Les opérations de sauvetage se sont multipliées dans la nuit du 2 au 3 mars alors que plusieurs embarcations avec des migrants à bord étaient en difficulté dans le détroit du Pas-de-Calais. Avec le retour d'une météo plus clémente sur la Manche, la situation était prévisible pour les associations qui dénoncent une nouvelle fois la politique du gouvernement.
Après plusieurs semaines de fort vent sur la Manche, les prévisions météo avait programmé un retour au calme. Pour Jean-Claude Lenoir, président de l’association Salam, les tentatives de traversée vers l'Angleterre étaient hélas prévisibles. "La météo avait annoncé une mer plate. Même si les conditions restent délicates avec le froid, la reprise des traversée de la Manche, c'était sûr ! Nous avions vu revenir beaucoup de populations qu'on sait être là pour rejoindre les côtes britanniques."
Dans la nuit du mercredi 2 au jeudi 3 mars 2022 jusque dans la journée, le centre régional opérationnel de surveillance et de sauvetage (CROSS) Gris-Nez identifie en effet plusieurs embarcations en difficulté dans le détroit du Pas-de-Calais. De nombreux moyens nautiques sont alors engagés pour porter secours aux personnes en difficulté.
Parmi eux, le remorqueur d'intervention, d'assistance et de sauvetage (RIAS) Abeille Languedoc, affrété par la Marine nationale, est engagé sur une première opération. "Arrivé sur zone, le RIAS Abeille Languedoc constate que l’embarcation a pris l’eau et que certains naufragés sont à la mer" précise la préfecture maritime de la Manche et de la mer du Nord dans un communiqué. Le remorqueur récupère 43 naufragés à son bord puis dans un second temps il intervient sur le sauvetage de 49 autres. En parallèle, l’hélicoptère Dauphin, de la Marine nationale, est aussi engagé afin d’effectuer des recherches et de s’assurer que tous les naufragés ont été secourus.
Le canot tous-temps Jean Bart II de la SNSM de Dunkerque (59) est lui aussi engagé sur une opération de sauvetage pour porter secours à 41 naufragés. Ils seront déposés au port de Dunkerque. De son côté, le patrouilleur de service public (PSP) Pluvier de la Marine nationale porte secours à 16 naufragés qu'il dépose au port de Calais. Enfin, le patrouilleur de la Garde-Côtes des douanes françaises le Jacques Oudart Fourmentin porte assistance à 46 naufragés et les ramène au port de Boulogne-sur-Mer.
Un sauvetage réussi mais des populations en détresse
L'association Utopia 56 salue cette opération de sauvetage. "Le Calaisis est un tel enfer, rappelle Chrystel Chatoux, coprésidente de l'association, là c'est un soulagement que le sauvetage se soit bien passé. On garde en mémoire le drame, fin novembre 2021, dans lequel 27 personnes en exil avaient trouvé la mort."
Le sauvetage effectué, les bénévoles d'Utopia 56 constatent une nouvelle fois, sur le terrain, ce qu'ils considèrent comme une défaillance grave : une prise en charge inadaptée. "Nous avions une équipe qui était là sur le port de Boulogne-sur-Mer quand les naufragés ont été débarqués. Un bus les a amené à la gare et là, ils ont été laissés pour compte, les vêtements encore trempés."
Chrystel Chatoux dénonce aujourd'hui l'absence de mise à l'abri : "Nous leur avons distribué des vêtements secs, de l'eau, mais quand nous avons appelé le 115 en début d'après-midi, on nous a dit qu'il n'y avait pas de places pour eux et on nous a conseillé de rappeler à 21h."
Deux poids, deux mesures
Ces personnes en exil viennent d'Egypte, Syrie, Irak ou Iran. "Parmi la cinquantaine présente à Boulogne, il y avait 3 familles avec des enfants en bas âge", précise la coprésidente d'Utopia 56. Mais il y a plus grave encore pour elle : "la gratuité des trains, c'est que pour les Ukrainiens" leur a expliqué un représentant de la SNCF quand les naufragés ont voulu monter à bord. Chrystel Chatoux dénonce l'attitude des autorités françaises : "les agents de la sécurité ferroviaire sont montés à bord pour faire ressortir toutes les personnes qu'ils estimaient faire partie des exilés secourus."
Jen-Claude Lenoir est également révolté face à une telle différence de traitement. Il réclame la mise en place d'une "réelle politique humanitaire pour la France" et espère "qu'un homme politique osera dire enfin que toutes les personnes en exil doivent être traitées de la même façon".
Entre un réfugié qui quitte l'Ukraine et ceux qui fuient une autre zone de guerre, quelle est la différence ? L'horreur d'une guerre est la même partout !
Jen-Claude Lenoir, président de l’association Salam
La préfecture maritime de son côté rappelle dans son communiqué que l'ensemble des naufragés, une fois de retour à quai, ont été pris en charge par la police aux frontières (PAF) et les services départementaux d'incendie et de secours (SDIS). "Le préfet maritime de la Manche et de la mer du Nord met en garde toute personne qui envisage de traverser la Manche sur les risques encourus. Ce secteur maritime est une des zones les plus fréquentées au monde, les conditions météorologiques y sont souvent difficiles, c'est donc un secteur particulièrement dangereux, notamment en période hivernale où la température de l'eau chute."
Si vous êtes victime ou témoin d'un événement de mer, contacter les secours par téléphone en composant le n°196 ou par VHF sur le canal 16.