Un niveau de plomb préoccupant dans des écoles, des enfants atteints de saturnisme : les résultats de deux analyses dévoilés mardi par l'ARS et la préfecture du Pas-de-Calais révèlent que les alentours de l'usine Metaleurop restent empoisonnés, vingt ans après sa fermeture, suscitant l'inquiétude grandissante des riverains.
Ces analyses avaient été annoncées en juin par la préfecture, dans le but de "répondre à l'inquiétude" de la population sur les conséquences sanitaires de l'exploitation de cette usine qui a rejeté pendant des décennies des métaux lourds (plomb et cadmium) dans l'air.
Une campagne de dépistage du saturnisme a ainsi été lancée cet été par l'Agence régionale de santé (ARS) des Hauts-de-France sur les communes d'Evin-Malmaison, Courcelles-lès-Lens, Noyelles-Godault, Leforest et Dourges. Elle révèle sept cas de saturnisme (un taux de plomb supérieur à 50 µg/litre de sang) et 61 imprégnations élevées (25 à 50 µg/l) sur 889 enfants testés. Ces résultats restent partiels car ils ne concernent que 11,7% de la population cible, précise l'ARS dans son communiqué.
Les familles des enfants atteints de saturnisme "ont fait l'objet d'une visite au domicile" pour mener des "investigations", explique l'ARS, soulignant que pour trois enfants, "au moins une autre source d'exposition potentielle au plomb, liée au mode de vie ou à l'habitat, a été identifiée". Les familles des 61 enfants au taux élevé se verront "apporter des explications sur les sources d'exposition possibles au plomb et des recommandations".
"Ce qu'on redoutait"
La préfecture a de son côté annoncé que la teneur en plomb dans le sol de cinq écoles des environs (sur les 5 premiers cm) était plus élevée que la limite de 300 mg/kg fixée par les autorités. Le maximum est de 995 mg/kg dans l'école Léon-Blum d'Evin-Malmaison. Deux autres écoles de la ville sont concernées, ainsi que deux établissements de Courcelles-lès-Lens.
Les autorités ont recommandé "d'empêcher l'accès aux sols non recouverts (terres à nu, pelouses) de plusieurs espaces qui peuvent être fortement fréquentés parles enfants", explique la préfecture dans son communiqué. Les maires des deux communes ont mis en place depuis la rentrée "des dispositifs provisoires" pour "interdire l'accès à ces espaces" et les directeurs d'école ont informé les familles "sur le dépistage à réaliser", ajoute-t-elle.
"C'est ce qu'on redoutait. Ça fait des années qu'on dit que la pollution ne s'est pas arrêtée", a réagi mardi auprès de l'AFP Bruno Adolphi, président d'une association de riverains à l'origine d'une plainte contre l'État. "Il faut impérativement nettoyer les sols dans lesquels se trouvent ces métaux lourds."
Leur avocat, Me David Deharbe, qui représente aussi la communauté d'agglomération d'Hénin-Carvin, a écrit au préfet du Pas-de-Calais pour demander des "mesures de sûreté pour les enfants" et un diagnostic sur "la source de pollution dans les sols".
"Qu'ils assument leurs conneries"
Un père de famille de Courcelles-lès-Lens a raconté à l'AFP que son fils de 2 ans et sa fille de 6 ans étaient tous deux contaminés, le premier à un niveau supérieur à 50 µg/l. Il dit avoir reçu les résultats par courrier, puis un coup de téléphone de l'ARS "pour les minimiser". "Ils nous ont fait comprendre que ce n'était pas grave, qu'il n'y avait pas trop de danger", dit-il. Ses enfants sont cependant soumis à des tests sanguins tous les trois mois.
Le saturnisme, la "maladie du plomb", affecte le système nerveux, la moelle osseuse et les reins ."En tant que parent, j'ai l'impression d'avoir fait un manquement de protection", déclare cet homme de 32 ans qui requiert l'anonymat. "On attend que (les autorités) assument leurs conneries d'avoir laissé les terres polluées." A la fermeture de l'usine Metaleurop en 2003, la zone était considérée comme la plus polluée de France. Cinq communes (24.000 personnes) sont concernées depuis 1999 par une restriction de l'usage des sols.
Une équipe de l'émission d'investigation "Vert de rage", sur France 5, qui a enquêté sur cette pollution, estimait fin avril que 5.815 enfants pourraient avoir été atteints de saturnisme entre 1962 et 2020, dont une centaine depuis 20 ans. La préfecture avait alors répondu qu'un seul cas avait été enregistré depuis 10ans dans la zone.