Consommation : La filière Bio en crise dans les Hauts-de-France

Les ventes de produits bio chutent fortement depuis plusieurs mois. La faute à une demande en baisse, mais aussi à une perte de confiance dans le label.

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Le Bio serait-il en panne ? À en croire les indicateurs, les sacs en toile de jute ne sont plus aussi garnis de produits bio qu'avant. 

Les ventes dégringolent en grandes surfaces : d'après l'institut IRI (société d'études de marché et d'analyse de données), le chiffre d'affaire du bio chute de 6,6% au premier semestre 2022 par rapport à la même période l'an dernier. Les ventes de produits non-bio baissent aussi mais dans une moindre mesure -1,6% en moyenne.

Le phénomène n'est pas nouveau, la dépression dans la grande distribution, qui pèse 55 % du chiffre d'affaires du bio, remonte au printemps 2021. 

Dans les magasins spécialisés, même ambiance, quelques mois après les grandes surfaces, elles voient leur chiffre d'affaires baisser de près de 5 % au premier trimestre 2022. Le climat d'incertitude sur le prix de l'énergie, la guerre en Ukraine et l'augmentation des produits alimentaires font même réfléchir ceux qui ont encore les moyens d'acheter bio. On parle de fin du monde mais le consommateur lui, pense fin du mois.

Le Bio en Hauts-de-France, dernier de la classe

Pourtant la filière bio de la grande distribution avait le vent en poupe et une croissance à deux chiffres, presque indécente durant ces dernières années. Les distributeurs du bio avaient été épargnés durant la pandémie de Covid et pour la première fois en 2020, les ventes dépassaient les 13 milliards d'euros de chiffre d'affaires au plan national.

Le bilan n'est pas fameux en Hauts-de-France, l'agriculture bio est à la traine et bonne dernière sur le plan national. Pourtant l'association "Bio en Hauts-de- France", ne ménage pas ses efforts pour aider les agriculteurs à passer en bio. Mais les agriculteurs de la région très productive, trainent encore les bottes pour passer à la transition biologique. Les Hauts-de-France ne comptent que 1500 fermes bio sur 60 000 hectares et en 2021 seulement 6 000 hectares de terre ont été consacrés à l'agriculture bio.

Le Vent de la colère

Agriculteur bio et administrateur de l'association "Bio en Hauts-de-France", Mikaël Poillion ne remontera plus jamais sur un pulvérisateur. le Bio c'est son cheval de bataille et il ne décolère pas face aux injustices dans la filière. Il nous explique pourquoi les prix augmentent, dénonce une politique à deux vitesses et le manque de courage politique des élus.

"Dans l'agriculture biologique, on dépense moins d'énergie que dans l'agriculture conventionnelle, mais on dépense plus d'énergie humaine, c'est donc un peu plus cher pour le panier du consommateur environ 20% en plus. Mais la grande distribution émarge à 50% voir 70% et parfois beaucoup plus. Exemple pour le lait : elle devrait émarger au prix du conventionnel et elle ne le fait pas. C'est proprement scandaleux", assène Mikaël Poillion.    

L'administrateur de l'association Bio en Hauts-de-France renchérit et accuse la grande distribution de monopole sur le bio qui capte toute la valeur et s'octroie des marges qui n'ont aucune justification si ce n'est que de faire plus de profits. Une situation de monopole unique en France que se partagent cinq grands groupes d'achats. 

Les politiques publiques en faveur du Bio

Mikaël Poillion pointe aussi les élus qui selon lui, devraient agir pour que ce monopole de la distribution soit moins important et prend exemple sur la pandémie de Covid. "Durant la Pandémie de Covid et le confinement, toutes les grandes surfaces étaient ouvertes et nous, nous devions fermer nos petites boutiques de vente directe. Ca été vécu comme une injustice par les petits producteurs locaux", ajoute le producteur bio.

De plus, "la Loi EGALIM n'est pas appliquée dans les grandes surfaces et certaines bio-coop et autres grands groupes bio, se sont engouffrées dans la brèche pour plumer les clients avec des prix stratosphériques", explique Mikaël.

Le producteur dénonce l'immobilisme des élus qui doivent appliquer les lois et donne un exemple criant : "La fameuse loi EGALIM impose de mettre 20% de bio dans les cantines scolaires, nous sommes très loin du compte et c'est aussi pour ça que notre filière est en crise et nous empêche de mettre notre production en valeur. On nous demande de faire du bio et on nous ferme la porte au nez. Nous nous battons aussi pour démocratiser le bio et donner le bon exemple à nos enfants", explique l'administrateur de "Bio en Hauts-de-France".  

Rester à flot malgré la crise 

Du coté d'Houplines, Agnès Kindt est agricultrice et cultive plus de 50 variétés de légumes différents sur sa parcelle de terrain. Certifiée Agriculture Biologique, elle a mis en place des zones réservées à la biodiversité et elle utilise les prédateurs naturels, des prairies permanentes, un cheval et un âne pour l'apport en fumier.

Toute sa production est revendue à une AMAP (association pour le maintien de l'agriculture paysanne), mais ces derniers temps, elle a du augmenter ses prix, elle nous explique pourquoi elle a du faire ce choix : "Avec l'inflation et l'augmentation des matières premières, j'ai fait le calcul du manque à gagner cette année et pour pouvoir vivre décemment et faire face aux charges, il me manquait à peu près 2000 euros. Alors ce sont les adhérents de l'AMAP qui on prit l'initiative et m'ont proposé d'augmenter mes prix de 40 centimes pour un gros panier à 17 euros environs et de 20 centimes pour un petit panier. De ce coté là, je m'estime être chanceuse avec 80 adhérents fidèles et solidaires,  j'arrive à affronter la crise malgré tout, ce qui n'est pas forcement le cas de ceux qui travaillent avec la grande distribution." termine l'agricultrice.

Agnès Kindt a du faire face à l'envolée des prix des semences et des plants cette année et de la nourriture pour ses poules, plus 20% d'un coup, elle a du là aussi augmenter le prix de ses œufs bio, sinon ce n'était plus rentable. Elle remarque aussi que les gens se tournent moins vers les structures comme la sienne. "Les gens préfèrent aller au marché ou bien se faire livrer à domicile, c'est dommage, les prix sont quand même plus bas chez nous, mais je pense que c'est le coté pratique qui prime pour eux", conclut Agnès.

Quand on lui demande comment elle voit son avenir et celui de la filière, elle veut rester positive et parle d'une transition qu'il faudra affronter malgré tout. Elle reste confiante et pour rien au monde elle ne quittera son exploitation maraichère, son gagne pain.

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