimes de la catastrophe minière de 1974 à Saint-Amé.
Il a ainsi pu échanger avec des habitants heureux d'avoir vu leurs maisons rénovées. Georgette, par exemple, vit cité des Genettes depuis 56 ans et reconnaît qu'elle n'aurait jamais pu entreprendre de tels travaux elle-même : "je préfère ma maison maintenant".
C'est fort de ces poignées de mains, sourires et félicitations qu'Emmanuel Macron est donc arrivé au chalet Brand peu après 15 heures, au pas de course, pour une halte express entre l'hommage aux mineurs de Saint-Amé et un passage au musée du Louvre-Lens, avant de rejoindre Tourcoing en fin de journée pour rencontrer les ministres de l'Intérieur européens autour du thème de Schengen et de la crise migratoire.
Dans son discours, le chef de l'Etat s'est voulu rassurant quant au financement de l'ERBM, l'Engagement pour le Renouveau du Bassin Minier. Pour mémoire, l'ERBM est un vaste plan sur 10 ans, signé par l'Etat en 2017, sous la présidence de François Hollande, comme l'a d'ailleurs rappelé plusieurs fois Emmanuel Macron aujourd'hui : "Cet engagement ce n'est pas moi qui l'ai porté."
Réhabiliter les logements, mais pas seulement
Ce plan, qui agit sur un large périmètre couvrant 8 intercommunalités, de Béthune à Valenciennes, regroupant 251 communes et 1,2 million d'habitants, prend en compte la problématique de l'habitat minier dans la globalité du territoire. Il s'agit de réhabiliter les logements (y compris sur le plan énergétique), de restructurer l'espace public ou encore d'améliorer les mobilités (transports, voiries). Les questions de santé, tourisme, emploi (via une mesure d'allègement fiscal) ou encore éducation sont également au programme.
Ce sont précisément ces questions qui ont fait l'objet des discours des différents élus présents aujourd'hui. Le président de la Région Hauts-de-France, Xavier Bertrand, a d'ailleurs mis les pieds dans le plat dès le début de la séance, faisant référence à l'annonce du déblocage d'une nouvelle enveloppe allouée par l'Etat de 100 millions d'euros : "Y'a pas assez, dit-il clairement, 100 millions d'euros, ça ne fait pas la maille pour couvrir tous les secteurs."
Avec 100 millions d'euros, il va falloir faire des choix
Pour Xavier Bertrand, si l'on choisit de consacrer cette nouvelle enveloppe à l'assainissement de l'eau par exemple, "il n'y aura plus rien". Mêmes interrogations du côté du maire de Valenciennes. "Qu'est-ce qu'on prend en charge avec ces 100 millions ? s'interroge Laurent Degallaix. Si on prend la problématique de l'assainissement d'eau, comme le disait Xavier Bertrand, on va consommer l'ensemble des 100 millions. Pour améliorer le quotidien, on viserait plutôt l'éclairage public, l'enfouissement des réseaux, l'aménagement du ferroviaire."
Le président de la République, lui, n'est pas entré dans les détails de ce à quoi pourra précisément servir cet argent, mais il a rappelé que la Région, et il l'en a remerciée, avait également promis une enveloppe de 100 millions d'euros qui, a-t-il espéré, "va permettre sur la question de l'espace public de faire du beau, réparer, rénover, réinventer l'espace public au même rythme qu'on fait la rénovation de l'habitat individuel et la réhabilitation thermique."
"Les Houillères vous ont laissés sans projet, avec un urbanisme laissé pour mort, vous l'avez racheté, ensemble nous lui donnons des projets", s'est-il épanché en écho au discours très émouvant de Laurent Duporge, maire de Liévin, qui a beaucoup insisté sur l'histoire du territoire.
Laurent Duporge a confié qu'il espérait pouvoir "remplacer le monde d'obscurité, de sacrifices, de dangers par un monde plus respectueux de la condition humaine."
Quid du financement de la rénovation des logements ?
Sur l'enveloppe de 100 millions d'euros allouée en 2017, "40% ont été dépensés", a détaillé Georges-François Leclerc, préfet de la région Hauts-de-France, dans un bilan complet. "Nous sommes à mi-parcours. Sur les 23 000 logements énergivores, les "passoires thermiques", nous en avons fait 9 600." Et de conclure : "il faut aller vite, plus vite".
Des mots repris par Emmanuel Macron, qui insiste sur la nécessité d'aller "plus vite et plus fort, de compresser les délais, simplifier, regarder comment faire plus vite et mieux, instruits par les cinq années écoulées."
Quant aux 60 millions restants du budget originel, estimés comme largement insuffisants, "on réabondera en fonction des besoins", a promis le président. "S'il faut aller plus loin pour aller plus vite et plus fort, nous serons au rendez-vous."
A mesure que les besoins apparaîtront, l'Etat accompagnera. Nous le devons à cette région.
Emmanuel Macron, président de la République
"A mesure que les besoins apparaîtront, s'est-il encore engagé, l'Etat accompagnera. C'est ce qu'on doit à cette région, à ce million et demi d'habitants qui a porté notre histoire et qu'on a laissé se débrouiller seul."
Le chef de l'Etat, qui a promis de bientôt revenir, a également abordé les questions de la culture, se réjouissant de l'aura du Louvre Lens, mais aussi de l'emploi.
Il a confirmé que l'allègement fiscal mis en place dans plusieurs communes serait prolongé de deux ans et s'est engagé à aller plus loin sur les CIE (Contrats Initiatives Emploi, aides à l'embauche des jeunes). Tout comme d'ailleurs le président du département du Nord, Christian Poiret.
L'Etat s'engage pour un RER entre le Bassin Minier et la Métropole Européenne de Lille
"La chance du Bassin sera dans son ouverture, a martelé Emmanuel Macron. L'Etat a su s'engager pour le Grand Paris, dans des proportions massives. Il est en train de s'engager pour le Grand Marseille, dans des proportions massives. Nous nous engagerons pour le Grand Lille, dans les mêmes proportions."
Et de citer l'exemple du Canal Seine-Nord, beaucoup de promesses faites et non tenues, "parce qu'à l'époque, vous n'avez jamais eu l'Etat, mais nous, nous avons été là."
"Pas de mauvaise polémique aujourd'hui", lance-t-il à Xavier Bertrand lorsque ce dernier tente d'intervenir. Le président de région n'aura plus qu'à exprimer sa colère sur les réseaux.
Reste qu'outre les habitants heureux, ceux qui ont vu le gaz remplacer le charbon, ou encore ce couple venu témoigner de son bonheur depuis la rénovation de son logement devant les élus, il y a tous ceux qui attendent et pour qui le temps paraît très long.
A Vendin-le-Vieil, la Cité 10, qui compte 150 logements, fait partie des 13 prochaines à rénover dans la communauté d'agglomération de Lens-Liévin (CALL) mais pour l'heure, aucune date n'a été arrêtée. Dans certaines pièces, les murs s'effritent...
On sait que la rénovation d'une maison est estimée entre 90 et 100 000 euros. Rien que pour la communauté d'agglomération de Lens-Liévin, la facture est estimée à 350 millions d'euros. Que faire sinon attendre son tour ? Le président l'a dit, il va falloir faire vite.
Un président en campagne ?
Encore faut-il que l'argent soit vraiment débloqué. A en croire le député du Pas-de-Calais Pierre-Henri Dumont, ce que le président promet, il le fait "en campagne". Le secrétaire général adjoint des Républicains a choisi de boycotter la venue présidentielle, qu'il qualifie dans un communiqué de "déplacement électoral d’un candidat à l’élection présidentielle faisant campagne avec le chéquier de la Nation France."
Même si le président de la République ne s'est pas encore déclaré candidat à sa propre succession, Pierre-Henri Dumont le voit déjà "en campagne". Pour lui, l'enveloppe allouée à l'ERBM s'ajoute "aux 70 milliards d'euros de dépenses nouvelles déjà annoncées par le président Macron au service du candidat Macron ; à l’instar des 8 milliards d’euros déjà ponctionnés sur le dos d’EDF."
Les engagements qu'on prend ici sont inscrits en lettres de sang
Emmanuel Macron, président de la République
Le président de la République, lui, a beaucoup insisté sur la fiabilité de ses engagements. "Je me sens responsable des engagements qui avaient été pris. Je serai responsable des engagements que je prends devant vous aujourd'hui."
"Les engagements qu'on prend ici sont inscrits en lettres de sang, ils seront tenus au-delà des chiffres. Votre dignité, vous l'avez défendue corps à corps, aujourd'hui c'est la République qui fait corps avec vous."